C’est un spectacle si familier pour ceux qui regardent la mer du Nord depuis les dunes de Katwijk ou d’Egmond. D’abord les surfeurs et quelques voiliers puis, plus loin, des bateaux en route vers IJmuiden, Rotterdam ou d’autres ports. Par temps clair, les moulins à vent peuvent également être vus, les pales grinçant paresseusement dans le vent. Mais ce n’est que la partie visible de la mer du Nord, depuis les plages hollandaises. Une nature morte paisible comparée à l’agitation maritime au-delà de l’horizon.
Chaque année, il y a plus d’éoliennes. Et ils grossissent. Dans la perspective de la «transition verte» comme dernière bouée de sauvetage pour le réchauffement de la terre, il semble donc extrêmement positif que les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark et l’Allemagne, au cours d’une Sommet de l’énergie éolienne à Esbjerg des plans se sont déroulés pour des milliers de nouvelles turbines en mer du Nord – où le vent règne librement et est libre.
Mais en pleine mer, où chacun vole sous son pavillon et où les responsabilités s’obscurcissent entre les flots, des risques colossaux se présentent ; non seulement pour les utilisateurs directs – pêcheurs, pétroliers, cargos, moulins à vent, plates-formes pétrolières, opérateurs de câbles et de pipelines, marines et forces aériennes, bateaux de plaisance et ferries – mais aussi pour l’environnement et les millions d’habitants vivant dans les zones côtières du monde eaux navigables les plus fréquentées. Qui contrôle le trafic maritime sur un site comme trafic naval vue voit d’un coup d’œil que la mer du Nord s’est développée en une zone industrielle complète, où la grande navigation a été transformée en navigation intérieure. Des milliers de navires naviguent entre les parcs énergétiques en expansion dans des canaux de plus en plus étroits. Les options d’évacuation en cas de tempêtes ou de calamités ont atteint un minimum. Et le contrôle du trafic comme dans les airs n’existe pas en mer.
Dire qu’il existe des conflits d’intérêts entre les utilisateurs de la mer du Nord est un euphémisme. Autrement dit : il semble attendre le coup. Les milieux maritimes sont très inquiets, surtout après le voyage ivre du cargo Julietta D qui a dérivé à la dérive près d’IJmuiden fin janvier. Si cela n’est pas devenu une catastrophe, c’est simplement parce que tout s’est bien passé. La catastrophe aurait été incalculable si le chimiquier avec lequel le navire est entré en collision avait été plein et non vide. Ou si la Julietta D sans gouvernail avait heurté la plate-forme de gaz temporairement déconnectée qu’elle manquait maintenant d’un cheveu.
Avec cette mer du Nord très fréquentée, on peut s’attendre à une moyenne de 2,5 collisions par an, a calculé l’institut de recherche néerlandais MARIN pour CNRC† La directrice des garde-côtes, Nicole Kuipers, a expliqué cette semaine dans le Noordhollands Dagblad mettre le doigt sur le point sensible en déclarant que lors de la construction de nouveaux parcs éoliens, l’attention portée à la sécurité « passe parfois au second plan ». Avec des milliers de nouvelles éoliennes en route, la mentalité perçue comme « laissons tomber » semble être une recette pour le désastre.
Alors que la mer du Nord est progressivement devenue une zone à problèmes, personne n’en porte ou ne se sent pleinement responsable. Les partis commerciaux et les gouvernements veulent continuer. La mer du Nord est le moteur de la transition verte, mais elle se tord, se heurte et se fissure. Faire des choix devient inévitable ; le commerce mondial, à 90 % via les voies maritimes, ronge un avenir plein d’éoliennes. Porte-conteneurs de 400 mètres, pétroliers remplis de gaz ou de produits chimiques, tout se faufile en mer du Nord ; sur les trajets les plus courts possibles, avec l’équipage le plus réduit possible et le débit le plus rapide possible, car la concurrence est féroce et l’encadrement limité et fragmenté. De plus, pour réduire la dépendance vis-à-vis des carburants russes, c’est précisément cette partie de l’Europe qui peut compter sur l’arrivée d’une immense flotte de méthaniers.
Il est alarmant que cette zone industrielle maritime en particulier ne dispose pas des mesures de sécurité habituelles dans un endroit comme Pernis. La réponse néerlandaise n’est pas non plus convaincante ; une meilleure surveillance des navires est un palliatif, de même que quelques remorqueurs auxiliaires supplémentaires pour intercepter plus rapidement le prochain Julietta D. Là aussi, le gouvernement pense surtout à développer l’énergie éolienne, alors que la mer réclame des choix et des régulations.
A l’international, c’est encore plus difficile. Une image inquiétante émerge de spectateurs qui connaissent les risques mais sont trop fragmentés pour gérer la mer du Nord de manière responsable. Ces risques sont si graves que les pays concernés doivent envisager une autorité de la mer du Nord dotée de pouvoirs internationaux. Les seuls qui peuvent changer cela sont les pays eux-mêmes ; il leur incombe de trouver une solution pour une gestion sûre de la mer du Nord. Le fait que les situations dangereuses se déroulent principalement derrière l’horizon ne doit jamais conduire à l’insouciance ou à la sous-estimation. Tout le monde avait été prévenu.
Une version de cet article est également parue dans le journal du 21 mai 2022