De Poutine à Morawiecki, pourquoi Salvini s’est-il envolé pour l’Ukraine ?


Matteo Salvini s’envole pour Varsovie et s’approche de la frontière avec l’Ukraine pour promouvoir la paix et organiser le voyage de certains réfugiés vers des villes dirigées par les maires de la Ligue, qui ont offert leur entière disponibilité. Quelqu’un la définit comme « une énième salvinata », la comparant presque à ces initiatives quelque peu pittoresques dont le Capitaine se fait de temps en temps le protagoniste, comme lorsqu’en tant que Ministre de l’Intérieur il était filmé avec un casque sur la tête à la barre du bulldozer avec lequel la villa abusive de Casamonica à Rome a été démolie ainsi que l’appel téléphonique désormais bien connu aux trafiquants de drogue présumés de Bologne.

Édulcorer le tout récent passé pro-Poutine

Le contexte ici est pourtant décidément différent, dramatique, et nul doute que le leader de la Ligue en est parfaitement conscient. Le fait est que contrairement au bulldozer ou à la campagne anti-drogue, qui s’inscrivaient parfaitement dans le courant dominant du Carroccio, cette fois la « salvinata » a de tout autres objectifs. Tout d’abord, celui d’édulcorer son passé très récent pro Poutine, ce qui n’est pas une opération facile. Car au-delà du post il y a presque 7 ans avec lequel il s’est montré devant l’objectif vêtu d’un T-shirt avec la photo de l’uniforme du président russe imprimée dessus accompagné d’un élégant « Je donne deux Mattarella pour la moitié de Poutine », les relations avec la Russie de Le tsar Vladimir s’est encore intensifié au fil des ans. Comme en témoignent les nombreuses visites à Moscou, dont celle qui a eu lieu alors qu’il était déjà au Viminale et au cours de laquelle certains membres de son parti (dont un ancien porte-parole du chef de la Ligue) se sont divertis à l’hôtel Metropol en parlant de la vente de produits pour recevoir en échange – c’est l’hypothèse accusatrice – un financement illicite. Salvini a toujours minimisé et pris ses distances. Même à l’occasion de la dernière « découverte » qu’est l’accord noir sur blanc – signé tout juste un an avant les élections de 2018 et valable jusqu’à il y a quelques jours – dans lequel la Ligue et Russie unie (le parti de Poutine) se sont engagés à se consulter et à échanger « des informations sur les questions actuelles de la situation dans la Fédération de Russie et la République italienne » ainsi que « sur les relations bilatérales et internationales ». Et les disputes à son arrivée à la gare de Przemysl, la ville à une dizaine de kilomètres de la frontière avec l’Ukraine, témoignent de la méfiance de ce peuple envers le leader de la Ligue du Nord.

Consolider la relation avec la Pologne

Mais dans le voyage à Varsovie il y a aussi autre chose : la nécessité de consolider les relations avec la Pologne de Jaroslaw Kaczynski et du Premier ministre Morawiecki, principaux alliés non pas de la Ligue mais des Frères d’Italie au sein du parti conservateur dont Giorgia Meloni est président précisément à cause de l’accord avec les Polonais. Pendant des mois, Salvini a travaillé pour créer un nouveau groupe au Parlement européen dont le Pis de Kaczynski Morawiecki qui compte 24 parlementaires, autant que le Carroccio, aurait été le noyau dur avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban et ses 12 députés du Fidesz. A la sortie du PPE, il cherche toujours un « chez-soi », un groupe dont Salvini voulait inclure Marine Le Pen et ses 16 parlementaires du Rassemblement national ainsi que bien sûr les plus petits groupes de la droite souveraine et populiste. Un projet qui n’a pourtant pas encore abouti et que désormais la guerre pourrait définitivement couler. Oui, car l’un des plus grands obstacles est (ou du moins il y avait) la proximité de Salvini et Le Pen avec Vladimir Poutine. Et il n’est pas certain que la récente résipiscence du leader de la Ligue et de son allié français – qui entre-temps a entrepris des démarches pour récupérer les brochures de la campagne présidentielle où elle était représentée aux côtés du tsar prenant publiquement ses distances avec lui – soit suffisant.

La descente dans les sondages et la concurrence du Fdi

Tout va très vite. Salvini doit stopper la descente dans les sondages qui continuent de récompenser Meloni à droite. La présidente du Fdi, contrairement à son homologue de la Ligue, a bougé dans le temps : l’invasion russe a eu lieu au moment où elle s’apprêtait à décoller vers la convention en Floride des conservateurs américains. Ainsi, alors que Salvini à Rome a dû se mettre à l’abri des accusations de ne pas avoir pris rapidement position contre Poutine, le leader de la FDI a pris la scène des retrouvailles américaines en revendiquant un atlantisme certes pas de la dernière heure.



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