Bart Eeckhout est commentateur en chef chez De Morgen.
Il se pourrait bien que cette semaine soit enregistrée comme une période charnière plus tard dans l’histoire économique. En Ukraine, les armées de Vladimir Poutine poursuivent leur guerre de conquête aussi meurtrière qu’impitoyable. Cela oblige l’Union européenne à imposer des sanctions de plus en plus sévères, qui lui coupent également la peau économique. A Washington, la banque centrale américaine, la Réserve fédérale, décide la plus forte hausse des taux d’intérêt depuis le début du siècle, pour contenir l’inflation hors de contrôle. Dans l’intervalle, la Chine continue de lutter contre le virus corona avec des mesures de confinement strictes, ce qui exerce une pression sur l’approvisionnement de la quasi-totalité du commerce mondial.
Bref, pas besoin d’être un grand pessimiste pour voir les contours d’une crise économique prolongée dans ce confluent de circonstances. La hausse des prix déclenche la spirale inflationniste, la pénurie de stocks choque l’économie du juste-à-temps, l’incertitude quant à la tournure du monde s’insinue dans l’esprit des investisseurs, des entrepreneurs et des consommateurs. Pour le mettre dans un cliché de football pétrifié : alors vous savez que ça va être difficile.
Pourtant, tout n’est pas perdu. Cela ne doit pas mal tourner, même dans notre fragile économie d’exportation. L’un des éléments encourageants est que la demande de main-d’œuvre nouvelle n’est pas encore au point mort. Le taux d’emploi continue de croître (légèrement) et l’appel à de nouveaux collaborateurs est toujours fort. Les banques, les télécoms, l’aéroport… ils mendient tous pour les gens. Les secteurs sociaux critiques – l’éducation, les soins – pourraient également utiliser des personnes supplémentaires.
Il ya un problème. Plus la pénurie sur le marché du travail est grande, plus le fonctionnement inadéquat de ce marché du travail devient visible. L’analyse est bien connue : le marché du travail belge protège assez généreusement ceux qui ont la chance d’en faire partie, mais il peut aussi créer des obstacles pour ceux qui sont laissés pour compte, par exemple en raison d’une maladie de longue durée ou d’un manque de formation. . Cela signifie que la réserve de main-d’œuvre qui existe encore a du mal à correspondre à la demande de main-d’œuvre.
Gauche et droite, employés et employeurs, ont traditionnellement réagi de manière assez prévisible à cette analyse. Pour certains c’est la charge de travail qui rend malade, pour d’autres c’est le manque d’activation des demandeurs d’emploi. Cette guerre de positions s’annonce à nouveau et n’aboutira plus à rien.
Et s’ils avaient tous les deux raison ? Pourquoi la solution à un problème devrait-elle empêcher une issue à un autre ? La situation est suffisamment grave pour oser envisager cette pensée.
En ce moment, toute l’économie mondiale est en train d’être anéantie. Les partenaires sociaux ne peuvent plus se permettre de camper de manière crédible sur des thèses anciennes et dépassées. Avec les gouvernements de ce pays, ils sont confrontés à la tâche historique de conclure un nouveau contrat social qui concilie les contradictions du marché du travail. Le moment est venu, il ne manque que l’autorité et la confiance mutuelle.