Les universités flamandes souhaitent adopter une position neutre sur la guerre à Gaza, mais leurs étudiants et chercheurs la remettent de plus en plus en question. Un boycott universitaire est-il de mise ?
Il y a une poche de faux sang au Monument de Consolation, sur le campus de la VUB à Etterbeek. Une trentaine de manifestants crient : « Boycottez Israël. » Et puis, à midi et demi, ils gisent de l’autre côté de la route, comme morts.
Avec ce «die-in», les chercheurs de la VUB veulent envoyer un signal à leur recteur. Il y a deux semaines, Jan Danckaert a été le premier recteur flamand à appeler à un cessez-le-feu dans la guerre entre Israël et le Hamas. Les militants estiment qu’il devrait aller plus loin.
« Israël utilise des avions de combat qui ont été développés et construits par des sociétés israéliennes telles que Israel Aerospace Industries », écrivent-ils dans une lettre ouverte. « À notre grande indignation, la Vrije Universiteit Brussel fait partie du projet Airframe ITD/GAM-2020-AIR en collaboration avec cette entreprise. »
politique d’occupation
Ils demandent que cela cesse, ainsi que toute autre collaboration avec les institutions israéliennes qui soutiennent la politique d’occupation. Ils souhaitent également que leur université examine les contrats avec les entreprises. « Par exemple, Hewlett-Packard (HP) est connu depuis longtemps comme un partenaire TIC des forces d’occupation coloniales israéliennes. »
En bref : un boycott. La VUB annonce avoir des collaborations structurelles avec des universités palestiniennes, mais pas avec celles israéliennes. Les projets visés sont des collaborations temporaires au sein de consortiums dans lesquels la VUB ne joue pas un rôle de premier plan, précise-t-on. Et rien ne changera immédiatement.
«Au lieu de condamner ou de polariser les opinions, nous appelons à un dialogue pacifique et à participer au débat avec des arguments scientifiquement étayés», déclare Nathalie Vlaemynck, porte-parole de la VUB. « Nous voulons créer un lieu sûr pour les étudiants et le personnel et adopter une attitude neutre. »
Une manifestation a également eu lieu mercredi dans le hall de l’université De Valk à Louvain, juste avant une réunion du Conseil des relations internationales. «La KU Leuven a du sang sur les mains», ont crié des militants qui, selon l’agence de presse Belga, s’étaient peint les mains en rouge.
Selon le magazine étudiant Veto La KU Leuven compte une trentaine de collaborations avec des institutions en Israël. En effet, les institutions israéliennes peuvent participer aux programmes de recherche de l’Union européenne. Certaines de ces institutions sont étroitement liées à l’industrie de défense israélienne, mais la position du recteur Sels rejoint celle de la VUB et de l’Université d’Anvers. « Ce n’est pas notre rôle de choisir un camp ou de prendre position », a écrit Sels dans une lettre ouverte.
L’Université de Gand examinera dans les semaines et mois à venir toutes les collaborations avec des organisations et des institutions en Israël et à Gaza, mais les résultats restent à voir. De nombreux universitaires estiment que l’action est moins décisive que dans le cas de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, même si les deux conflits sont difficiles à comparer. Même après l’emprisonnement du professeur Djalali en Iran, tous les liens universitaires ont été rompus.
Karel Arnaut, maître de conférences en anthropologie à la KU Leuven, a déjà comparé la situation avec les actions de boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud. «Malheureusement, les universités flamandes sont également restées à l’écart», écrit-il. Le matin.
Antisémitisme?
Le boycott des entreprises israéliennes a une longue histoire et n’est pas sans débat. Mardi, la municipalité de Gand a annoncé qu’elle n’achèterait plus de produits d’entreprises israéliennes en provenance des territoires palestiniens occupés et la ville a également appelé la Belgique à ne plus autoriser ce commerce.
Le Forum des organisations juives a publié une réponse à «
BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), le mouvement international de boycott, a longtemps été accusé d’être antisémite, une formule commercialisée notamment par Israël. Mike Pompeo, secrétaire d’État américain sous le président Trump, en a même fait la position officielle américaine.
« Il n’y a rien de mal à critiquer Israël », a déclaré Philippe Scharf, porte-parole du Forum des organisations juives. « La plus grande critique vient d’Israël lui-même, mais la frontière avec l’antisémitisme est repoussée si l’on veut boycotter systématiquement un seul État. Il existe de nombreux États et conflits dans lesquels les droits de l’homme sont violés et ils ne sont pas ciblés avec autant de virulence.»
Cela ressort également de la définition généralement acceptée de l’antisémitisme, celle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, dont la Belgique est membre. Montrer du doigt Israël, imposer certaines normes qui ne sont pas exigées des autres États, diaboliser Israël et nier son droit à exister peut masquer l’antisémitisme. Un diabolisme extrême fait d’Israël le « Juif des nations ».
Jihane Sliti, chercheuse à la VUB et l’une des initiatrices de la protestation sur le campus, ne se sent pas concernée par cette situation. « Je trouve facile de rejeter les critiques à l’égard d’Israël comme étant de l’antisémitisme », dit-elle. « Les sanctions contre la Russie ne sont pas venues de la russophobie et avec les sanctions contre l’Iran, personne n’a parlé d’islamophobie. »