Comment des milliers d’enfants ukrainiens se sont-ils retrouvés dans des camps russes ? Moscou dévoilera la “situation réelle” le mois prochain

Le président russe Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, commissaire russe aux droits de l’enfant, sont sur le radar de la Cour pénale internationale (CPI) depuis la semaine dernière. Ils auraient commis des crimes de guerre en kidnappant des milliers d’enfants ukrainiens – l’Ukraine en revendique plus de 16 000 – mais Moscou dément ces allégations. C’est pourquoi la Russie révélera la “situation réelle” lors d’une réunion informelle du Conseil de sécurité de l’ONU au début du mois prochain. Que se passe-t-il? La Russie a-t-elle réellement expulsé des milliers d’enfants ? Et comment ont-ils fait ça ? Un aperçu de ce qui se passe exactement.


IVT


Dernière mise à jour:
14:51


Source:
AP, The Guardian, Observatoire des conflits

Vendredi dernier, la Cour pénale internationale de La Haye a émis un mandat d’arrêt contre Poutine. La CPI, qui a son siège à La Haye, l’accuse de crimes de guerre en Ukraine. Il serait, avec la commissaire russe aux droits de l’enfant Maria Lvova-Belova, personnellement responsable de l’expulsion illégale de milliers d’enfants ukrainiens. Selon l’Ukraine, il y en a plus de 16 220.

Concrètement, cette ordonnance signifie qu’ils risquent d’être arrêtés s’ils entrent dans l’un des 123 pays membres de la CPI. Remarque importante : Poutine et Lvova-Belova peuvent toujours voyager dans une soixantaine d’autres pays, dont la Chine et l’Inde, sans aucun risque.

L’enquête sur d’éventuels crimes a commencé il y a un an, a déclaré le procureur Karim Khan après la publication du mandat d’arrêt à la fin de la semaine dernière. L’Ukraine demande également depuis plusieurs mois une aide internationale pour ramener les enfants déportés vers la Russie. Moscou nie fermement les allégations.

Début avril, lorsque la Russie présidera le Conseil de sécurité de l’ONU, le pays expliquera la “situation réelle” lors d’une réunion informelle. La réponse de la CPI est “totalement exagérée”, a déclaré l’ambassadeur russe à l’ONU Vassily Nebenzia. Selon Nebenzia, les enfants ont été amenés en Russie « parce que nous voulions les protéger du danger que pourraient entraîner les activités militaires ».

REGARDER. Avec cette annonce, la Cour pénale internationale a annoncé le mandat d’arrêt

16 226 enfants

Quelque 16 226 enfants ont été enlevés depuis le début de la guerre, selon l’Ukraine. Ceci est rapporté par le journal britannique ‘The Guardian’. Selon un rapport publié en février par l’Ukraine Conflict Observatory, une ONG américaine qui analyse et publie les crimes de guerre de la Russie depuis le début de la guerre, au moins 6 000 enfants sont impliqués. Le nombre total d’enfants est inconnu et est susceptible d’être nettement supérieur à 6 000.

Les déportations se poursuivent depuis février 2022. Les enfants, tous âgés de quatre mois à 17 ans, sont hébergés dans 43 camps différents à travers la Russie et la Crimée. La plupart sont des camps où les enfants « partent en vacances ». D’autres installations sont utilisées pour héberger des enfants placés en Russie pour placement en famille d’accueil ou adoption.

Au moins 32 camps seraient des camps de rééducation pro-russes. “Les camps sont présentés comme des ‘programmes d’intégration’, avec l’objectif ostensible d’intégrer les enfants ukrainiens dans la vision du gouvernement russe”, lit-on dans le rapport de l’Observatoire des conflits. D’autres enfants sont placés dans un camp d’entraînement militaire.

REGARDER. Des images montrent comment des enfants ukrainiens sont expulsés à grande échelle

Réseau secret de bénévoles

Les Russes prennent principalement les enfants des orphelinats ukrainiens. Mais parfois, les choses sont plus brutales, a déclaré au Guardian Daria Gerasimchuk, la médiatrice du gouvernement ukrainien pour les enfants kidnappés. « Ils tuent les parents, pour une raison quelconque, et kidnappent l’enfant. Dans d’autres cas, ils retirent simplement l’enfant directement à la famille, peut-être pour punir cette famille », explique Gerasimchuk. Grâce à un réseau de volontaires, l’Ukraine tente d’héberger secrètement les enfants vivant dans des orphelinats pour éviter qu’ils ne soient expulsés par la Russie.

Certains parents acceptent – ​​sous la contrainte ou non – d’emmener leur enfant en Russie, précise la médiatrice. Ils font cela pour se protéger contre, par exemple, les bombardements et bombardements incessants, dit Gerasimchuk. Ils s’attendent à revoir leurs enfants bientôt, mais le retour à la maison est difficile.

Dans deux camps, Artek et Medvezhonok, le retour de leurs enfants a été suspendu indéfiniment, selon les parents. On leur a dit que leurs enfants reviendraient à la fin de l’été dernier, mais cette date a finalement été abandonnée. Des centaines d’autres enfants des camps de Luhistyi et d’Orlyonok ont ​​été – et sont toujours – détenus après la date de retour prévue. Le nombre de personnes réunies avec leurs parents n’est pas connu, selon le rapport de l’Observatoire des conflits. Selon l’Ukraine, 10 513 enfants ont pu être localisés et 308 sont rentrés chez eux, écrit ‘The Guardian’.

Mandat d’arrêt Poutine

L’annonce de la réunion informelle du Conseil de sécurité de l’ONU intervient quelques jours après l’annonce du mandat d’arrêt de Poutine. Selon l’ambassadeur russe à l’ONU, la réunion du conseil était prévue bien avant l’annonce de la création de la Cour pénale internationale. Moscou a quant à lui annoncé qu’il ouvrait une enquête pénale contre des juges de la Cour pénale internationale. “Les juges, dont le procureur de la CPI Karim Khan, ont pris des décisions illégales d’arrêter le président de la Fédération de Russie et le commissaire aux droits de l’enfant”, a déclaré la commission d’enquête russe dans un communiqué.

“Le déplacement compulsif d’enfants en tant que groupe de population est une forme de génocide”, a déclaré Jan Wouters, professeur de droit international à la KU Leuven, à nos rédacteurs la semaine dernière. Mais démontrer que Poutine est personnellement responsable de ces actes ne sera pas facile.

REGARDER. Dans quelle mesure le mandat d’arrêt contre Poutine est-il exceptionnel ?



ttn-fr-3