Charismatique et élégante, la première première dame de l’Italie unie a si bien soigné son image qu’elle est devenue une influenceuse pour les dames de l’époque. Les passions de la reine ? Voitures et montées au sommet


RÉ.près que, le 29 juillet 1900, l’anarchiste Gaetano Bresci assassina son mari le roi Umberto I à Monza de trois coups aux poumons, au côté et au cœur, Margherita s’est assurée que la balle mortelle, ainsi que les vêtements ensanglantés, soient conservés dans un cercueil conçu par l’architecte Achille Majnoni. Le même qui pendant des années s’était occupé des résidences royales et de la restructuration des intérieurs de la Villa Royale de Monza, et qu’en quelques années il aurait fait construire à Gressoney-Saint-Jean, non loin du célèbre Castel Savoia, la Villa Albertini.

Margherita di Savoia (Turin, 1851 – Bordighera, 1926) dans un portrait de 1895. Épouse du roi Umberto Ier, elle fut la première reine consort d’Italie. © Archives GBB / Agence Contraste

Les deux vies de Margherita di Savoia

C’est un détail curieux, mais non négligeable. « Le plus grand crime du siècle », comme elle l’a elle-même défini, scelle la transition entre les « deux vies » de la première reine d’Italie, initialement engagé dans l’ennoblissement de la jeune monarchie, utilisant avant tout sa propre image judicieusement diffusée par des estampes et des cartes postales ; puis, en reine mère, libérée des contraintes des engagements officiels, libre de se consacrer à ses passions. Comme voyager en Norvège, en Bretagne, en Hollande et en Allemagne, et conduire ses voitures. Il en collectionnera des dizaines, Itala, Fiat, Rapid, Talbot, chacune pour des occasions différentes, mais toutes conservées dans des garages polis. Non que la mission de sa vie, s’occuper de la couronne, ait échoué, seulement, ayant assumé une nouvelle position dans cette entreprise institutionnelle qu’est une monarchie, il s’est adapté à ses nouvelles fonctions.

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En tant que reine d’Italie, Margherita a littéralement endossé le rôle de première dame, passant sur les relations différentes et bien connues du mari; comme reine mère, toujours dans le respect de l’étiquette dynastique, il n’a jamais interféré avec les décisions de son fils, Vittorio Emanuele III. Professionnelle avisée, dirions-nous aujourd’hui, méticuleuse et perfectionniste, au point d’adopter une discipline de fer jusque dans les études et dans la lecture scientifique, désireuse qu’elle était de combler les lacunes de sa formation, puisque, dit-elle : « Il faut toujours progresser. » De la figure de Marguerite, d’éducation catholique et donnée en mariage à sa cousine, on ne peut attendre un héritage révolutionnaire. Elle-même, dans une interview de 1906 avec le New York Times, comme le documente bien le livre de Luciano Regolo Marguerite de Savoie. Les secrets d’une reine (Éditions Ares), a déclaré que le premier devoir des femmes était la maternité, qualifiant d’extravagantes les théories de l’émancipation des femmes. Pourtant Margherita, à qui le Palazzo Madama de Turin consacrera une grande exposition en octobre prochain après des reports répétés dus aux pandémies, a été à sa manière une précurseur de l’époque. A tel point que, pour elle, on parle d’influenceur ante litteram, de « marguerite » : un phénomène de coutume ou de suggestion collective, qui a touché aussi bien la culture populaire que celle des élites.

La « marguerite » règne, des bonbons aux vers

Au Castel Savoia à Gressoney, la reine Margherita de Savoie (1851-1926) avec le roi Umberto I (1844-1900). (Photo by Eric VANDEVILLE / Gamma-Rapho via Getty Images)

