Lorsqu’elle a soudainement une douleur lancinante au bras une nuit, Caroline entre dans une chute libre physique et mentale. Les jours suivants deviennent un gâchis terrifiant et la pensée de l’euthanasie surgit.

Et puis les choses tournent terriblement mal. Un soir, mon bras droit me fait soudainement si mal que je ne sais pas quoi faire. L’un des volontaires masse doucement la zone douloureuse. Cela semble aider un peu, je prends des analgésiques supplémentaires et Dieu merci, je m’endors. Les jours suivants ça reste bourdon, avec ce bras là, mais aussi mentalement je vole sans cesse dans tous les sens. Le médecin décide de faire une radiographie pour voir si la cause de la douleur pourrait être une métastase osseuse. Une radiothérapie ponctuelle pourrait alors aider contre la douleur.

Ma copine LP me conduit à l’hôpital. Même marcher quelques mètres depuis le parking s’avère être trop pour moi. Jaillissant de sueur, je prends place dans un fauteuil roulant. Que diable m’arrive-t-il ? La photo est tellement piquée. Puis, à ma demande, LP me gare dans le fauteuil roulant derrière les grandes jardinières du hall, où je vomis dans un sac que j’ai apporté avec moi en sanglotant.

Consterné, je retourne à l’hospice où, fait assez remarquable, je me lève assez rapidement. Soudain, je marche à nouveau dans le couloir et j’ai une petite conversation. Un bénévole qui pense que je suis trop hyperactif dit qu’il est temps de me faire masser les pieds. Bien sûr, elle a raison, c’est un contraste bizarre. Apaisé par l’huile de lavande, je m’assoupis et en début de soirée je déguste un steak avec pommes de terre sautées et salade de chicorée en cuisine.

Le lendemain, le résultat de la photo s’avère bon, mais tout le reste est un gros combat. La résilience dont j’aime me vanter a disparu dans un grand trou noir. Depuis que j’ai reçu mon premier diagnostic de cancer il y a près de huit ans, j’ai toujours réussi à rester un peu abstrait. J’arrivais généralement assez bien à prétendre que ce n’était pas vraiment dans mon corps.

Mais maintenant c’est faux, plus faux que faux, je le sens en tout. Et résister. Panique. Allonge-toi dans mon lit et pleure. Ce qui se passe? Est-ce un de ces moments où les gens décident de l’euthanasie ? Des nausées, des maux de ventre, je suis déshydraté, j’ai de gros vertiges, des migraines et à cause de la tumeur à l’os de mon oreille, j’ai parfois l’impression que quelqu’un pousse dans mon oreille avec une aiguille à tricoter. De plus en plus d’oxycodone à courte durée d’action. Les journées deviennent un gâchis. Ma sœur, les visages inquiets des amis, les bénévoles, les infirmières, le médecin généraliste.

Pleun il y en a beaucoup. Elle tape ses blogs, travaille à ma table à manger ou s’assoit juste à côté de moi quand tout ce que je veux faire, c’est dormir. Je n’ai jamais été aussi près de ne plus vouloir être là. Dans mon brouillard, je ne cesse de réaliser à quel point mon enfant a « grandi » dans ce domaine au cours des deux derniers mois, quelle jeune femme courageuse, jeune et surtout forte elle est. Bien sûr je me brise en mille morceaux quand je pense à l’adieu qui approche, parfois ça me donne littéralement des crampes au cœur, mais je sens maintenant qu’elle saura le supporter, qu’elle s’en sortira. Elle a une relation forte, elle est aimée sincèrement par son petit ami et tous nos proches. Cela soulage une partie de la douleur souvent lancinante dans mon âme.

Pendant que je meurs, je ressens aussi du stress, la pression du temps : si j’abandonne maintenant, je laisserai également tomber Pleun avec ces blogs. Comme rituel d’adieu, je veux toujours écrire avec elle. De ce que j’apprends maintenant sur la vie et la mort. A propos de tout ce qui me passe par la tête. Partager ce que je pense qu’elle pourra utiliser pour le reste de sa vie. On doit parler, on doit régler ça avant que je parte. Je veux lui donner tout ce que j’ai, jusqu’à la dernière virgule et un point.

Ils décident de me donner un remède de cheval pour mes plaintes les plus graves. Ça marche. Lentement, la lumière dans ma tête se rallume et je griffonne un peu. La réalisation s’enfonce dans le fait que j’ai pris le prochain virage vers la fin, mais qu’il reste encore un moment…

Caroline Griep (58 ans) est journaliste indépendante et sait depuis l’été 2020 qu’elle est atteinte d’un cancer du sein métastatique. Elle vit maintenant dans un hospice à Amsterdam, avec sa fille Pleun (24 ans) et son chien Ceesje (8 ans) toujours à ses côtés. Amoureusement entouré par la sœur Marjolein et sa famille et ses amis contre vents et marées. Elle blogue sur sa vie et sa fin prochaine.



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