Cinq minutes qui resteront dans l’histoire politique

Le gouvernement flamand a vécu mardi l’un de ses moments les plus difficiles au Parlement flamand. A la demande d’Hilde Crevits (cd&v), les tensions se sont ouvertement apaisées sur les bancs du gouvernement. La coalition flamande ébranla ses fondements : une reconstruction en cinq actes.

Stavros Kelepouris et Anne De Boeck

1. Crevits se déchaîne : “Cela ne fonctionnera pas si vous frappez une partie contre le mur”

Mardi après-midi, trois heures et quart. Le Parlement flamand débat depuis une heure de la crise dans laquelle se trouve le gouvernement Jambon. Aucun membre de la majorité ne semble d’humeur à exacerber les tensions. Le gouvernement semble avoir plutôt bien résisté à la tempête. Jusqu’à ce que Hilde Crevits, l’expérimentée vice-première ministre du cd&v, prenne la parole. Jambon, sur la chaise à côté d’elle, ne sait pas ce qu’il entend. Ce qui suit sont cinq minutes qui resteront dans les livres d’histoire politique.

« Aujourd’hui, dans cet accord sur l’azote, nous ne sommes pas encore d’accord. Mais avec toute votre permission, je n’aime pas que deux partis au sein d’un gouvernement disent : nous allons le faire sans vous. Pour moi, ce n’est pas conforme à la déontologie à laquelle nous avons toujours adhéré. Il faut qu’on s’en sorte, ça doit marcher. Mais cela ne fonctionnera pas si vous claquez juste une partie contre le mur. Je ne participe pas à cela.

Ce qui jusque-là semblait être une séance thérapeutique au Parlement flamand est soudainement devenu une crise gouvernementale qui se déroule en plein public sur les bancs du gouvernement. Le ministre Zuhal Demir (N-VA) tente d’interrompre Crevits, mais reçoit une réponse tranchante : « Collègue Demir, vous pourrez dire ce que vous avez à dire plus tard.

2. Jambon essaie de sauver les meubles. En vain

Soudain, toutes les inhibitions ont disparu. Le ministre Bart Somers prend la parole, tandis que Crevits regarde le tonnerre à côté de lui. « À un moment donné, nous devons enjamber notre ombre. Plutôt que de se blâmer les uns les autres, je demanderais aux trois partis gouvernementaux de chercher une solution », déclare fermement Somers.

C’est une image rarement vue : deux ministres de premier plan se brossent ouvertement les manteaux au parlement. Jambon, qui est assis de l’autre côté de Crevits, tente toujours de sauver les meubles. Il souligne que le règlement final doit être approuvé par « tous les membres du gouvernement. Il n’est donc pas question que les gens se cognent le dos contre le mur.

La manœuvre de Jambon n’apporte guère d’amélioration. Cela ne fait que renforcer l’impression d’un gouvernement qui est désespérément divisé et qui n’a plus envie de garder les discussions à l’intérieur pour la perception.

3. But ouvert pour l’opposition : “Si tel est l’avenir de la Flandre, Dieu nous protège”

Le chef du parti PVDA, Jos D’Haese, note que les trois partis gouvernementaux vivent chacun dans leur propre univers. « Cd&v est dans un univers encore en négociation. Mais il n’y a personne avec qui négocier.”

Pour l’opposition, la querelle conjugale confirme ce qui était déjà dit en début de séance. Le gouvernement flamand est un gouvernement nom uniquement. En réalité, il n’y a plus de majorité. Un à un, les partis d’opposition martèlent Jambon : « Démissionnez ». Bruno Tobback (Vooruit) : « Si tel est l’avenir de la Flandre, que Dieu nous garde.

4. Crevits ralentit

Invisible : c’est le mot qui est aussi utilisé au gouvernement pour décrire ce qui s’est passé ici. Bien que N-VA puisse être entendu par la suite qu’ils s’attendaient à une réprimande. “Nous avons dit à l’avance: attendez de voir qui tire le premier coup et à quel point.” Gwendolyn Rutten (Open Vld), entre autres, figurait sur la liste des tireurs possibles.

Après la discussion mouvementée, le langage corporel des ministres en dit long : chacun se rend compte que le gouvernement vient de vivre l’un de ses moments les plus difficiles. Si cela continue, le gouvernement sortira bientôt avec une crise encore plus importante qu’avant la session. Des images ont immédiatement circulé sur les réseaux sociaux de Crevits et Jambon, épaule contre épaule, les deux bras croisés, tous deux avec des nuages ​​d’orage dans les yeux.

C’est finalement Hilde Crevits qui éteint le feu qu’elle avait elle-même allumé. « Le Premier ministre a clairement indiqué que l’accord sera tripartite. C’est aussi notre question. Nous ne sommes pas encore d’accord sur ce dossier. Mais on peut en parler. »

5. Et maintenant ? “Dévier encore plus” ne fait pas partie des options, selon Jambon

La seule question est comment? Jambon veut se rasseoir autour de la table vendredi pour trouver un accord. Mais en début de séance, Jambon avait aussi qualifié la proposition de dimanche soir de “régulation définitive de l’azote” et de “meilleure et dernière offre”. “Dévier encore plus” ne fait pas partie des options, a précisé Jambon. Alors que CD&V estime que “l’ajustement approfondi que nous demandons n’est que raisonnable”.

Du coup, personne ne sait ce que Jambon mettra sur la table vendredi. Veut-il continuer à discuter avec CD&V jusqu’à ce qu’ils s’inclinent, ou la proposition qui a chassé CD&V de la table des négociations dimanche peut-elle encore être contestée ? Jambon a finalement laissé un petit espace, même si la marge semblait mince.

Pour le gouvernement, après mardi, le verre risque plus d’être à moitié vide qu’à moitié plein. La session du parlement est terminée, et il y a toujours un gouvernement. Mais la réprimande de Crevits laissera quand même des traces.

De plus, il est plus clair que jamais que l’entente mutuelle dans cette coalition est très mauvaise. Lors du tumulte sur les bancs du gouvernement, lorsque Crevits évoqua la longue histoire du dossier de l’azote, Demir lui lança : vous êtes bien au gouvernement depuis quinze ans. Comme pour dire, c’est de ta faute si nous sommes dans ce pétrin. Il est douteux qu’un accord dans cette atmosphère soit à gagner vendredi.



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