Le départ du secrétaire d’Etat bruxellois Pascal Smet met à nouveau la pression sur la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib (MR). A-t-elle pris la bonne décision en accordant des visas à une délégation iranienne ?

Bruno Struys

« Pascal m’a informé (…) hier de sa conversation avec Lahbib. Il a dit qu’il n’avait aucun problème à ce que des villes iraniennes – et russes – soient invitées », selon l’un des courriels de son cabinet que le secrétaire d’État sortant Pascal Smet (Vooruit) a rendu public.

Il en ressort que la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib (MR) a donné son accord à Pascal Smet (Vooruit) le 10 mai, du moins selon ce dernier. Le 10 mai, les deux hommes se sont parlé au téléphone pendant quatre minutes et plusieurs secondes alors que Lahbib était en mission en Tunisie.

Les versions de cette conversation diffèrent légèrement, mais l’essentiel est que Lahbib a déclaré que les visas devraient suivre la procédure normale.

Mais lors de sa démission dimanche, Pascal Smet a clairement indiqué qu’il pensait qu’elle devait aussi prendre ses responsabilités. Il est vrai que c’est le ministère des Affaires étrangères qui a fait délivrer ces visas par l’intermédiaire de l’ambassade à Téhéran. Il n’y avait pas beaucoup de temps. Ce n’est que le 8 juin que l’administration bruxelloise a confirmé que treize personnes d’Iran étaient inscrites pour l’événement à Bruxelles qui a débuté le 12 juin.

La raison pour laquelle on discute principalement des visas pour les Iraniens est que les visiteurs russes avaient un visa via un autre pays de la zone Schengen et pouvaient donc se rendre en Belgique. Si Lahbib avait des doutes sur les demandes de visa de l’Iran, elle aurait pu laisser l’octroi au Département de l’Immigration.

Selon les informations de Le matin Lahbib ne l’a pas fait et la secrétaire d’État fédérale à l’Asile et à la Migration Nicole de Moor (CD&V) ne sera probablement pas affectée. Ce n’est pas inhabituel : en moyenne, les missions diplomatiques traitent elles-mêmes 80 % des demandes de visas de court séjour.

En règle générale, les postes diplomatiques belges à l’étranger délivrent des visas si les conditions sont remplies. Ce sera probablement la défense de Lahbib au parlement : les visas sont passés par la procédure normale et ont rempli tous les critères. Comme elle l’avait promis en mai à son collègue bruxellois Smet.

Droits de l’homme contre diplomatie

« Le ministre des Affaires étrangères est plus qu’un fabricant de timbres », déclare le député N-VA Peter De Roover. « Il doit couper le nœud politique à un moment donné. »

Plusieurs parlementaires lui mettront le feu à ce sujet, pas seulement de l’opposition. Chez Vooruit, le parti de Smet, ils ne veulent pas répondre ouvertement maintenant, mais leurs députés poseront des questions critiques mercredi. Smet a donné un texte et une explication au bureau du parti lundi.

Et Ecolo, qui a un député en la personne de Samuel Cogolati qui se dresse souvent en brèche dans le droit international des droits de l’homme, ne veut pas laisser passer ça comme ça. « La transparence qui est passée par le parlement bruxellois sur le rôle de Pascal Smet doit également être introduite dans la Chambre », dit-il.

Le récent départ forcé de leur secrétaire d’État verte Sarah Schlitz pour une signature personnelle sur des documents officiels n’est pas sans importance. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, qui a proposé Hadja Lahbib comme ministre, a ensuite procédé au forçage, mais selon Cogolati, la vengeance ne joue aucun rôle dans la motivation.

Au cœur de ce scandale des visas se trouve la tension entre les droits de l’homme et la diplomatie. « Ceux qui privilégient les droits de l’homme à la diplomatie reviennent souvent d’une période difficile », déclare le professeur émérite de relations internationales Rik Coolsaet (UGent).

« La politique étrangère consiste à protéger nos intérêts et cela va parfois à l’encontre des droits de l’homme. Notre gouvernement s’est tellement débattu avec la question : parlez-vous à Mobutu ou pas ?

L’exemple de Robin Cook, ministre britannique des Affaires étrangères sous Tony Blair, est bien connu. Il deviendrait l’homme à mettre les principes éthiques au cœur de la politique étrangère. En conséquence, il a dû démissionner lorsque son gouvernement a envahi l’Irak.

Erreur d’estimation

Smet dit qu’il a résolu le dilemme éthique en faveur de ce qu’il appelle la « diplomatie des villes ». Probablement une erreur de jugement. Une telle visite d’une délégation de Téhéran, avec une séance photo à l’hôtel de ville de Bruxelles, est différente d’une rencontre diplomatique entre Lahbib et son homologue iranien.

« Il s’agit d’un maire et de sa suite, donc les enjeux sont beaucoup plus petits », explique Coolsaet. « Si ce n’est pas crucial, alors vous ne devriez pas le faire, étant donné la situation géopolitique actuelle. »

C’est une évaluation que Pascal Smet aurait pu faire et cette semaine, il doit être clair s’il s’agit d’une responsabilité partagée. Lahbib pourrait-il être plus proactif et refuser les visas ?

« Si quelqu’un vient d’un régime suspect, le ministère des Affaires étrangères doit se demander s’il y a de bonnes raisons de faire venir ces personnes », déclare Marc Bossuyt, ancien commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

Le cabinet de Lahbib n’a pas pu être joint pour commenter.

Ans Persoons succède à Pascal Smet

Ans Persoons, 44 ans, jusqu’ici échevin de la Ville de Bruxelles, succède à son compatriote Pascal Smet au poste de secrétaire d’Etat à la Région bruxelloise. Smet a démissionné dimanche après le scandale d’une délégation iranienne qu’il avait amenée à Bruxelles.

Vooruit n’a pas encore annoncé qui succédera à Persoons au sein du conseil de Bruxelles-Ville. Pour l’heure, le bourgmestre Philippe Close (PS) reprendra ses attributions jusqu’à la nomination d’un nouvel échevin. Les discussions à ce sujet sont toujours en cours.



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