Karol G a publié vendredi dernier un nouveau single intitulé ‘Si je t’avais connu avant’. Ce sera un nouveau succès commercial, car après une entrée un peu timide dans le top 25 mondial de Spotify, il a gagné des positions jusqu’à se hisser à la 17e place quelques jours plus tard.
Notre éditeur Gabriel Cárcoba a qualifié Karol G de « merengazo de dépit », car la chaîne se remplissait de comparaisons entre cette nouvelle chanson de Karol G et le plus grand succès de Rosalía, « Desphá ». Leur fandom s’est réchauffé au fil des jours sur les réseaux sociaux, et Rosalía, en vérité, y a ajouté un peu de carburant, en partageant à nouveau « Desphá » sur ses réseaux, sans rien dire d’autre. Ce n’était peut-être pas nécessaire… mais en quoi les deux productions sont-elles vraiment similaires ?
« Desphá » a été défini dès le début comme étant une chanson assez différente du contenu perturbateur de « Motomami ». Mais il avait deux points communs avec l’album : une mention de son titre et une certaine fusion des genres, quoique pas si évidente. « Despechá » contient beaucoup de merengue, au point que Rosalía a reconnu trois artistes dominicains qui ont fait du merengue comme ses plus grandes influences pour cette chanson. Il s’agissait de Fefita la Grande, Omega et Juan Luis Guerra, qui a d’ailleurs ouvert son album le plus réussi avec une chanson intitulée « Rosalía », avant la naissance de Rosalía.
Si nous écoutons la musique de Fefita la Grande, nous verrons que ses tubes se caractérisent par une explosion à plein régime. « La chiflera » va à 174 bpm et « Parlons anglais » à 177 bpm. « Despechá » est une chanson très rapide pour ce à quoi Rosalía est habituée. En fait, à un moment donné, les paroles vont jusqu’à dire « Je vais à 180 parce que je suis une racineta » en accord avec le rythme de la chanson, ce qui est vrai qu’il n’est pas si rapide (130 bpm), mais c’est tellement percutant qu’on dirait. Et surtout plus rapide que ‘Malamente’ et ‘Con Altura’ (98bpm), et que le reggaeton en général (90bpm) sont habitués.
De même, si l’on écoute une playlist de merengue, on verra que les arrangements pompeux prédominent, généralement les vents et les cuivres, ou dans le cas de Fefita, l’accordéon. Les productions de Juan Luis Guerra sont si colorées, pour cette raison, grâce à leur multitude d’arrangements pour big band. Le 4h40.
Cependant, « Despechá » est une chanson minimaliste, 100 % Rosalía. Il n’y a pas de trompettes, pas même d’accordéon. Il opte vraiment pour un piano qui sonne plutôt du mambo, voire de la salsa : Celia Cruz peut être une référence. Un piano qui ne joue également de manière obsessionnelle que deux accords qui ne permettent l’entrée d’un troisième qu’à des moments stratégiques de la chanson. De plus, la persistance de son rythme, si mécanique, ou cette partie trottoine dans laquelle le piano s’arrête de jouer, rappelle les standards du reggaeton. Ce n’est pas en vain qu’il l’a créé en live dans un medley avec « Papi Chulo » et « Gasolina ».
Bref, et malgré son apparente simplicité, ‘Despechá’ est un merengue aux éclats de mambo ou inversement, adapté à la modernité urbaine d’aujourd’hui à travers ses rythmes électroniques… Et cela revient au même que ‘Si je t’avais connu avant’ ‘. La chanson de Karol G peut également être classée comme un merengue, mais dépourvue de grands arrangements. Ceux-ci ont également été réduits à une roue d’accords de piano, très salsy, qui ne sont pas seulement 2 dans ce cas, mais tout aussi mécaniques. Il lui suffit d’une sorte de chevalet plus trotton ou décroché pour sonner définitivement comme ‘Desphá’.
Les paroles sont également différentes. Alors que la chanson de Rosalía parle de surmonter un amour du passé, Karol G se demande encore de temps en temps « qu’est-ce qui aurait été si ». C’est pourquoi la chanson de Rosalía est plus triomphante et euphorique, et celle de Karol G est plus belle et mélancolique.
Il serait absurde de prétendre que Rosalía a inventé le merengue ou le mambo, ou qu’elle a été la première à alterner des éléments que les artistes latins fusionnent depuis des décennies. Mais nier aussi qu’il y ait des similitudes : les bpm coïncident même (130 contre 128), contrairement aux autres morceaux de Karol G, qui sont généralement plus lents, donc les mash-ups ne vont pas tarder à venir.
Tout au plus pourrait-on dire qu’il est étrange qu’une star de la taille de Karol G (4 Bernabéus, rappelez-vous) sorte une chanson similaire à ‘Despechá’. Mais Rosalía a aussi sorti une bachata avec The Weeknd, après « Ateo » de C. Tangana et Nathy Peluso et aujourd’hui… qui se souvient de qui est arrivé en premier, la poule ou l’œuf ?