Comment Fight Impunity efface furieusement toute trace de son existence

La plaque signalétique qui pouvait encore être photographiée mercredi a déjà disparu jeudi. Il ne reste que des globules de colle sèche. Le bureau de l’ONG Fight Impunity, considérée comme le hub du Qatargate, est situé au 41 Hertogstraat à Bruxelles. Avec vue sur le Warandepark, et à seulement quelques pas de la résidence officielle du premier ministre et du parlement. C’est l’une des quatorze ONG qui ont leur domicile au premier étage d’un manoir néoclassique du XVIIIe siècle.

Les statuts de l’asbl ont été déposés le 26 septembre 2019 par le désormais arrêté Pier Antonio Panzeri chez un notaire bruxellois. A cette époque, Panzeri n’était plus membre du Parlement européen (PE) que pour quelques semaines seulement. L’homme politique italien siégeait pour le groupe social-démocrate depuis 2004 et n’a pas été réélu le 26 mai 2019 en raison de la victoire monstre de Matteo Salvini.

Il y a pas mal d’ambition dans le mémorandum fondateur de Fight Impunity : « Contribuer à faire avancer la lutte contre l’impunité et le non-respect du droit international par les individus, quel que soit leur niveau de pouvoir ou d’autorité.

On pourrait penser que quelque chose comme ça relèverait plutôt de la compétence de la Cour pénale internationale de La Haye. Vous vous demandez peut-être aussi pourquoi Panzeri ne s’est pas contenté de faire du bénévolat à Amnesty International ou à Human Rights Watch. L’acte répond à moitié à cette dernière question : « Alors qu’il existe déjà un certain nombre de mécanismes aux niveaux international et régional qui supervisent les États et les individus (…), il est indispensable de renforcer les actions et mesures existantes ».

La commission des affaires étrangères du PE a apparemment été immédiatement convaincue et a accordé fin 2020 à la nouvelle ONG une subvention de 175 000 euros pour un « projet pilote ». Un premier versement de 43 750 euros a été déposé le 23 février 2021. On ne sait pas à quoi cet argent a pu servir.

Bien que les organisations à but non lucratif soient tenues par la loi de remettre un rapport annuel au tribunal de commerce à la fin de chaque exercice, Fight Impunity ne l’a jamais fait. Si cela ne se produit pas pendant trois ans, le tribunal lui-même peut procéder à la dissolution de l’organisation à but non lucratif.

Sur son site Internet, Fight Impunity mentionne un conseil, un conseil de sages, avec rien que des noms qui sonnent. Le prix Nobel congolais Denis Mukwege, l’ancienne ministre italienne Emma Bonino, l’ancien premier ministre français Bernard Cazeneuve et quelques autres. Cazeneuve et trois autres ont immédiatement démissionné en début de semaine. En face de La Republicca Emma Bonino a fait valoir que cela n’avait pas beaucoup d’importance : « Oui, j’ai fait partie de l’équipe consultative de Fight Impunity, mais on ne m’a jamais rien demandé. Le conseil n’a jamais été convoqué.

Parmi les treize autres asbl du 41 Hertogstraat, il y en a cinq dont l’Italien Niccolo Figa-Talamanca, qui vit à Bruxelles, fait partie du conseil d’administration. Figa-Talamanca est le suspect du Qatargate qui a été autorisé à quitter le cabinet du juge d’instruction Claise cette semaine avec un bracelet de cheville électronique. L’un des cinq est No Peace Without Justice, dont à première vue il est difficile de dire en quoi le but social diffère de celui de colocataire Fight Impunity. L’organisation à but non lucratif Al Wefaq, fondée début 2018, milite pour « des réformes démocratiques et le respect des droits de l’homme à Bahreïn ». Justice for Jamal, à son tour, se bat pour «la justice et la responsabilité du meurtre de Jamal Khashoggi».

Ce sont plusieurs associations caritatives sous un même toit. Comme Fight Impunity, aucune des cinq autres organisations à but non lucratif de Figa-Talamanca n’a jamais partagé de rapport annuel avec le reste du monde. Et aussi en ligne, Fight Impunity a maintenant commencé à s’effacer. Là où « notre équipe » ne mentionnait il y a une semaine que les noms et visages de cinq membres permanents, il ne reste plus qu’une case blanche. L’un des cinq était Francesco Giorgi, le partenaire de l’eurodéputée grecque Eva Kaili. Giorgi a fait des aveux cette semaine sur la façon dont l’argent qatari était distribué aux députés.



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