La ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib (MR) aura une autre chance cet après-midi de fournir plus de clarté sur l’Irangate. Le journaliste Jeroen Van Horenbeek donne déjà une croix.
Salut Jeroen, de quoi s’agit-il déjà ?
Jeroen Van Horenbeek : « La ministre Lahbib a de sérieux ennuis à cause de son rôle dans le dossier des visas iraniens, alors qu’une délégation iranienne s’est rendue à une conférence à Bruxelles au début du mois. Un sujet sensible puisque l’Iran n’est pas exactement en tête de liste en matière de droits de l’homme, sans parler du cas d’Olivier Vandecasteele.
« Lahbib a eu un parcours malheureux dans ce qu’on appelle maintenant parfois l’Irangate. Au début, elle a essayé autant que possible de blâmer le secrétaire d’État bruxellois Pascal Smet (one.Brussels – Vooruit), mais par la suite, il s’est avéré qu’elle avait sans enthousiasme informé le Parlement de toute l’affaire. Les visas ont été délivrés pour éviter une querelle diplomatique avec l’Iran à un moment où la libération de Vandecasteele était en cours de négociation. Au grand désarroi des socialistes et des verts, entre autres.
À quoi ressemble la situation aujourd’hui ?
« Depuis lors, il est passé d’un problème de fond à un problème de confiance. La semaine dernière, lors de la commission des affaires étrangères, Lahbib n’a pas donné d’explication raisonnable quant à la raison pour laquelle elle n’a pas immédiatement clarifié le rôle du dossier Vandecasteele dans l’affaire des visas.
« Ce fut une séance difficile, avec beaucoup de mots durs pour le ministre. Au sein de la majorité, les Verts et les Socialistes ont trouvé particulièrement problématique qu’elle n’ait aucune explication appropriée à cela et qu’elle n’ait pas non plus reçu d’excuses pour les informations incomplètes qu’elle a partagées avec le Parlement. L’opposition parle même de mensonges, ce qui est bien sûr sensible de toute façon. La règle d’or est qu’un ministre qui ment au Parlement doit partir.
«En raison d’une lecture stricte du règlement parlementaire, Lahbib lui-même n’a pas pu être interrogé lors de la réunion plénière, toutes les questions ont donc été posées au Premier ministre De Croo. Il a dansé autour du mess chaud, sans vraiment dire quoi que ce soit de nouveau. De cette façon, il a opté pour le report, pour laisser refroidir l’affaire. Parce que tout à coup c’est devenu très dur.
Avez-vous réussi à calmer un peu la situation ?
« Ça ressemble à ça. Vous avez les événements en Russie le week-end dernier, qui mettent tout en perspective. Nous sommes également quelques jours plus tard, donc la tension s’est un peu apaisée.
« Il est maintenant également clair que MR continuera à soutenir son ministre. Sinon, elle aurait peut-être déjà dû démissionner. Mais cela signifie également que si vous voulez continuer à en faire un cas, vous vous retrouverez dans une crise gouvernementale très profonde.
« Une autre difficulté supplémentaire pour le gouvernement est que De Croo a toujours soutenu son ministre des Affaires étrangères. Il lui est difficile de revenir en arrière maintenant. Et aujourd’hui, il envoie toujours ce signal : De Croo envoie Lahbib au Conseil des affaires étrangères de l’UE à Luxembourg pour élaborer une position finale sur la Russie. Un Premier ministre ne va pas envoyer sa ministre à une réunion importante à Luxembourg et la renvoyer plus tard dans la journée.
A Luxembourg pour le Conseil Affaires étrangères. 🇧🇪🇪🇺
Nous partagerons notre analyse et nos informations avec les 27 États membres sur les événements du week-end dernier #Russie. Nous devons rester vigilants, notamment en raison des conséquences possibles pour l’Ukraine, l’Europe et l’Afrique. pic.twitter.com/n1zDtWx1vW
— Hadja Lahbib (@hadjalahbib) 26 juin 2023
« C’est pourquoi elle ne comparaîtra dans l’hémicycle que vers 17 heures, au lieu de l’après-midi comme initialement prévu. »
Sait-on ce que dira le ministre Lahbib dans l’hémicycle ?
« Pas vraiment. Ce que nous savons du MR et du chef du gouvernement, c’est que son parti n’a pas le sentiment que Lahbib a menti et considère qu’une grande partie des critiques de ses propres rangs sont exagérées.
« Elle a certainement pu faire ses devoirs pour cette deuxième tentative, alors j’espère qu’il y aura encore une explication claire pour elle et qu’elle fera un bon tour contre la majorité. Lahbib doit mettre sa main dans son propre sein et admettre qu’au moins sa communication était loin d’être parfaite. Parce que c’est ce dont les autres partis gouvernementaux ont besoin pour mettre cela au repos maintenant.
Et si son explication était à nouveau insuffisante ? Faut-il alors craindre une chute du gouvernement ?
« Ensuite, les dominos commencent à tomber et il est difficile de dire où cela finira. Très probablement, les Verts et les Socialistes ne la laisseront pas tranquille. Vers la plénière de jeudi, il y aura de nouvelles critiques à l’encontre du ministre. Mais MR ne voudra toujours pas abandonner Lahbib.
« Et que fera alors le Premier ministre De Croo ? Le gouvernement a eu une semaine catastrophique, il peut rater ce remue-ménage comme une rage de dents. De Croo aimerait continuer à travailler sur la réforme fiscale tant attendue et il est proche d’un accord avec Engie pour maintenir deux centrales nucléaires ouvertes plus longtemps.
« Toute cette affaire aboutit alors à une situation où la crise gouvernementale menace réellement d’atteindre un point d’ébullition.
« À peu près tout le monde au sein de la majorité soutiendra donc aujourd’hui, quoique en silence, que Lahbib fera au moins un virage décent et que l’Irangate pourra enfin se reposer. Pour que le gouvernement puisse continuer avec d’autres dossiers importants, car ils sont toujours là.