Cuisiniers et pâtissiers ils rivalisaient pour lui dédier des recettes : la pizza, le gâteau du même nom, est bien connue, mais aussi le Siennois Enrico Righi a créé la panforte Margherita, en remplaçant le poivre par de la vanille et en ajoutant du cédrat confit et du potiron. Et tandis que la Saline di Barletta, dans les Pouilles, devenait Margherita di Savoia en son honneur, Giosué Carducci lui dédiait l’ode à la reine d’Italie, des vers qui donnaient au poète, républicain, même quelques critiques, mais qu’il défendait lui-même, soutenait par une reine qui a promu des salons littéraires qui ont accueilli D’Annunzio, Fogazzaro, Pascoli, et qui a défini sa poésie comme « la plus haute expression de l’Italie ressuscitée ». Même dans son rôle de protectrice des œuvres féminines (elle inaugure la première exposition nationale à Florence en 1871), bienfaitrice infatigable dans les classes humbles, des enfants aux aveugles, Margherita a fini par constituer un modèle dont s’inspirer, imiter les aristocrates de l’époque, qui ont ainsi commencé à tirer un rôle social dans la charité.

Pionnier de l’alpinisme

La « vraie » Margherita, cependant, était ailleurs. Toujours dans la biographie de Regolo, on lit qu’à Alessandro Guiccioli, diplomate et maire de Rome, elle-même a dit : « J’ai besoin d’un mois de liberté, puis les onze autres je ferai ce que les autres voudront ». Et par liberté, Margherita voulait dire montagnes. Lors de son séjour à Courmayeur il avait commencé à « grimper », en partie à dos de mulet et en partie à pied, au Mont de La Saxe (2348 m), au Col de la Seigne (2516 m), à Crammont (2736 m ), au Col du Gigante (3387 m). Des heures et des heures de marche, des nuits en refuge avec les guides (mais sans dormir par respect de l’étiquette), rafraîchissements extérieurs à base de polenta. « À une époque où le milieu montagnard était réservé aux hommes, Margherita di Savoia a été une pionnière de l’alpinisme féminin. Ses exploits ont été rapportés par des magazines italiens et étrangers, à tel point qu’elle a été nommée présidente d’honneur du groupe féminin du Club alpin anglais.» déclare Viviana Maria Vallet, responsable du département du patrimoine historique et artistique de la Région Val d’Aoste, et auteur de l’essai Margherita di Savoia et Val d’Aoste : la passion pour les montagnes de la première Reine Alpiniste, dans le catalogue édité par Marsilio pour l’exposition de Turin. En Vallée d’Aoste, d’ailleurs, la reine voulait sa résidence personnelle, Castel Savoia. Refuge très privé (son mari vivait chez Sarre) construit « sur mesure », à tel point que l’architecte Stramucci en fit une maquette à emporter à Rome pour s’assurer qu’elle répondait aux souhaits de la reine, à commencer par la vue sur les montagnes bien-aimées. Et, en effet, de cette colline, vous pouvez voir le bassin verdoyant de Gressoney-Saint-Jean, jusqu’aux glaciers du Lyskamm et du Mont Rose.

Reine du shopping

Des recherches récentes dans les archives pourraient également établir les dépenses engagées au cours des différentes années: plus d’un million et 500 mille lires. Un chiffre remarquable qui confirme une passion jamais cachée pour le shopping. «Margherita aimait s’entourer de nombreux objets, et ses maisons aussi : opulentes. Sur la base des photos des archives de la famille Curta Guindani, nous avons pu relocaliser correctement le mobilier restant, reconnaître et récupérer deux bibliothèques vendues à des particuliers, faire refaire une partie de l’équipement textile, en remontant vers les fournisseurs de la Real Casa, et évidemment restaurer l’entrée principale » explique Vallet. De cette façon, même ces chambres (au deuxième étage, il y a maintenant des photos d’époque qui racontent les différentes phases de la construction), peut raconter une femme qui est tombée amoureuse de cette vallée grâce au baron Luigi Beck-Peccoz, compagnon d’ascensions mémorables (un surtout celui de Punta Gnifetti, au 4554 du Monte Rosa et où se trouve aujourd’hui la cabane Margherita), et sur la relation de qui il y avait beaucoup de commérages. Pourtant, aujourd’hui encore, tout est entouré du plus grand secret. Il n’y a pas de documents, de lettres, d’histoires. Elle retournera dans son « refuge » même après la chutelors d’une traversée de Gressoney à Zermatt, de Peccoz sur le glacier du Grenz. Comme pour réitérer que son coin de liberté était toujours en sécurité.

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