De Chiomara à Artemisia, la terrible revanche des femmes


Aldo Cazzullo (photo de Carlo Furgeri Gilbert).

SJ’étais dans la nouvelle maison-musée de Palazzo Maffei, sur la Piazza delle Erbe à Vérone, peut-être la plus belle d’Italie. Une femme le dirige, Vanessa Carlonla fille de Luigi, grand collectionneur.

Aux côtés des chefs-d’œuvre italiens et européens du XXe siècle, il y a des peintures de maîtres véronais à partir du XIVe siècle. Il y en a un qui raconte une histoire que je ne connaissais pas.

L’auteur est Nicola Giolfino, peintre maniériste qui a donné son meilleur dans la première moitié du XVIe siècle. Le titre de l’ouvrage est dérangeant : « Chiomara jette la tête du centurion aux pieds de son mari Orgiagone« .

C’est une histoire de la Rome antique. Nous sommes en 189 avant JC, la République est engagée dans la guerre contre les Galates, en Asie Mineure, l’actuelle côte de la Turquie surplombant la mer Egée.

Chiomara est précisément une femme galata. Un centurion romain l’attaque et la viole. Elle lui coupe la tête avec l’épée et la jette aux pieds de son mari, lui racontant le crime et en même temps la punition.

L’épisode est d’abord raconté par Tito Liviopuis par Valerio Massimo, et des siècles plus tard par Giovanni Boccaccio dans son De claris mulieribusle livre que l’auteur de Décaméron dédié aux grandes femmes.

Il y a quelque chose de terrible et de consolant à la fois dans la révolte des femmes. C’est une force intemporelle, qui vient de loin et de l’intérieur.

On pense aux toiles de Judith et d’Holopherne, notamment celles peintes par Artemisia Gentileschi, le « peintre » : le mot peintre n’existait pas encore, puisqu’aucune femme n’avait jamais signé ses toiles ; pas même Marietta, la fille du Tintoret, un grand artiste dont les œuvres étaient pourtant signées par son père.

Artemisia a plutôt revendiqué le droit de signer, et aussi de se venger. Alors il a donné à Judith – l’héroïne qui sauve le peuple juif en décapitant le chef ennemi – ses traits ; tandis qu’Holopherne a le visage d’Agostino Tassi, le violeur qu’Artemisia aura condamné (pour le voir impuni par la volonté du Pape).

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