Une semaine après l’attentat meurtrier de Bruxelles, force est de constater que l’assassinat de deux Suédois aurait effectivement pu être évité. Le fait que Lassoued soit toujours en liberté n’est pas le résultat d’un mécontentement des pays d’origine, mais d’une défaillance du système – et de l’oubli d’un parquet de Bruxelles surmené.
Mardi, il a été affirmé qu’Abdesalem Lassoued, l’homme qui a assassiné deux Suédois à Bruxelles au nom de l’État islamique, était « sous la ligne de flottaison ». Le fait qu’il puisse encore séjourner illégalement dans notre pays après des années est la faute des pays d’origine qui rendent la politique de retour impossible.
Une semaine après l’attaque, il ne reste que très peu de ces déclarations. Le fait que Lassoued ait pu rester libre et tranquille est plutôt le résultat de nombreux dysfonctionnements au sein de la police et de la justice. Dans l’ensemble, les services de sécurité ont eu suffisamment de possibilités non seulement pour surveiller de près Lassoued, mais même pour l’arrêter et l’emmener à la prison tunisienne.
Le parquet de Bruxelles n’avait pas répondu à une demande de Tunis visant à remettre Lassoued depuis plus d’un an. Ce constat a conduit vendredi à la démission du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open Vld). Il a assumé la responsabilité politique d’une « erreur individuelle » commise par un responsable anonyme. Mais en même temps, « Q » s’est rendu compte que lui – et par extension le gouvernement – avait perdu sa crédibilité dans ce dossier.
Chaise stupéfiante
Un jour plus tard, le doigt a été enfoncé un peu plus profondément dans la plaie. L’homme, qui n’était censément pas vraiment sur le radar ici, était signalé internationalement par Interpol Tunisie depuis plus d’un an. Notamment après que la police belge a reçu une information et en a informé elle-même la Tunisie. Ces développements remettent soudain les projecteurs sur la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V). La police n’avait-elle pas tout aussi facilement commis une erreur ? N’auraient-ils pas dû agir de manière plus décisive ?
Le limogeage de Van Quickenborne a fait sortir le génie de la bouteille : si une erreur a été commise quelque part, le ministre compétent doit mettre les choses au clair. Mais Verlinden et son parti ont immédiatement rejeté cette idée : la police avait fait sa part. Lorsque le dossier s’est retrouvé au ministère de la Justice, la police a dû attendre. « La police est un pouvoir exécutif, ce n’est pas à elle de décider de la privation de liberté ou de l’extradition d’une personne. Cela ne fonctionne pas ainsi », a déclaré son cabinet.
Samedi après-midi, De Croo a convoqué le cabinet central dans une atmosphère très tendue pour étudier l’ensemble de la chronologie à partir de zéro. Les informations selon lesquelles la chaise de Verlinden aurait vacillé lors de cette réunion étaient cependant largement exagérées. La tension était palpable, mais à aucun moment Verlinden ne semblait en route vers la sortie, selon plusieurs vice-premiers ministres.
Le CD&V regarde d’un oeil mécontent l’Open Vld, qui aurait accru la pression sur Verlinden samedi avec des fuites médiatiques sophistiquées. L’idée chez les libéraux serait que si le ministre de la Justice tombe, le ministre de l’Intérieur devrait emboîter le pas. C’est ainsi que cela s’est produit lors de l’évasion de Marc Dutroux en 1998, et c’est ainsi que les ministres Jan Jambon (N-VA) et Koen Geens (CD&V) l’ont également vu après les attentats de 2016. Mais Verlinden reste assis. Lors de la conférence de presse de samedi soir, elle s’est assise à côté du Premier ministre, en signe de confiance conservée.
Pourtant, le gouvernement est sorti indemne de cet épisode. Après la réunion du cabinet central, De Croo a une nouvelle fois souligné qu’une « erreur individuelle aux conséquences dramatiques » s’était produite au sein du parquet. Mais immédiatement après, le Premier ministre a introduit un ensemble de mesures visant à remédier au sous-effectif structurel de la police bruxelloise et du parquet, et à mieux partager l’information entre tous les types de services.
En sous-effectif
De cette manière, une défaillance individuelle est également devenue une erreur système. La charge de travail élevée du parquet de Bruxelles a contribué au déroulement des événements qui ont permis au dossier Lassoued de passer entre les mailles du filet, a souligné dimanche le procureur du Roi Tim De Wolf. Sur les 119 magistrats qui devraient être présents, seuls 95 postes ont été pourvus, soit un manque de plus de 20 pour cent. En deux ans, la charge de travail a augmenté de pas moins de 25 pour cent.
Une erreur de système, mais aussi à dimension politique. Car le week-end dernier, le gouvernement a décidé de débloquer enfin un budget pour attirer les personnels nécessaires. Cela était demandé depuis des années, mais il fallait une attaque pour inciter le gouvernement à agir.
À la demande de De Croo, la Commission et la Commission P, les organes de contrôle des services de sécurité et de la police, réexamineront également les procédures qui devaient être suivies. Cela indique également une défaillance du système : est-ce que tout a fonctionné comme il se doit ? De nombreux services – police, parquet, OCAD, Office de l’immigration – disposaient d’informations importantes mais fragmentaires sur Lassoued. Pourquoi alors personne n’avait-il une idée complète ?
En marge, une autre question importante s’est posée le week-end dernier : pourquoi a-t-il fallu attendre vendredi et samedi pour se rendre compte que le parquet et la police en savaient bien plus que ce qu’ils avaient laissé entendre juste après l’attentat ?
Les deux services avaient connaissance d’une demande d’extradition émanant de Tunis. Mais ce n’est qu’après que les politiciens se sont plaints pendant trois jours du refus de nombreux pays de rapatrier des personnes comme Lassoued qu’il est apparu que notre pays avait tout simplement oublié de le renvoyer. Cela n’indique pas non plus exactement un flux clair d’informations dans les services compétents.