De victime à criminel : trop de « renards » deviennent ensuite des « boches »

Ann De Boeck est journaliste.

Anne De Boeck

Commencer la nouvelle année en beauté, a pris un sens amer le soir du réveillon du Nouvel An dernier. Celle des ambulances bloquées qui ont été bombardées de feux d’artifice, des fourgons de police pillés et des pompiers qui ont éteint des voitures incendiées au péril de leur vie. Plus de 60 jeunes émeutiers ont été arrêtés à Anvers et plus de 200 à Bruxelles. Trois pompiers souffrent toujours d’acouphènes dus à l’explosion de pétards lourds.

Tout aussi assourdissant est l’appel à des sanctions plus strictes pour ces jeunes. Pour le bourgmestre d’Anvers Bart De Wever, les émeutes prouvent l’utilité de l’assignation à résidence préventive dont ont bénéficié une trentaine de jeunes à l’approche des festivités. Il espère que le parquet exigera de lourdes peines à l’encontre des jeunes arrêtés. Tout comme les hommes politiques ont également exigé des sanctions sévères après la célèbre émeute des parasols sur la plage de Blankenberge ou la folie de Blaarmeersen à Gand.

Cet appel est compréhensible, car les émeutes ne sont pas isolées. Les parquets pour mineurs constatent une augmentation du nombre de délits commis par des mineurs. Cela ne concerne pas seulement les farces malicieuses, mais aussi les faits graves tels que les attaques au couteau, la formation de gangs et les vols. Ainsi, pour une raison ou une autre, de plus en plus de jeunes s’égarent. Un chemin vers un monde dans lequel tout ce qui sent le gouvernement doit être détruit, même s’il s’agit d’une jeune infirmière ou d’un volontaire des pompiers.

Il est incompréhensible qu’une personne puisse contrarier un premier intervenant en route vers une urgence. Il appartient désormais au tribunal de prendre les mesures appropriées en fonction des faits. Mais la question reste de savoir pourquoi tous ces jeunes sont descendus jusqu’ici dans un tas de missiles non guidés. Apparemment, nous ne sommes pas en mesure de procéder à des ajustements en temps opportun lorsqu’ils apparaissent pour la première fois sur le radar de la justice.

La grande majorité des jeunes que les juges des enfants voient comparaître devant eux sont des jeunes en situation d’éducation préoccupante, « VOS » dans le jargon. Des jeunes qui, par exemple, sont victimes de négligence, d’un divorce contesté ou de mauvais amis. Une petite minorité a commis une « infraction qualifiée de crime », ou MOF en abrégé. Le problème est que trop de « renards » deviennent ensuite des « boches », de victime à criminel.

Les jeunes ont besoin d’un travailleur social qui vient à leur domicile, d’un programme avec un psychologue ou un psychiatre et d’un séjour dans une institution ouverte. Cependant, les longues listes d’attente pour tous ces services les laissent de côté. La crise de l’aide à la jeunesse s’aggrave d’année en année. Les jeunes luttent de solution d’urgence en solution d’urgence. Et quand les choses tournent mal, l’emprisonnement s’annonce. Cela ne résout pas le problème.

Des sanctions plus sévères semblent attrayantes pour ceux qui veulent capter l’indignation du public contre les émeutiers. Mais sans un encadrement approprié, la meilleure garantie est de les revoir dans la rue l’année prochaine. Il faut un village pour élever un enfant.



ttn-fr-31