Début de la fin des énergies fossiles : avons-nous atteint un tournant critique pour les objectifs climatiques ?


Le monde approche du point où les émissions du secteur énergétique commenceront à diminuer, selon les experts. Quelle est la probabilité que cela soit le cas et qu’est-ce que cela signifie pour atteindre les objectifs climatiques ? « Une étape importante, mais en même temps aussi un minimum absolu. »

Dieter De Cleene

« Un pic d’émissions du secteur électrique est imminent et pourrait déjà s’être produit », concluent des chercheurs du groupe de réflexion sur le climat Ember dans un récent rapport. Ce sommet constitue un tournant crucial sur la voie d’une société neutre pour le climat.

Plus tôt cette année, les analystes d’Ember s’attendaient à ce que les émissions du secteur de l’électricité – la principale source d’émissions de CO2 – commencent à diminuer en 2023. Mais la panne des centrales hydroélectriques due à la sécheresse a mis un terme à cette activité.

Nous attendons toujours les données les plus récentes, mais selon Ember, il est probable que les émissions auront culminé en 2023. Dans le même temps, il existe une faible chance qu’un pic n’apparaisse pas avant 2024 ou que les émissions atteignent effectivement leur maximum en 2022, si les émissions en 2023 s’avèrent inférieures aux prévisions.

Technologie propre

À l’automne, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a également signalé, sur la base d’une analyse de la politique climatique, que les émissions du secteur de l’énergie pourraient culminer d’ici 2025 et peut-être dès 2023. Cela concerne non seulement la production d’électricité, mais aussi les transports et le chauffage. .

« Il est difficile de prédire avec précision si les émissions atteindront leur maximum en 2024, 2025 ou 2026 », déclare Mathieu Blondeel, expert international en politique énergétique (Vrije Universiteit Amsterdam). « Mais il est certain qu’un pic est imminent. »

Le pic d’émissions attendu est en grande partie dû au déploiement rapide des énergies renouvelables et des technologies propres, telles que les pompes à chaleur et les voitures électriques. Selon l’AIE, la crise énergétique résultant de l’invasion russe de l’Ukraine a encore alimenté cette avancée et pourrait annoncer « le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles ».

Malheureusement, la demande totale d’électricité continue de croître plus que le nombre de panneaux solaires et d’éoliennes, ce qui signifie que les émissions ont continué à augmenter jusqu’à présent. «Nous constatons une croissance extrêmement rapide des énergies renouvelables qui continue de surprendre», déclare l’expert en énergie Joannes Laveyne (UGent). « Mais pour l’instant, cela ne couvre que 85 pour cent de la demande supplémentaire. » Une baisse des émissions ne se produira que lorsque les sources d’énergie renouvelables se développeront si rapidement qu’elles dépasseront la demande supplémentaire d’électricité.

L’analyse d’Ember montre que 107 économies sur 215 ont connu un pic d’utilisation des combustibles fossiles pour la production d’électricité depuis au moins cinq ans, y compris les États-Unis et l’Union européenne. La Chine, qui en tant que premier émetteur de gaz à effet de serre a une influence importante sur le sort du reste du monde, se dirige vers une baisse de ses émissions d’ici 2024, selon plusieurs analyses récentes.

Avant de faire éclater cette bouteille de champagne restante, quelques mises en garde. Il faut garder à l’esprit que l’AIE est une organisation politique, note Blondeel. « L’AIE relève de l’OCDE, le club des pays industrialisés souvent importateurs nets d’énergie fossile. Ils s’intéressent à une histoire dans laquelle les fossiles culminent. L’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, s’attend quant à elle à une croissance de la demande de 16 % d’ici 2045. Les rapports et les scénarios sont souvent aussi des tentatives de contrôle du récit.

Ce n’est pas la première fois qu’un pic d’émissions est annoncé. «La question de savoir si les émissions diminueront réellement de manière structurelle dépendra fortement de l’augmentation de la demande énergétique, et donc aussi de la croissance économique», explique Laveyne. « Si l’économie se redresse de manière significative, un déclin attendu peut rapidement se transformer en hausse. Je ne mets pas la main au feu pour un déclin cette année.»

ImageAFP

Tardif et insuffisant

Non seulement les émissions du secteur énergétique doivent diminuer, mais également les émissions totales, qui incluent par exemple les émissions dues à la déforestation et à l’agriculture. Et selon l’analyse publiée le mois dernier par le Global Carbon Budget, ces émissions totales se situent toujours à un plateau vertigineux de plus de 40 milliards de tonnes par an. Selon l’institut de recherche Climate Analytics, il y a 70 % de chances que les émissions totales commencent également à diminuer en 2024.

Une diminution (d’une partie) des émissions est une bonne nouvelle. Mais les émissions doivent diminuer non seulement un peu, mais très rapidement, si nous voulons conserver la possibilité de limiter le réchauffement à un degré et demi. «Si un revirement se produit réellement, ce sera une étape importante, mais en même temps un minimum absolu», estime le climatologue Joeri Rogelj (Imperial College de Londres).

Pour atteindre zéro émission nette d’ici 2050, une diminution de 9 % par an est nécessaire, estime le climatologue Wim Thiery (VUB). À titre de comparaison : lors de la crise du coronavirus en 2020, les émissions ont temporairement diminué d’environ 5 % en raison d’une économie en berne. « Au taux d’émission actuel, la quantité de carbone que nous pouvons encore émettre si nous voulons rester en dessous d’un degré et demi de réchauffement sera épuisée d’ici 6 à 7 ans », estime Thiéry. «Nous constatons donc une évolution encourageante, mais elle arrive très tard et reste largement insuffisante.»



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