Comment une famille assure l’héritage d’un génie du jardinage paysager


Un feu d’artifice vient de s’éteindre au-dessus du plus grand jardin à la française du ancien régime. Le château de Vaux-le-Vicomte, à environ 32 kilomètres au sud-est de Paris, a organisé un bal pour marquer le 40e anniversaire de sa société des Amis, soutiens essentiels de son bien-être financier et matériel.

Jusqu’en 1661, le génie de son aménagement paysager était André Le Nôtre, le maître jardinier qui travailla ensuite à Versailles, l’immense palais de Louis XIV. Vaux, son premier jardin pour un noble mécène, possède une cohérence et un charme accessible qui manquent à Versailles. Ils sont évidents pour ses visiteurs, qui seront plus de 350 000 en 2022.

Avant le bal, je me trouvais sur la terrasse Diana de Vaux avec le comte Alexandre de Vogüé, l’un des trois frères qui travaillent sans relâche à l’entretien du château et des jardins, propriété de leur famille. De mon point de vue, J’ai mal évalué la largeur des étangs qui descendent dans l’ordre jusqu’aux jardins formellement planifiés au-delà. J’ai également manqué le large canal qui traverse transversalement le jardin inférieur. Ces oublis étaient exactement ce que Le Nôtre voulait. Il a manipulé les spectateurs de son jardin grâce à de brillantes astuces de perspective et de dissimulation qui sont intactes après près de 400 ans.

Ses arts de l’anamorphose et de la collimation sont enfin bien compris. Il ne les a pas tirés de la philosophie formelle de Descartes et de ses vues sur la perception et l’optique. Il les acquiert dès ses années parisiennes auprès des artistes rassemblés autour des Tuileries, notamment Simon Vouet. En 2013, ces techniques ont été démontrées lors d’une belle exposition à Versailles par Georges Farhat, son chercheur, et Patricia Bouchenot-Déchin, auteur d’une excellente biographie de Le Nôtre.

Vaux-le-Vicomte a été construit pour le ministre des Finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet, un propriétaire autodidacte dont le blason familial contenait la figure d’un écureuil. Comme d’autres mécènes français des belles maisons de campagne de cette époque, il avait accès aux fonds publics et pouvait en conserver une part pendant leur circulation. Son ascension fut en effet rapide. Il a 26 ans lorsqu’il acquiert le domaine de Vaux et 44 ans lorsqu’il fait construire le château, déployant 18 000 ouvriers pour détourner l’une des deux rivières voisines.

Tissu bleu et blanc enroulé autour des piliers et des agapanthes et orangers dans le vestibule du château
A l’occasion d’un bal organisé récemment à Vaux-le-Vicomte, le vestibule a été décoré par Fernando Wong © Guillaume Benoit

« S’il vous plaît, corrigez les mythes », m’a demandé de Vogüé sous le beau plafond peint de la salle des Muses du château. Dans ce document, Fidelity est escortée à travers les nuages ​​jusqu’au paradis.

Les mythes sont toujours d’actualité. Le château et les jardins furent construits en seulement trois ans, après quoi Fouquet organisa également un bal. Le 17 août 1661, ses invités, dont Louis XIV, eurent droit à un somptueux banquet offert par le maître cuisinier du Fouquet, François Vatel, dont la cuisine peut encore être visitée. Une nouvelle pièce de Molière suivit.

Fouquet était un homme de goût, pour qui les artistes étaient des amis, alors que pour Louis, disait-on, ils étaient des domestiques. Le roi, raconte l’histoire, était si jaloux de leur travail qu’il ordonna la confiscation du château et le transfert de ses statues, tapisseries, orangers et jardiniers experts à Versailles. « Le 17 août, écrivait Voltaire plus d’un siècle plus tard, Fouquet était roi de France ; à 2 heures du matin, il n’était personne.

Cela semble si familier. En octobre de l’année dernière, j’ai interviewé un ancien soldat timide qui pourrait m’aider dans mon jardin une demi-journée par semaine. Pour briser la glace, je lui ai demandé ce qu’il pensait de Liz Truss : une version polie de sa réponse serait qu’elle avait grimpé dans l’arbre comme un écureuil. Le 13 octobre, son chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng, était le roi des finances ; le 14 au soir, il était revenu d’une réunion du FMI à Washington et n’était plus personne. Le 20 octobre, Truss n’était également personne. Ce sont les marchés, et non le roi, qui les avaient achevés.

