Dans les mémoires, le Carnaval peut apparaître comme une occasion de joie forcée. Avec des costumes d’occasion et des rêves, souvent ceux des grands frères


Barbara Stefanelli (photo de Carlo Furgeri Gilbert).

Nonil ne voulait pas être Pierrot. L’écrivain Fabio Genovesi le révèle dans un numéro spécial de Linus, publié à l’occasion du 150e anniversaire du Carnaval de Viareggio. « Une sorte de Pulcinella pâle, usée, affligée par quelque deuil récent » : c’était, pour le petit Fabio, ce que les autres auraient vu une fois le martyre de la séance de maquillage maternel achevé pour étaler le blanc sur le visage et tirer la larme.

Il suffisait de lire l’incipit de son histoire pour sentir qu’on était tous là, à côté de luichacun enfermé dans les souvenirs de son enfance et pourtant frères/sœurs dans le même « massacre » : ce « filet tendu autour des enfants, caché dans la mer transparente de l’enfance, qui soudain s’est resserré ».

Par exemple, je ne voulais pas être le petit Indien avec des plumes sur la tête et des couvre-chaussures à franges.. Pas parce que je préférais m’identifier aux cow-boys et à leurs ceintures. Le point était l’imposition d’une chaîne de costumes abandonnés de mon frère aîné. Ce qu’il avait été l’année précédente, je le deviendrais sans gloire à la prochaine soirée : avec en plus quelques patchs, des manchettes et un élastique pour resserrer la taille.

Une seule fois j’ai anticipé le passage du bâton de carnaval : quand il s’est déguisé en astronaute. Combinaison bleu-gris, casque, moon boot. Cela semblait absolument réel, on ne pouvait même pas voir qu’il était là derrière la visière en plastique. Nous étions au tournant des années 60 et 70, la conquête de la Lune était juste derrière nous et nous nous rêvions tous en orbite.

Mais l’envie – ou peut-être n’importe quelle querelle de basse-cour – a entraîné le petit Armstrong de la famille dans une bagarre insensée sous mes yeux. Il est sorti avec son pantalon déchiré et son casque cabossé. Nous avons également tenté de menacer d’un procès qui aurait dû amener les parents du rival à nous racheter (je le ressens encore comme une compensation due à nous deux) l’ensemble du kit lunaire.

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Cela ne s’est pas produit et peut-être pour cette raison l’année suivante je me serais moi aussi transformé, comme presque tous mes compagnons, en une fée bleue standard, avec un chapeau conique et une baguette magique. Je me suis sûrement consolé en réalisant “le désir d’être comme les autres”, tracé par un autre écrivainFrancesco Piccolo, dans notre mémoire collective.

Ma fille, par contre, me gronde encore pour cette fois où, interprétant mal l’indication de l’école maternelle, je l’ai déposée en classe déguisée en Blanche-Neige. Elle était la seule à porter le masque ce matin-là, immédiatement au centre de tous les yeux et quelques rires meurtriers. En retard comme toujours, il n’y avait aucune possibilité de la ramener à la maison et de la libérer… Elle resterait comme ça jusqu’à l’après-midi, fardée dehors et huitième naine dedans.

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En fin de compte, Fabio Genovesi a raison et nos histoires sont une source de preuves incriminantes. Le carnaval est un réveillon pour les mineurs, un complot d’adultes: une fête à laquelle on est obligé d’assister en simulant un contentement débridé, et sans alcool. Mieux vaut s’éclipser. Ou se sentir comme Zorro tous les jours.

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