«La guerre des agriculteurs a commencé», a posté triomphalement l’organisation BoerBurgerBelangen sur Les poupées accrochées sont destinées à représenter les partis gouvernementaux flamands N-VA, CD&V et Open Vld. Il s’agit d’une suggestion intimidante de menace de mort, un classique du répertoire du flanc radical du mouvement agricole.
Heureusement, ces images dégoûtantes ont suscité de nombreuses protestations, y compris au sein du monde agricole. Cela ne change rien au fait que la résistance agricole se radicalise et se mondialise davantage. Après les blocages sur le ring de Bruxelles, les agriculteurs francophones menacent de paralyser toute la capitale, et l’incendie fait également rage en Flandre. Tout comme en France, en Allemagne, en Espagne, en Pologne ou en Slovaquie, les protestations persistent. Les raisons sont diverses, de la politique de l’azote à la peur des importations bon marché en passant par les prix élevés de l’énergie : les agriculteurs européens ne manquent pas de raisons pour entrer en guerre.
Deux conclusions peuvent être tirées du fait que la résistance éclate si farouchement maintenant, à peine plus de quatre mois avant les élections européennes. Il faut que le besoin soit vraiment grand. Et apparemment, certains font preuve d’un grand zèle pour activer et manipuler politiquement ce sentiment.
Ce n’est pas pareil. De nombreux agriculteurs ont de bonnes raisons d’être déçus, à un niveau individuel, par la politique agricole européenne et nationale. Ils opèrent souvent avec de faibles marges et de bas salaires dans un système adapté aux grands propriétaires fonciers de l’agro-industrie. Un système par ailleurs extrêmement coûteux, qui consommera 270 milliards de subventions en quatre ans, soit un tiers du budget total de l’UE.
Cet argent des impôts va en grande partie aux plus grandes entreprises, un transfert sans précédent des pauvres vers les riches. En échange, toutes les entreprises agricoles, grandes et petites, doivent se conformer à des règles assez ambitieuses, entre autres en matière de climat et d’environnement. Il n’est pas étonnant que les agriculteurs commencent à avoir des difficultés au bas de l’échelle.
Mais ils doivent faire attention à qui ils laissent attiser leur colère. De l’Allemagne de l’Est aux poupées suspendues à Turnhout, c’est surtout la droite radicale qui espère profiter de la résistance. L’extrême droite attise la colère pour réaliser des gains politiques et encourager les forces conservatrices à saper la politique climatique européenne. Derrière le BBB néerlandais se trouvent les défenseurs de l’agro-industrie. Ils ont tout intérêt à un statu quo sans règles climatiques, aussi longtemps que cela dure.
Tant que cela dure… Les inondations et les sécheresses confrontent déjà l’agriculture européenne aux conséquences du réchauffement climatique. Le changement climatique montre à quel point une politique sociale et climatique est nécessaire, qui aide notamment les agriculteurs à s’adapter. Cette résilience accrue pourrait être un bon objectif pour un système de subventions européen réformé, au bénéfice de tous les agriculteurs.
Mais vous n’entendrez jamais les forces derrière les marionnettes politiques suspendues défendre cela.