Dans la lutte contre les inégalités, l’asbl bruxelloise Debateville apprend aux enfants à débattre


« Debateville, c’est bien pour les enfants », dit Bruno (11 ans). « C’est la position que je vais défendre aujourd’hui. » Un à un, les enfants de son groupe au sein de Debateville, une asbl bruxelloise qui tente de lutter contre les inégalités en apprenant aux jeunes à débattre, suivent son exemple. Ils argumentent des déclarations telles que : « il devrait y avoir plus d’enfants dans les nouvelles », « Lego est intéressant », ou « Manger un McDonalds deux fois par semaine est malsain ».

Pour certains, le pupitre derrière eux est tout simplement trop grand, ce qui les oblige à se tenir sur la pointe des pieds pour le regarder. S’ils le font, ils voient non seulement leur groupe habituel assis devant eux, mais aussi certains de leurs parents (et un journaliste). Aujourd’hui, c’est le moment du spectacle obligatoire pour les parents des enfants en fin d’année.

Ce n’est pas la qualité de l’argumentation qui ressort, mais la confiance en soi, l’audace et les phrases complètes avec lesquelles les jeunes tiennent leurs discours. C’est aussi ce qui ressort le plus du mentor Simon Van Damme (28 ans) : les progrès réalisés par les jeunes en un an. « Nous avons parfois un débat britannique où ils n’ont qu’à défendre une position. Certaines sont si timides au début qu’elles n’osent pas le faire seules et veulent un petit ami à côté d’elles. Maintenant, ils le font seuls sans difficulté.

Simon Van Damme est l’un des mentors de Debateville.Image Greet Van Opstal

Renforcer la confiance en soi des jeunes est l’un des objectifs de Debateville : à travers des ateliers de débats ludiques, les enfants apprennent à s’adresser à un groupe, à construire des arguments et à être critiques. Tout cela en travaillant également sur le langage : par exemple, tous les enfants ici savent parfaitement ce qu’est un mot-clé.

Prolonger le temps d’apprentissage

Donc pas mal de connaissances théoriques passent ici mercredi après-midi. Debateville n’essaie peut-être pas d’être une école, « notre objectif est de prolonger le temps d’apprentissage », explique Nora Sleiderink de l’asbl. Les enfants issus de milieux plus favorisés ont également plus d’occasions d’apprendre après les heures de classe, en participant à un mouvement de jeunesse ou en allant au musée avec leurs parents le week-end. «Nous voulons également offrir ces opportunités d’apprentissage aux jeunes défavorisés», déclare Sleiderink. « En même temps, le contenu que nous proposons est engageant et éducatif pour tous les jeunes. »

Assez remarquablement, Debateville ne le fait pas en se concentrant uniquement sur ce groupe cible. «Nous recherchons consciemment un mélange d’enfants issus de milieux défavorisés et d’enfants de familles plus aisées», déclare Sleiderink. « Ils ne se voient normalement pas très souvent. »

Ce n’est pas un hasard si Debateville est né à Bruxelles : presque nulle part dans le monde le milieu socio-économique d’un enfant n’est aussi déterminant pour la performance scolaire qu’ici. Après trois ans, l’ASBL touche ici chaque semaine 180 enfants, gérés par plus de 50 bénévoles. Ils poursuivent leur expansion à Bruxelles, organisent pour la première fois des semaines dites du jeu à Gand et à Anvers et espèrent installer une antenne permanente à Vilvorde après l’été.

Pas de mauvaises réponses

Ahmed Adam, 13 ans, prouve que cette approche semble fonctionner. L’année dernière, il s’est inscrit avec des camarades de classe. Ils n’ont pas pu continuer après la première année, mais Ahmed Adam a continué à venir, précisément parce qu’il s’est fait de nouveaux amis : Siddharth (12 ans), Oscar (12 ans), Bruno (11 ans) et Dolmakyab (12 ans).

Le fait qu’il serait autrement « juste traîner sur le canapé à la maison le mercredi après-midi », ce dernier explique pourquoi il aime venir à Debateville. Bruno dit qu’il est surtout content de faire autre chose que le caractère plus strict de l’école. « C’est plus libre ici », dit-il. « Il n’y a pas de mauvaises réponses. Et on apprend à débattre, on ne fait pas ça à l’école. Bruno lui-même a ainsi découvert sa vocation : « Je veux devenir politicien ou avocat quand je serai grand ».

Les parents de Bruno ont ri une fois et se sont frottés les cheveux à cette déclaration. Ils sont heureux qu’il ait trouvé son truc ici : immédiatement après le moment du spectacle, ils ont réinscrit leur fils. Bien qu’il y ait aussi des aspects moindres, Pradeep, le papa de Siddharth nous confie avec le sourire. « Ils utilisent aussi les techniques qu’ils apprennent ici à la maison : ‘Papa, je veux plus de temps d’écran’, suivi d’arguments bien construits, avec ‘premier’, ‘second’ et ainsi de suite. »

Les 11 et 12 ans soutenant leurs thèses à Debateville aujourd'hui.  Image Greet Van Opstal

Les 11 et 12 ans soutenant leurs thèses à Debateville aujourd’hui.Image Greet Van Opstal



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