Ta-ta-ta-ta! On part (en effet : on met les voiles…). ET Le commandant De Édouard De Angelis le film d’ouverture du 80ème Festival International du Film de Venise (en fait né en 1932, mais certaines éditions ont été sautées). On le sait désormais : cette place avait déjà été attribuée à Challengers de Luca Guadagnino, avec Zendaya, mais la grève des scénaristes et acteurs américains a incité les producteurs à le retirer, en attendant un moment plus propice.
Bienvenue, Pierfrancesco, à Le commandant
Alors bienvenue Pierfrancesco Favino (au casting avec Massimiliano Rossi, Johan Heldenbergh et Silvia D’Amico) dans le rôle de Salvatore Todaroconnu (aussi) pour la phrase : « Un commandant allemand n’a pas, comme moi, deux mille ans de civilisation sur ses épaules ».
Au volant du sous-marin Cappellini de la Regia Marina, en octobre 1940, le soldat se retrouve soudain – dans l’Atlantique – sous le feu d’un navire marchand. (Belge, chargé de matériel de guerre britannique). Mais il a triomphé et c’est ici qu’il a agi en digne homme : il a décidé de sauver les 26 naufragés belges condamnés à se noyer dans l’océan, en les débarquant dans le port sûr le plus proche, comme l’exige le droit de la mer.
La plume de Véronèse
«L’homme qui conduisait une trirème romaine il y a deux mille ans est le même homme qui commande un sous-marin en pleine guerre mondiale. Cet homme s’appelle Salvatore et il est fort. Il coule le fer des navires ennemis sans crainte et sans pitié» explique le réalisateur, qui a écrit le scénario avec Sandro Veronesi. «Mais l’ennemi impuissant n’est plus un ennemi, c’est juste un autre homme et c’est ainsi qu’il le sauve. Parce que l’être humain vraiment fort est celui qui est capable de tendre la main aux faibles. Salvatore connaît les lois éternelles qui régissent le ciel et la mer et sait qu’elles sont supérieures à toute autre loi. Celui qui sauve un homme sauve l’humanité. »
Favino pour Venise 80 se divise en deux : il sera en compétition en Lentement par Stefano Sollima.
Toute référence…
Toute référence à des personnes ou à des choses (lire : l’attitude d’une certaine classe politique et de certaines opinions publiques) ne semble pas purement fortuite… Ayant justement donné à Le commandant l’honneur de la soirée d’ouverture n’est peut-être pas un geste patriotique, bien au contraire : est une référence à miséricorde qui arrive quelques jours après celui du président Mattarella et du pape François et qui sera réaffirmé lors de cette Mostra de Venise par deux autres films en compétition, je suis capitaine de Matteo Garrone et de La frontière verte par Agnieszka Holland. Que le meilleur gagne, mais surtout le message gagne. Ce qui nous concerne tous.
Adieu à Cuba
Et un message tout aussi fort vient de Tommaso Santambrogio, un Milanais de trente et un ans, ancien collaborateur de réalisateurs cultes comme Werner Herzog et Lav Diaz. Son Les océans sont les vrais continentssélectionné comme ouverture de la rubrique Horizons – réservé aux « films représentatifs des nouvelles tendances esthétiques et expressives du cinéma monde» – nous emmène dans un Cuba pluvieux et dans le quotidien simple des jeunes Alex et Edith, de la vieille Milagros et des petits Frank et Alain, avec le spectre de la séparation…
« La première fois que sontou été sur l’île» explique Santamborgio «J’avais huit ans. Je me souviens qu’en approchant des contrôles de l’aéroport, j’ai été témoin d’une étreinte désespérée et inséparable – avec de profonds sanglots et des larmes – entre un père et une fille, qui visiblement avait trouvé le moyen de quitter les lieux et ne reviendrait jamais. Il s’agissait d’un adieu poignant et injuste, terriblement courant dans la société cubaine, qui traverse aujourd’hui la plus grave crise migratoire de son histoire. (près de 8 pour cent de la population a quitté le pays rien qu’au cours de la dernière année et demie et ce flux ne cesse de croître). « Tout a commencé avec cette image. »
Liliana Cavani en or
Le premier des deux Lions d’Or (le second reviendra au Hongkongais Tony Leung, protagoniste de Humeur d’amourpour être clair) parle italien : le lauréat est Liliana Cavanivétéran du spectacle (présenté ici en 1965 Philippe Pétain : Procès à Vichyen 1966 François d’Assiseen 1968 Galiléeen 1969 Les cannibalesmoi, en 2002 Le jeu de Ripley et en 2012 Pauvres Claires).
«L’un des protagonistes les plus emblématiques du nouveau cinéma italien des années 60, avec une œuvre qui s’étendra ensuite sur soixante ans d’histoire du divertissement, Liliana Cavani c’est une artiste polyvalente capable de fréquenter la télévision, le théâtre et l’opéra avec le même esprit anticonformiste et la même inquiétude intellectuelle qui ont rendu ses films célèbres» est la motivation du directeur de la Mostra de Venise. « Sa pensée a toujours été anticonformiste, libre de préconceptions idéologiques et libre de tout conditionnement d’aucune sorte, mue par l’urgence de la recherche continue d’une vérité cachée dans les parties les plus cachées et mystérieuses de l’âme humaine, jusqu’aux frontières de spiritualité ».
L’ordre du temps
Preuve de son inépuisable vitalité créatrice, la réalisatrice présente son nouveau film, L’ordre du temps, inspiré de l’essai homonyme de Carlo Rovelli. Du riche casting (italien, plus Ksenia Rappoport) : Alessandro Gassmann, Edoardo Leo, Claudia Gerini. La parcelle? Un groupe de vieux amis se retrouve dans une villa en bord de mer pour fêter un anniversaire…
« La vie est une sorte de ‘voyage’ – un voyage inquiétant – que nous, humains, faisons dans l’univers selon un programme que nous n’avons pas choisi mais qui se déroule, comme tout se passe, selon ‘l’ordre du temps' », dit Cavani. .
Bersagliera pour toujours
Et la pré-ouverture de Venise 2023 était dédiée à l’une de nos (rares) divas : Gina Lollobrigida, disparu en janvier. Ont été projetés, à la fois dans la version restaurée, La provinciale de Mario Soldati (1953) et Portrait de Gina d’Orson Welles, tourné en 1958. Un joyau. «En réalité ce n’est absolument pas un documentaire», précise le réalisateur, «plutôt un essai, un essai personnel. Il ne cherche pas à être factuel mais simplement à ne pas mentir, dans la tradition du journal intime. Ce sont mes réflexions sur un sujet donné, Lollobrigida, et non sur ce qu’il est réellement».
Que la fête commence.
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