De Marion Cotillard à Bruce LaBruce : 5 films marquants de l’Atlantida Film Fest 2024


Du 19 juillet au 20 août, l’édition en ligne du Festival du film Atlantida, qui a sa version en personne à Majorque (19-28 juillet). Pour vous mettre en appétit, nous mettons en avant cinq des films les plus intéressants que l’on puisse voir au festival, du nouveau tour de force interprétatif de Marion Cotillard à la dernière provocation du toujours irrévérencieux et sale Bruce LaBruce.

Petite fille bleue (Mona Achache)
« Tout sur ma mère » pourrait être le titre de ce film. Et à propos de « ma grand-mère » et de « mon arrière-grand-mère ». L’histoire des ancêtres féminins de la réalisatrice Mona Achache est formidable. En fait, ils ont tous écrit sur leurs relations difficiles avec leur mère. « Little Girl Blue », titre qui fait référence à la célèbre chanson interprétée entre autres par Judy Garland, Nina Simone et Janis Joplin, est un docudrame qui explore la vie de la mère de Mona, Carole Achache, qui s’est suicidée par pendaison en 2016.

Carole était la fille de Monique Lange, écrivain et éditrice de Gallimard, amie proche de Jean Genet et épouse de Juan Goytisolo, curieusement tous deux homosexuels. Carole a grandi dans un environnement très riche intellectuellement mais très pauvre émotionnellement et a eu une existence marquée par les abus sexuels, la prostitution et la toxicomanie. Le film se présente comme un hybride très stimulant entre fiction, documentaire et performance théâtrale. Mona Achache revient sur la vie de sa mère à travers les documents photographiques et écrits qu’elle a laissés et avec le rôle principal d’une spectaculaire Marion Cotillard incarnant Carole. 7’5.

Merle, Mûre (Elene Navériani)
« Il n’y a qu’à danser » (2019), « Début » (2020), « Que voit-on quand on regarde le ciel ? » (2021)… Les bons films du pays de Sergei Parajanov et Otar Iosseliani continuent d’affluer ces derniers temps. « Blackbird, Blackberry », présenté à Cannes, est un nouvel exemple du dynamisme du cinéma géorgien et une confirmation du talent de la réalisatrice géorgienne-suisse Elene Naveriani (« Je suis un rayon de soleil sur Terre », « Wet Sand ») .

Mélangeant naturalisme et sensualité dans la mise en scène avec l’esthétique et le sens de l’humour unique du cinéma de Kaurismäki, « Blackbird, Blackberry » raconte l’histoire du premier amour et de l’éveil sexuel d’une femme. La particularité est que cette femme, qui vit seule dans une petite ville où elle tient une mercerie, a 48 ans. Un type de personnage insolite, très peu traité au cinéma, qui est incarné exceptionnellement par Eka Chavleishvili, lauréate de nombreux prix, qui a concouru pour la meilleure actrice européenne avec Sandra Hüller, lauréate pour « Anatomie d’une chute ». Une vraie surprise. 8’5.

N’attendez pas trop de la fin du monde (Radu Jude)
L’inclassable Radu Jude revient avec une autre satire provocatrice sur les misères du capitalisme tardif et son impact sur la société roumaine contemporaine. Comme dans le précédent « Unlucky Dust or Crazy Porn », « N’attendez pas trop de la fin du monde » est un mélange très audacieux et peu orthodoxe entre comédie de mœurs irrévérencieuse, essai socio-politique lucide et expérience cinéphile.

Le film suit une assistante de production audiovisuelle lors de sa journée de travail interminable et stressante à bord d’une camionnette. À partir de cet axe de l’intrigue, le film avance sur des routes inattendues : il dialogue avec le classique roumain « Angela merge mai departe » (1982), sur un chauffeur de taxi dans le Bucarest de Ceausescu ; fait la satire des alter ego sur les réseaux sociaux avec un personnage qui doit son succès à ses insultes sexistes et xénophobes ; et recrée le tournage d’un spot d’une manière aussi cinglante qu’hilarante. Personne ne fait de satire comme Jude. 8.

Les excès (Luna Carmoon)
« Trésor », le titre original des « Excès », fait référence aux thésauriseurs, aux collectionneurs compulsifs, au syndrome de Diogène. La protagoniste de ce premier album de la Britannique Luna Carmoon est la fille d’un « collectionneur ». Ses expériences traumatisantes d’enfance avec sa mère mentalement instable constituent la base psychologique sur laquelle repose ce drame viscéral d’amour et de chagrin.

« Les Excès », primé au Festival de Venise, raconte, d’un côté, l’émergence douloureuse d’un traumatisme psychologique latent depuis des années et, de l’autre, une romance captivante entre deux êtres marginaux (interprété par le prometteur L’anglo-espagnole Saura Lightfoot-Leon et l’étoile montante Joseph Quinn) unis par des expériences communes : leur rapport particulier aux déchets et aux odeurs corporelles, source de rejet social mais aussi de désir sexuel. Un réalisateur à suivre de très près. 7’9.

Le visiteur (Bruce La Bruce)
En ‘Lejos del cielo’ (2002), Todd Haynes hacía una relectura de los melodramas de Douglas Sirk poniendo en primer término unos temas –racismo, homosexualidad, machismo- que en el Hollywood de los 50 permanecían velados o directamente enterrados por los condicionantes morales de l’époque. Dans « Le Visiteur », Bruce LaBruce met en œuvre une stratégie similaire : il prend comme référence le classique « Théorème » (1968) de Pasolini, avec toute sa charge symbolique et allégorique, et « écarte les jambes » dans une écharpe en cuir, il « pornoifie » » Cela, comme le dit le réalisateur lui-même, le rend politiquement explicite.

Le résultat est un film assez irrégulier, comme c’est l’habitude dans la filmographie du cinéaste canadien, parfois irritant, mais séduisant par son sens ludique de l’irrévérence, son esthétique queer provocatrice et son désir de toucher – métaphoriquement et littéralement – les balles. LaBruce transforme « l’envahisseur » du film de Pasolini en un immigrant noir et l’introduit dans la maison d’une famille huppée un peu particulière. A partir de ce moment, « le visiteur » aura des relations sexuelles avec chaque membre de la famille, bouleversant l’ordre établi et à quatre pattes. 6’5.



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