Danser sans ouïe, sans doigts ni jambes, ce n’est pas un problème pour ces casseurs de Louvain


La rupture de la Coupe du Monde a bouleversé Louvain ce week-end. Les meilleurs b-boys et b-girls du monde sont venus concourir pour un billet pour les Jeux Olympiques de 2024. Même si l’exécution athlétique des mouvements devient de plus en plus importante, ce sport se veut accessible à tous. Également pour les personnes handicapées.

Éline Bergmans

« Une opportunité« , déclare l’Anversois Camine Van Hoof (26 ans), qui se battra dimanche pour le titre mondial. Depuis cette année, elle a un contrat sportif haut de gamme et est déferreuse professionnelle. « Pour moi, les Jeux Olympiques sont une nouvelle porte qui s’ouvre. Je vois cela comme une opportunité pour notre sport de se professionnaliser davantage.

Mais les danseurs sont également inquiets, surtout maintenant que les pas de danse nés il y a cinquante ans dans le Bronx à New York deviendront pour la première fois une discipline olympique l’année prochaine. « Maintenant qu’il s’agit d’un sport de plus en plus formalisé, la caisse enregistreuse sonne plus souvent et James Brown moins souvent », selon une analyse du sport parue dans le journal néerlandais. Journal du CNRC Cette fin de semaine.

« Le break se situe à la frontière entre l’art et le sport », explique Van Hoof. En tant que philosophe, elle a rédigé sa thèse à ce sujet à l’Université d’Anvers. « Olympique ou pas, le break restera toujours une forme d’expression liée à la culture hip-hop et à ses valeurs et normes. »

Dans le Bronx, personne n’avait d’argent pour aller aux soirées disco populaires organisées dans les autres arrondissements de New York. Il y avait une envie de faire la fête, et cela se produisait lors de fêtes de rue gratuites, appelées fêtes de blocageavec une nouvelle musique comprenant des morceaux reconnaissables de chansons disco.

Prothèse de jambe

Même si l’exécution athlétique des mouvements devient de plus en plus importante, ce sport spectaculaire se veut accessible à tous. Ce n’est pas une phrase vide de sens pour les casseurs. Juste avant la finale, le groupe international de breakdance ILL-Abilities montera sur scène à Louvain. Huit artistes handicapés montrent comment chacun peut danser d’une manière unique.

Par exemple, le « Checho » du Chili a des bras très forts et des jambes courtes. Il danse avec la force du haut de son corps. La ‘Perninha’ brésilienne a une jambe gauche courte. Il porte une prothèse, mais pour ses performances il l’enlève d’un seul geste rapide. Quand il danse, on voit à peine qu’une jambe n’atteint pas l’autre genou.

Ces mouvements de danse sont nés il y a cinquante ans dans le Bronx à New York.Image Éric de Mildt

Avant leur représentation, cinq membres d’ILL-Abilities donneront un atelier aux jeunes casseurs louvanistes sur la Grote Markt dimanche après-midi. Les danseurs, qui jouissent d’une renommée mondiale sur la scène hip-hop, mettent en pratique l’un des principes fondamentaux de la culture hip-hop : chacun, enseigne-le à un ou l’idée que chaque briseur est responsable de transmettre ses mouvements à la génération suivante.

Vingt jeunes danseurs de Louvain peuvent apprendre à quel point il est important de faire leur propre travail. « Si vous n’avez pas de jambes, vous devez développer votre propre style », explique Checho. « Noh excuses, pas de limites. Cela s’applique à nous, mais aussi à vous.

Les participants apprennent à bouger en silence au milieu des rythmes funky du DJ sud-coréen. « Si la musique est coupée, vous ne devriez rien entendre », explique Perninha. « Bougez comme un guépard, pas comme une vache morte. »

L’Américain Jacob « Kujo » Lyons – mondialement connu pour ses performances dans les clips du groupe hip-hop Run DMC – entre dans la bataille. Il est sourd, mais il a un sens du rythme exceptionnel. « Il a développé des combinaisons qu’on voit aussi aujourd’hui dans les battles pour les Jeux Olympiques », murmure un jeune danseur émerveillé.

Années de formation

Le Néerlandais Redouan ‘Redo’ Ait Chitt danse également avec ILL-Abilities depuis 2010. « Redo » est né avec un bras droit court. Il a deux doigts à la main droite, trois doigts à la gauche et pas de hanche droite. Malgré son handicap, il devient danseur professionnel.

En 2019, il a remporté le prix le plus important pour les danseurs néerlandais. En 2021, il danse avec la première partie d’Eefje de Visser, lors de la deuxième demi-finale du Concours Eurovision de la chanson. « Je suis heureux qu’il y ait une certaine reconnaissance pour le break », dit-il. «Certaines personnes continuent de voir cela comme un mouvement sur un morceau de carton sous un pont avec une radio. Mais il faut des années d’entraînement pour maîtriser les mouvements.


« Briser la frontière entre l’art et le sport. »Image Éric de Mildt

Qu’ont à voir le Concours Eurovision de la Chanson et les Jeux Olympiques avec les expressions artistiques obscures de la jeunesse noire des quartiers défavorisés ? « Il existe de nombreuses formes différentes qui peuvent se placer les unes à côté des autres », explique Redo.

Pourtant, la sélection musicale est une raison importante pour laquelle il existe un conflit entre les valeurs du hip-hop et la compétition sportive. Contrairement au patinage artistique par exemple, ce n’est pas le breaker mais un DJ qui détermine la musique d’un combat. Un jury juge ensuite qui a gagné la bataille en fonction des mouvements et de l’expression globale.

Selon Menno van Gorp (34 ans), triple champion du monde néerlandais, le DJ lors des événements sportifs ne joue souvent pas la musique sur laquelle les breakers aiment danser. « Les B-boys et les b-girls vont bien dans le Wu-Tang Clan ou James Brown. Une musique pleine de sensibilité et d’émotion. Mais ces Championnats d’Europe et Coupes du monde sont retransmis à la télévision et en ligne. S’ils ne paient pas les droits pour la bonne musique, alors le DJ est limité », dit-il Journal du CNRC.

Camine Van Hoof ajoute de la nuance. « C’est juste le défi de s’exprimer sur différentes chansons. »



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