Des manifestations meurtrières éclatent à Bagdad après le départ de Sadr


Plusieurs personnes ont été tuées à Bagdad lundi après que l’influent religieux chiite Moqtada al-Sadr a annoncé qu’il se retirerait de la politique, incitant ses partisans à prendre d’assaut un complexe gouvernemental et à affronter des milices liées à ses rivaux soutenus par l’Iran.

Des hordes de jeunes loyalistes ont chargé dans les salles de marbre du palais républicain dans la zone verte fortifiée de Bagdad, qui abrite le parlement, de nombreuses ambassades étrangères et des bâtiments gouvernementaux. Le bâtiment, l’un des anciens palais de Saddam Hussein qui a ensuite servi de siège à l’occupation dirigée par les États-Unis, accueille désormais des réunions du cabinet et des visites de dignitaires étrangers.

L’Irak est plongé dans l’une de ses pires crises depuis que l’invasion menée par les États-Unis a renversé Saddam Hussein en 2003, le pays n’ayant plus de gouvernement en fonction depuis octobre. L’impasse marque la plus longue période que des groupes politiques fractionnés aient pris pour s’entendre sur une nouvelle administration depuis les premières élections soutenues par les États-Unis en 2005.

Les violences de lundi semblaient devoir aggraver la tourmente, faisant craindre une plus grande instabilité dans ce pays fragile.

Au moins 10 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées par des coups de feu, des gaz lacrymogènes et des altercations avec la police anti-émeute, selon l’Associated Press, qui cite des responsables médicaux. Les sadristes ont confirmé le nombre, publiant une liste des 10 manifestants décédés.

Le parti de Moqtada al-Sadr a remporté la plus grande part des sièges lors des dernières élections, mais il n’a pas été en mesure d’obtenir un gouvernement majoritaire © AFP via Getty Images

Une déclaration de la mission de l’ONU en Irak, également hébergée à l’intérieur de la zone verte, a appelé au calme de toutes parts. « La survie même de l’État est en jeu », lit-on dans un communiqué.

Des coups de feu ont retenti de la zone verte jusque dans la soirée. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montraient des convois itinérants de véhicules blindés, dirigés par la milice de Sadr ainsi que par ceux plus étroitement liés à l’Iran.

Un couvre-feu national illimité a été imposé à partir de 19 heures et les séances du cabinet intérimaire ont été suspendues alors que les forces de sécurité tentaient de calmer l’escalade de la situation dans la capitale. Les routes vers le sud ont été fermées pour empêcher une nouvelle vague de manifestants en provenance des provinces d’où Sadr tire une grande partie de son soutien de base.

De nombreux partisans du religieux bloquent le parlement depuis quatre semaines, organisant un sit-in dans un camp de tentes pour protester contre l’impasse qui a laissé l’Irak sans gouvernement depuis les élections législatives d’octobre dernier.

Le mouvement de Sadr a remporté la plus grande part de sièges, mais il n’a pas été en mesure d’obtenir un gouvernement majoritaire après avoir refusé d’inclure ses collègues rivaux chiites. Il s’est retiré des pourparlers prolongés sur la formation du gouvernement en signe de protestation, plongeant l’Irak dans l’incertitude et le laissant gâché par l’intensification de la discorde entre les partis chiites au pouvoir. Récemment, Sadr a appelé à des élections anticipées et à la dissolution du parlement.

L’ecclésiastique mercurial s’est longtemps présenté comme étant en dehors de l’establishment au pouvoir, malgré le rôle de son mouvement dans le système politique. Il a déjà provoqué des troubles civils, notamment en 2016 lorsque ses partisans ont pris d’assaut le Parlement et la zone verte.

Un partisan sadriste à un barrage routier. Des affrontements avec des groupes chiites rivaux soutenus par l’Iran à Bagdad ont fait au moins 10 morts © AFP via Getty Images

Ancien chef de milice qui a dirigé la principale résistance chiite à l’occupation américaine, il tire une grande partie de son soutien d’une circonscription ouvrière dévouée qu’il peut mobiliser dans la rue. Le populiste Sadr s’est présenté comme un nationaliste qui s’est prononcé contre l’ingérence étrangère – bien qu’il ait des liens avec l’Iran et y ait parfois cherché refuge. Cette position résonne profondément dans sa circonscription.

Ce n’est pas la première fois que Sadr annonce son retrait de la politique : il a suspendu les activités de son mouvement dans le passé, pour exprimer son mécontentement. De nombreux observateurs irakiens ont rejeté l’annonce de lundi comme un autre bluff, bien que plus risqué, compte tenu de la volatilité récente.

Sur Twitter, Sadr a déclaré qu’il fermait ses bureaux politiques mais qu’il garderait ouverts les bureaux religieux, sociaux et culturels. « J’ai décidé de ne pas m’immiscer dans les affaires politiques alors maintenant j’annonce ma retraite définitive », a-t-il écrit..



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