En 1661, la vérité est moins dramatique. Depuis au moins six mois avant le bal du Fouquet, une question de succession se profilait à la cour : qui remplacerait le cardinal Mazarin comme premier ministre du roi ? Les ambitions de Fouquet se heurtèrent à Colbert, l’éventuel vainqueur, et au moment du bal, il avait déjà influencé la décision de Louis. Fouquet fut arrêté, non pas le lendemain matin, mais trois semaines plus tard, à l’occasion du 23e anniversaire du roi. Il fut jugé pendant trois ans et finalement emprisonné, mais uniquement parce que Louis avait outrepassé la sentence des juges, un acte inquiétant de despotisme.

Avant la confiscation, les jardiniers de Vaux travaillaient déjà à Versailles. L’un des chefs-d’œuvre de Le Nôtre, m’a montré de Vogüé, était une vue directe à travers le rez-de-chaussée de Vaux, passant par les fenêtres sur le paysage au-delà. Pour le bal de cet automne, le vestibule intermédiaire a été décoré par le designer Fernando Wong de Floride. Il a habillé les piliers de tissu bleu et blanc et a disposé des agapanthes à fleurs bleues sous des arbres d’orangers Calamondin. Leurs petits fruits ramenèrent les orangers à Vaux pour la première fois depuis les années 1660.

À l’extérieur, j’ai apaisé une peur et j’ai appris deux leçons. Le Nôtre a conçu un parterre à motifs, disposé en buis, de chaque côté du jardin supérieur, mais en 2014, les buissons étaient moribonds, non pas à cause de la pyrale des buis mais à cause de champignons encouragés par le sol argileux mal drainé en dessous. Encore une catastrophe verte, pensais-je de loin, mais la perte sur place n’est pas critique.

Après un concours, les rubans éphémères en métal argenté, en partie en aluminium, de l’artiste Patrick Hourcade ont été installés et leurs remplacements seront décidés l’année prochaine. Les curieuses torsions métalliques ont dépassé leurs limites, mais leur style fera partie d’une exposition liée à Vaux et au jardin du château français, organisée par Carolyn Miner au Jardin botanique de New York à l’automne 2024. En remplacement, je suggère le feuillage persistant. Euonymus Jean Hugues, plus grand que la boîte mais clipsable.

Deux hommes posent devant le château de Vaux-le-Vicomte
Robin Lane Fox avec le comte Alexandre de Vogüé, l’un des propriétaires de Vaux-le-Vicomte © Guillaume Benoit

Sur la droite du jardin, j’ai admiré des parterres de fleurs courbes, plantés de salvias bleues, de gomphrena roses et bien d’autres choses encore, montrés par leur jeune jardinier Sébastien Gégout, l’un des huit employés seulement. Le Nôtre y autorisait également les fleurs et ses nombreuses plantations à Versailles réfutent l’opinion selon laquelle il ne s’intéressait qu’à la verdure.

Près du superbe canal transversal, de Vogüé m’a indiqué le pont de Mons, un espace de verdure sauvage qui mène à des arches plus anciennes que le château. Le Nôtre, explique-t-il, approuvait lui-même ce style informel. En Angleterre, le designer William Kent aurait « sauté la clôture et vu que la nature toute entière était un jardin ». Le Nôtre l’avait sauté 60 ans auparavant, en France, pas dans l’Oxfordshire.

Comme point central sur le flanc principal de la colline, Le Nôtre a prévu une statue massive d’Héraclès, fatigué après ses 12 travaux, copiant celle sculptée dans les années 320 avant JC par Lysippe, le sculpteur préféré d’Alexandre le Grand. En 1891, une copie fut installée sur un socle et elle est aujourd’hui vivement dorée grâce à un donateur américain.

Je me suis assis en dessous pour un 13e travail, des notes pour cette chronique, et j’ai été émerveillé par la façon dont cette propriété est entretenue avec une aide minimale du financement public. Sur ses frais de fonctionnement, soit 8,5 millions d’euros par an, seuls 350 000 euros proviennent de subventions publiques. Le reste vient des visiteurs ; les cotisations, les événements et le soutien de nombreux Amis dans le monde ([email protected], pour plus de détails). L’attrait actuel est admirable, il s’agit d’une restauration progressive des 22 fontaines pour qu’elles fonctionnent comme le souhaitait Le Nôtre. Mon travail semble si petit à côté du travail constant de la famille qui fait vivre cette magnifique maison et ce jardin pour nous tous.

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