Entreprise dans le besoin ? Désignez rapidement une femme (qui pourra plus tard vous pousser dans l’abîme)


Quel est le point commun entre l’Association belge de football et Twitter ? En temps de crise, une femme prend soudainement la barre. Ou comment le plafond de verre est parfois remplacé par une falaise de verre.

Michel Martin

128 ans. C’est la durée pendant laquelle l’Association belge de football a été présidée par un homme. Avec la nomination de Pascale Van Damme, top woman chez Dell, comme première femme présidente, les bouteilles de champagne émancipatrices ont été débouchées. Bien que l’on puisse tout aussi bien cadrer ce choix à partir du malaise au sein du syndicat, qui semble s’être transformé en une véritable fosse aux serpents avec le départ du PDG Peter Bossaert et du président Paul Van den Bulck.

Qui peut nettoyer le gâchis? Exact oui. Une femme.

Gella Vandecaveye n’a pas non plus pu réprimer cette pensée, lorsqu’elle a fait l’éloge de Van Damme dans une interview : “C’est une coïncidence qu’aucun homme ne se lève maintenant pour sortir les marrons du feu…” Cette note latérale forme le cœur de la la théorie de la falaise de verre, un phénomène psychologique souvent qualifié de petite sœur du plafond de verre.

Les deux théories prêchent une inégalité des chances pour les femmes ambitieuses – et en fait plus largement pour les groupes minoritaires. Si le plafond de verre indique qu’il leur est plus difficile d’accéder aux dernières (ou aux plus hautes) marches de l’échelle au sein d’une organisation, alors la falaise de verre fonctionne comme une sorte de dépliant : si ces marches sont à portée de main, il peut y avoir un serpent au milieu de l’herbe.

Retour en 2003. Le journal britannique Les temps écrit à l’époque que les femmes occupant des postes de direction dans les grandes entreprises britanniques “sèment la pagaille”, comme en témoignent les résultats plus faibles des entreprises comptant plus de femmes au conseil d’administration. Lire : les femmes ne sont pas les « leaders nés » que sont les hommes, et ce plafond de verre est donc tout à fait justifié.

Seuls les chercheurs de l’Université d’Exeter ont rebondi peu de temps après : ces mêmes résultats d’entreprise étaient déjà très mauvais avant l’arrivée des femmes. Une analyse récente de 26 000 postes de haut niveau dans des sociétés cotées aux États-Unis entre 2000 et 2016 montre également que le pourcentage d’embauches de femmes augmente fortement dans les entreprises en difficulté financière.

Méfiez-vous de l’homme

Le propriétaire de Twitter, Elon Musk, a récemment semblé écrire à peu près le plan de cette falaise de verre. Pas plus tard qu’en décembre, la rumeur disait qu’en tant que PDG de Twitter, qui était en chute libre, il se retirerait s’il trouvait quelqu’un “assez idiot pour prendre le poste”. Il y a deux semaines, il a présenté ce nouveau PDG : Linda Yaccarino.

Les exemples ne manquent pas, notamment dans le monde politique où les moments de crise comme les nominations sont très visibles. La première femme Premier ministre belge, par exemple. Sophie Wilmès a été autorisée à prendre la relève d’un gouvernement intérimaire fédéral crachotant de Charles Michel, qui est devenu président de l’Europe. Un gouvernement majoritaire à part entière avait à nouveau un homme à la barre, Alexander De Croo.

Sophie Wilmès a été autorisée à prendre la relève d’un gouvernement intérimaire fédéral bafouillant de Charles Michel. Un gouvernement majoritaire à part entière avait à nouveau un homme à la barre, Alexander De Croo.Photo BELGA

Cette chronologie se lit presque comme une conspiration d’hommes. Ils laissent passer le calice lorsque le risque d’échec – et donc de détérioration de l’image – est trop grand. Lorsque les nuages ​​orageux ont disparu, la femme sur sa falaise de verre est poussée vers l’abîme. Ce scénario a déjà reçu une interprétation digne d’un Oscar par Theresa May et les apôtres du Brexit.

Cependant, ce n’est pas toujours aussi clair, explique Bieke Purnelle, directrice du centre de connaissances RoSa vzw. “Vous ne pouvez pas séparer cette histoire des rôles de genre et des idées enracinées sur ce qui constitue un bon leadership.” Par exemple, on attribue souvent aux femmes une qualité de liaison, un certain service aussi. Idéal pour démêler un nœud, peut-être moins pour faire des nœuds.

“Cependant, toutes les femmes ne sont pas douces ou empathiques en tant que dirigeantes”, déclare Purnelle, faisant référence aux accusations de leadership toxique contre la professeure de la VUB, Elke Van Hoof. Pour les femmes dirigeantes, dit-elle, il est souvent “impossible de respecter les deux normes”, a déclaré Purnelle. Être une femme et être un leader est un exercice de navigation. Celle qui s’affirme trop devient vite une garce. Être trop mou, en revanche, est un signe de faiblesse au sommet.

Thérèse May.  Photo Photo Nouvelles

Thérèse May.Photo Photo Nouvelles

Lagarde

La falaise de verre est donc au centre d’un champ de tension bien connu : représentation versus compétence. Nous aimerions plus de femmes au sommet, mais pour les bonnes raisons – et certainement pas pour blâmer l’organisation défaillante sur leurs talons aiguilles (ou baskets), car alors le leadership féminin aura à nouveau un goût amer.

En tant que femme, devriez-vous manquer une opportunité peut-être unique ? Dans une interview avec Quartz La PDG de la BCE, Christine Lagarde, a déclaré qu’elle encourageait toujours les femmes à “dire oui” dans des situations difficiles, car elles offraient simplement des “opportunités” aux femmes de s’exprimer.

Selon Isabelle Mazzara, directrice générale de l’ULB et depuis l’an dernier première femme membre du conseil d’administration de la Pro League, le phénomène est de toute façon très difficile à cerner à un seul cas. « Vous pouvez l’observer et dire que ce n’est pas un hasard si les femmes se retrouvent sur cette soi-disant falaise, mais je n’ai jamais eu ce sentiment moi-même.

« Je ne peux aussi dire que de Pascale Van Damme : elle a vraiment les bonnes compétences pour ce travail », déclare Mazzara. Si la poussée vient jamais, seul l’avenir peut le dire.



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