Le président du PS, Paul Magnette, a demandé à la fin de la semaine dernière le président du Parlement wallon, Jean-Claude Marcourt (PS), de démissionner. Ainsi semble la chanson du puissant liégeois ‘club des cinq‘ vraiment chanté maintenant.

Tina Peters

Le président du Parlement Jean-Claude Marcourt et le greffier Frédéric Janssens l’ont laissé pendre à Dubaï mi-novembre 2021. Leur voyage de quatre jours a coûté près de 20 000 euros : ils ont voyagé en classe affaires, ont séjourné à l’hôtel cinq étoiles The Palm et ont été guidés par un guide privé.

Cependant, ils n’y firent pas beaucoup d’études : le compte rendu de leur voyage ne comportait pas plus de quatre phrases. De plus, ils ne sont arrivés que l’avant-dernier jour de la semaine Wallonie-Bruxelles de l’Exposition Universelle, ce qui était la raison officielle qu’ils donnaient pour leur voyage au Moyen-Orient.

Les autres membres du bureau du Parlement wallon devaient initialement accompagner Marcourt et le greffier à Dubaï, mais ont finalement abandonné. Ils auraient même retiré l’approbation officielle de l’escapade luxueuse.

Comptes déraillé

Dans un premier temps, les choses sont restées calmes à l’avenue Keizers à Bruxelles, où se trouve le siège du PS, lorsqu’un détail saillant après l’autre sur le parcours de Marcourt et Janssens s’est retrouvé dans la presse francophone la semaine dernière.

Le voyage vient s’ajouter à la pile de dossiers peu recommandables au Parlement wallon. Par exemple, le greffier a déjà été suspendu en septembre en raison de son style de gestion autoritaire et des coûts de rénovation exorbitants du bâtiment du parlement. A l’origine, il coûterait 10 millions d’euros, mais les dépenses sont déjà passées à 46 millions d’euros.

En fin de semaine dernière, Magnette a enfin refait surface. Le président du PS a tenté de minimiser le rôle de Marcourt de deux manières : il a souligné les erreurs du greffier et il a dit que tous les membres du bureau devaient contrôler collectivement les dépenses du Parlement et étaient donc collectivement responsables des déraillements.

Selon lui, tous les membres du bureau, l’instance dirigeante dans laquelle siègent les parlementaires de tous les partis majoritaires, devraient donc démissionner. Sophie Pécriaux, l’autre députée PS qui fait partie de l’agence, a déjà annoncé vendredi soir son départ.

Cependant, Ecolo et MR, les autres partis majoritaires du gouvernement wallon, ne sont pas si facilement entraînés dans le bain. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, a exigé dimanche la démission de Marcourt et Janssens, mais pas du reste du bureau. Manu Disabato d’Ecolo a renversé la vapeur : « Soyons clairs : si le président reste à son siège, je démissionnerai.

Frédéric Daerden, le président de la fédération PS liégeoise (à laquelle appartient également Marcourt) a déclaré dimanche matin à C’est pas tous les jours dimanche sur RTL TVI que Marcourt est prêt à démissionner avec les autres membres du bureau. Que ce soit vrai n’est pas clair. Une rivalité de longue date fait rage entre la famille Daerden et Marcourt.

Marcourt est parti vendredi soir Le Soir savoir qu’il « ne sait pas pourquoi il devrait démissionner ». Le PS peut entendre que Marcourt fait l’objet d’une enquête judiciaire pour savoir s’il devrait réellement partir après celui-ci faux pas. Pour être clair : Marcourt n’a qu’à démissionner de la direction du parti en tant que président du parlement et du bureau. Il peut rester député.

Le club des cinq

Marcourt était le dernier des soi-disant liégeoisclub des cinq‘, qui avait encore beaucoup de pouvoir et de prestige. Le club comprend également Alain Mathot, Stéphane Moreau, André Gilles et Willy Demeyer. Pendant des années, ils se sont partagé le pouvoir et donc aussi les postes importants entre eux : fédéral, local et régional, devant et dans les coulisses.

La fédération liégeoise s’enorgueillit aussi d’avoir suivi sa propre voie et que la direction nationale du parti n’ait guère eu son mot à dire. Moreau et Gilles sont renversés de leur trône par les affaires de l’intercommunale Publifin. Dans ce scandale, des politiciens ont été payés pour des réunions qui n’ont jamais eu lieu. Gilles était président de Publifin, Moreau était le PDG de Nethys, la branche opérationnelle de Publifin. C’étaient les hommes en coulisses.

Demeyer était à l’honneur en tant que bourgmestre de Liège. En 2017, lorsque la fraude est révélée à Publifin, il a pu rester bourgmestre, mais a dû démissionner de la Chambre et de la présidence de la fédération liégeoise.

Alain Mathot, fils de Guy Mathot, a longtemps été maire de Seraing et vice-président de l’intercommunale Publipart, dont Publifin était actionnaire. Il a également dû démissionner là-bas à cause de la même affaire. Mathot a également été condamné cette année à 12 mois de prison avec sursis dans une autre affaire de corruption à l’incinérateur de Herstal.

Le désaveu de Marcourt par Magnette montre à quel point les temps ont changé au PS. Elio Di Rupo, aujourd’hui Premier ministre de Wallonie, a tenté à plusieurs reprises de briser le pouvoir du club liégeois, mais à chaque fois avec hésitation. Il n’a jamais osé affronter cette fédération capricieuse.

Magnette réagit plus strictement aux faits moins lourds, peut-être parce qu’il doit – bien plus que son prédécesseur – subir l’avancée de l’extrême gauche PTB-PVDA.



ttn-fr-31