« Comment pouvez-vous être aussi stupide ? » demande Tom (46 ans), qui attend le train à Bruxelles-Nord. De l’autre côté des voies, il les aperçoit, les bancs en bois qui ornent cette gare depuis 1952 « et s’accordent parfaitement avec la charpente et les briques ». Son siège touche le métal, sur la moitié des quais les anciens bancs ont été enlevés et remplacés par des meubles froids qui conquièrent les gares de tout le pays.
Cette décision a déclenché une petite tempête sur les réseaux sociaux. « Ces banques ont une grande valeur émotionnelle, tant de choses ont été vécues sur elles », déclare Truc-journaliste Stijn Tormans, expert de l’expérience assis sur le canapé. « Ils semblaient faits pour l’éternité. » Toute personne soucieuse d’esthétique ne peut que conclure qu’il s’agit d’un appauvrissement et non d’un progrès. Une évolution à laquelle les transports publics belges doivent trop souvent faire face.
« Le bois convient tout simplement mieux », déclare Tormans. « Vous aurez mal au dos après dix minutes sur ces nouveaux bancs. » Il n’a pas tort. Ceux qui restent assis assez longtemps auront des carrés enfoncés dans le bas du bikini à travers la grille. Même s’il faut un peu de persévérance dans tous les cas : l’assise en métal a une légère courbure qui rend quasiment impossible l’affaissement.
Un voyageur âgé remarque par cette journée d’automne ensoleillée : « Il fait déjà un peu froid. Les accoudoirs qui nous séparent – et tous les autres assis – sont un bel exemple de l’architecture défensive qui doit protéger Bruxelles de tout ce qui pend, dit l’auteur Joost Vandecasteele. « Tout comme les plaques métalliques du mobilier urbain qui empêchent le patinage ».
Dans celui-ci : des sans-abris et/ou des réfugiés, qui s’installent parfois sur les bancs de bois et rêvent d’une vie meilleure. « Je ne trouve pas toujours d’abri pour passer la nuit », raconte Didier, qui fait la sieste dans une cabine d’attente où les bancs sont encore en bois. Ils vont bientôt disparaître, puis il devra se plier ou se faire foutre. De plus, dans le hall de gare rénové, il n’y a que des bancs régis par des garde-corps.
Durable
Le fait que la SNCB utilise des mots-clés tels que « accessibilité » et « confort » dans sa communication, témoigne d’un démondage devenu tendance à la mode ces temps-ci. Cela ne semble pas immédiatement « durable », bien que le NMBS mérite la clémence à cet égard, selon l’architecte Johan Anrys. Son bureau d’architecture 51N4E est installé dans l’ancien musée du train dans la halle de Bruxelles-Nord.Un ‘espace public de rencontre’ tourné vers les projets sociaux sera prochainement créé aux rez-de-chaussée.
« Tous les matériaux utilisés ont été récupérés », dit-il fièrement. Certains des bancs en bois ont également normalement une place. « Malheureusement, cette philosophie a un prix de revient qu’il ne faut pas sous-estimer. » Lisez : il est parfois plus abordable d’importer quelque chose de nouveau en vrac que de donner régulièrement à quelque chose de vieux, de bon et d’unique une couche de peinture et de la menuiserie. Apparemment, cela fonctionne pour un projet de prestige, mais pas pour le passager moyen.
« Cependant, nous avons réussi à conserver la grandeur du hall de la gare historique lors de la rénovation », répond le porte-parole du NMBS, Dimitri Temmerman, qui fait référence à l’étoile emblématique sur le mur. Qu’il y a quelques années, les citoyens aient d’abord dû protester vigoureusement contre le projet de le remplacer par un grand écran, c’est un petit clin d’œil.
L’horloge ne peut-elle pas être ramenée en arrière comme alors? « Nous avons été rattrapés par la vitesse cette fois », déclare Tormans. Une cinquantaine de bancs démontés vendus comme des petits pains chez Rotor DC, un récup shop bruxellois, pour 749 euros pièce. Bientôt, ils apparaîtront dans des intérieurs branchés, et ici et là dans un café ou sur un lieu de travail.
Ce deuxième amour n’est pas nécessairement une consolation, dit Tormans. Le patrimoine ne peut pas être simplement transplanté, son sens se perd avec les racines. Joost Vandecasteele, qui a réussi à racheter une banque, envisagerait déjà un billet aller-retour. « Quand une plaque avec ‘donné par’ apparaît sur le bois », rigole-t-il. « Mais j’ai mal orthographié mon nom. Elle est et reste Bruxelles.