Chaque saison, l’analyste de tendances Christine Boland parcourt les salons et salons en ligne et hors ligne pour découvrir où le monde de la mode évolue visuellement. Pour la saison Automne/Hiver 2024, Boland présente quatre tendances qui contribuent chacune à leur manière au thème général des « Symbiotic Contradictions ».
Selon elle, il y a eu un changement depuis la saison dernière. Alors qu’à l’époque la devise « Power to the Paradox » parlait d’oppositions complètes qui se réunissaient, cette fois, des domaines et des idées apparemment incompatibles entrent en symbiose. Selon Boland, c’est exactement ce qui est nécessaire à une époque où les divisions dans la société et la mode sont importantes. Car comment faire en sorte que des courants différents puissent encore se rejoindre et travailler ensemble ?
Exubérance contre normalité : drame et décadence comme contrepoids à la souffrance
Sous couvert de « l’exubérance contre la normalité », le maximalisme devient la norme pour affronter les soucis et les souffrances de notre époque. L’exagération est ici permise et théâtralement intégrée à la vie quotidienne. Exubérance et exposition sont les maîtres mots. Pensez à la série « Emily à Paris », où les tenues les plus explosives sont portées, et jamais plus d’une fois. Ou les tapis rouges avec des tenues extrêmes. La vie est vue comme une étape, l’excès est inévitable. Le plaisir et la libération inhérents à cette exagération débridée servent de contre-mouvement à l’état relativement troublant du monde.
Cette exagération s’exprime de plusieurs manières, dont les résultats pourraient parfois provenir d’un dessin animé. On retrouve des détails agrandis, comme des manches bouffantes rappelant les oiseaux de paradis courtisants, ou, à l’inverse, des éléments fortement réduits comme dans les sacs Jacquemus. Le surréalisme, à l’instar du spectacle de Schiaparelli qui avait fait sensation en janvier dernier, joue ici aussi un rôle. Les vêtements de cérémonie sont à la mode et faciles à porter pendant la journée, exagérant sans vergogne les embellissements comme les cristaux et les paillettes. Mais l’exubérance peut aussi être plus modeste. Ainsi, les tenues monochromes sont décorées de formes drapées et d’énormes trains.
Empowered vs. Resolute : Tampons contre le monde extérieur écrasant
Ce thème s’articule autour de la protection et de l’enveloppement du corps contre le monde extérieur. L’enveloppement littéral du corps pour la protection a également été vu lors de la dernière présentation de Tremd, à l’époque en relation avec la guerre en Ukraine. Cette fois, cependant, le thème est plus lié à la nature et au spirituel. Les dessins rappellent des animaux à carapace naturelle, comme un marsupial ou un hérisson recroquevillé, et évoquent l’hibernation avec « des formes apaisantes dans lesquelles se blottir ». Les modèles méditatifs offrent la tranquillité et rendent les temps mouvementés dans lesquels nous vivons maintenant plus supportables.
La douceur peut aussi se faire de manière plus extrême, comme avec Rick Owens. Les tricots sont importants dans cette tendance, offrant l’« armure » douce à laquelle Boland fait référence. Aussi avec des imitations de fourrure et de cheveux – toujours dans faux Forme – se joue beaucoup du tout. Le thème s’exprime également à travers des matériaux robustes qui rappellent le béton mais tombent doucement. Ainsi, ce sous-type de la tendance coïncide avec un renouveau du brutalisme dans l’architecture, explique Boland. Cela se voit clairement dans le design Louis Vuitton suivant, où, selon Boland, les qualités brutes se heurtent à la sophistication.
Naturel contre magique : l’enchantement de l’intelligence naturelle
Pour l’été 2024, Boland a prédit le thème tendance « Dawn of Symbiosis », dans lequel l’appréciation de la nature dans la mode s’exprime, entre autres, à travers un renouveau de l’Art Nouveau. Ces derniers mois, la fascination pour le naturel s’est déplacée vers des aspects de la nature que les humains ne peuvent pas influencer. Pensez aux motifs complexes de lichens ou aux aurores boréales. Cela suscite également l’intérêt pour le mysticisme inhérent aux paysages naturels à travers les mythes et les légendes. Visuellement, cela se traduit par des motifs fluides et élégants jamais réguliers. Les paysages de mousses et de forêts évoqués ont parfois quelque chose de féerique, une atmosphère qui se retrouve dans les dessins, comme chez Thom Browne. Le lichen comme source d’inspiration se retrouve aussi bien chez Y/Project que chez Sacai et Altuzarra. Blumarine et Proenza Schouler jouent avec l’irrégularité des motifs de pierre.
Dans l’ensemble, il semble y avoir plus de place pour la fête et la tranquillité par rapport aux saisons précédentes. Bref, les thèmes de l’hiver 24/25 donnent de l’espoir pour l’avenir. Et parce qu’il s’agit de contradictions symbiotiques, Boland a déclaré au début de sa conférence : « Les designers et les artistes sont les pionniers de l’air du temps. Ils réagissent à ce qui se passe, mais ils montrent aussi où nous allons. »
Cet article a été publié sur FashionUnited.nl. Traduction et révision : Barbara Russ