Tparmi les merveilleux fresques de la voûte de la Chapelle Sixtine Un épisode mérite d’être regardé attentivement, le Péché originel et expulsion du paradis terrestre. Eve est très belle, dans une relation de complicité avec le diable, qui, sous la forme d’une femme, mais avec une queue de serpent, lui passe la pomme.
Michel-Ange nous montre Adam facilitant la tâche d’Ève en rapprochant la branche. Dans la suite de l’histoire, nous voyons les géniteurs expulsés du paradis.
Adam, comme on peut bien le voir – ce ne peut pas être une coïncidence – a une mèche de cheveux qui forme une corne, car il a été trahi par Ève.ce qui était aussi beau au paradis que désagréable au moment de l’expulsion.
Cet épisode documente également un parcours de recherche extraordinaire. Le thème de l’expulsion, dans la peinture moderne, a son plus haut exemple chez Masacciodans la chapelle Brancacci de Santa Maria del Carmine à Florence.
Dans le Expulsion des premiers parents d’Eden, les corps sont réels, lourds, meurtris. Masaccio, d’abord, représente la réalité physique de cet homme et de cette femme tombés en disgrâce.
Dans la même chapelle, il y a aussi Adam et Eve de Masolino da Panicale, qui sont nus, mais avec une nudité innocente, séraphique, sans morbidité, sans le poids du corps. Parce que Masolino représente la vision idéale de la condition du Paradis terrestre.
Masaccio, en revanche, représente avec une force expressive la phase dramatique de l’expulsion.: ci-dessus, il y a un ange rouge semblable à celui de Michel-Ange, et on voit les deux corps, qui sont des corps réels, légèrement déformés ; le phallus est dressé, proéminent, à tel point que, longtemps, il a été recouvert par une branche parce qu’il était trop voyant.
Elle montre ses courbes, mais n’est plus belle : son bassin s’élargit, ses mains couvrent ses seins et son pubis. Et puis le visage, douloureux. Il s’agit de la première représentation duHurlement par Munch. Le visage est synthétisé, avec des sourcils baissés.
Il est utile de raconter l’histoire Expulsion des premiers parents d’Eden aussi pour une autre raison. La fresque de Masaccio était initialement très sombre, avec le nettoyage elle est devenue plus claire, mais quelques auréoles sont restées très évidentes, qui sont les “jours” : en un jour il a peint Eve – et au-dessus il y a une petite auréole – et en un jour il a peint Adam – derrière lequel il y a un bleu plus fort, qui est évidemment une altération chromatique de la suite de la peinture sur le mur frais.
Il est certain que Masaccio, une fois sec, aurait tenté d’homologuer le fond d’Adam au fond d’Ève. Cette fresque, malgré sa vitalité chromatique retrouvée, a donc subi une lacération, car quelque chose qui atténuait ce déséquilibre a été supprimé.
Michel-Ange se rendit dans cette chapelle pour étudier le plus grand maître chez lequel il pouvait, à Florence, puiser sa force expressive. Et nous le savons grâce à Vasari lui-même, qui nous explique comment, juste là, Michel-Ange est frappé par son ami/ennemi Pietro Torrigiani« avec qui il partageait le jardin de Laurent de Médicis », qui se casse le nez.
Et nous on verra souvent Michel-Ange représenté avec un visage blessé, en référence à la dispute qui a eu lieu dans la Chapelle Brancacci : « Il a dessiné plusieurs mois au Carmine sur les peintures de Masaccio ; où il a représenté ces œuvres avec un tel jugement qu’elles ont étonné les artisans et les autres hommes, à tel point que son envie a grandi avec son nom. On raconte que Torrigiano, ayant contracté amitié avec lui et en plaisantant, ému par l’envie de le voir plus honoré que lui et plus habile dans l’art, avec une telle fierté il le frappa au nez avec son poingqui, brisé et écrasé par la malchance, l’a marqué à jamais.”
Les figures de Masaccio sont si réalistes qu’elles comportent même des ombres, et en les étudiant Michel-Ange, très jeune, à dix-huit ans, il réalise un dessin comme témoignage de sa réflexion et de son inspiration.
Il part de Masaccio, même si Buonarroti peint ensuite les corps aux anatomies plus rancunières. Adam est dans la même position de désespoir, mais le mouvement de ses membres se fait davantage sentir. Les cuisses d’Ève sont aussi certes dérivées de la fresque, mais elles sont plus plastiques, sculpturales.
Donc Michel-Ange construit son épisode à partir des fresques de Masaccio de la chapelle Brancacci, les retravaillant déjà dans son dessin de jeunesse, et les achevant enfin dans les fresques d’Adam et Ève expulsés du paradis terrestre dans la Chapelle Sixtine. C’est un processus qui a une source importante, une réflexion dans le dessin et une conclusion dans la fresque.
Cela permet aussi de comprendre ce qui bouge dans la tête des artistes et à quel point certaines sources sont vitales. Masaccio était certainement pour Michel-Ange. […] Même s’il est mort très jeune, il était un maître absolu, et ce lien l’indique avec éloquence.
(Extrait du nouveau livre de Vittorio Sgarbi Michel-Ange. Bruit et peurLe Navire de Thésée).
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