Charlotte Adigéry & Bolis Pupul / Danseuse d’actualité


« Allez dans votre pays » est l’une des expressions racistes les plus courantes. Le duo belge formé par Charlotte Adigéry et Bolis Pupul l’utilise dans l’un des refrains les plus drôles du moment, celui de ‘Blenda’. Dans celui-ci, Adigéry se tourne vers Siri pour lui demander exactement à quel pays elle « appartient », comme si « appartenir » à un pays était possible et non un concept volatil comme la fumée.

L’humour fait partie de l’ADN de la musique de Charlotte Adigéry et Bolis Pupul, deux personnes qui se sont rencontrées sur Tinder et qui ont aujourd’hui sorti leur premier album commun. Une fine ironie ouvre la voie dans ‘Esperanto’, dans lequel Charlotte propose un curieux guide du protocole social (« ne dites pas ‘les blancs ne savent pas danser’, dites ‘Tom danse à son rythme’), et continue dans d’autres morceaux de l’album en tant que ‘Blenda’ elle-même. Le ‘Merci’ final est particulièrement drôle, ce qui fait taire le «fansplaining» avec une petite dose d’ironie : « Je n’aurais pas pu le faire sans toi, ni sans ton avis », chante Charlotte, fière.

‘Topical Dancer’ est l’album qui a mis Charlotte Adigéry et Bolis Pupul sur la carte. Ses alliés sont David et Stephen Dewaele, c’est-à-dire les frères qui composent Soulwax et 2manyDJs, et ‘Topical Dancer’ est un album coproduit par eux qui explore diverses sonorités pop électroniques. Le langage est élégant et minimaliste, mais varié. La tech-house de ‘Blenda’ cède la place à ‘Hey’, qui rappelle le meilleur Simian Mobile Disco, et il y a des morceaux de synth-pop dans ‘Mantra’, dub dans ‘Huile Smisse’ ou le dernier Róisín Murphy dans ‘It Frappez-moi’. La chanson la plus curieuse, ‘HAHA’, utilise un rire comme percussion.

Sur ‘Topical Dancer’, Charlotte Adigéry et Bolis Pupul développent une intéressante formule pop électronique dotée d’un message social. Le message arrive par hasard. ‘It Hit Me’ raconte la première fois qu’Adigéry a été victime de harcèlement sexuel à l’âge de 13 ans. D’un autre côté, ‘Hey’ parle d’égalité, de races et de personnes non binaires et pansexuelles, l’atmosphérique ‘Reappropriate’ prône « se réapproprier sa sexualité » et « libérer l’enfant brisé en soi » et ‘Ich Mwen’, qui sonne comme du Yelle évolué, est écrit en langue créole, puisque l’Adigéry est à moitié antillais.

Le disque est amusant surtout au début, il devient une petite boule dans sa partie médiane, et il repart vers la fin. ‘Ceci n’est pas un cliché’ et l’hommage aux Talking Heads de ‘Stop Making Sense’ n’apportent pas grand-chose, mais le message ‘oublie tes peurs’ de ‘Mantra’ est efficace et ‘Thank You’ est retiré de étant la chanson de remplissage finale typique rappelant que Róisín qui ressemblait à Daft Punk, celui de ‘Overpowered’. C’est l’une des chansons les plus excitantes de l’album, et elle arrive quand on s’y attend le moins.



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