Bruxelles va réprimander la France pour son déficit alors que le conflit sur les dépenses se profile


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Bruxelles doit réprimander la France cette semaine pour avoir enfreint les règles budgétaires de l’UE, mais se prépare déjà à un affrontement potentiellement bien plus grave avec Paris si l’extrême droite ou la gauche prenait le pouvoir.

La Commission européenne se prépare à ouvrir mercredi une procédure dite de déficit excessif contre la France pour non-respect de la limite d’emprunt de l’UE fixée à 3 pour cent par an du PIB, une décision qui a été largement annoncée plus tôt cette année.

Aux côtés de la France, la commission va ouvrir une procédure de déficit excessif à l’encontre de six autres pays : l’Italie, la Belgique, Malte, la Slovaquie, la Hongrie et la Pologne, selon deux sources proches de la décision de la commission.

Cette procédure vise à inciter les pays en infraction à modifier leur politique en leur demandant de resserrer leur politique budgétaire. Le refus de s’y conformer peut éventuellement entraîner des amendes. La France a enregistré un déficit de 5,5 pour cent en 2023 – le deuxième plus élevé de la zone euro après l’Italie.

Cette réprimande intervient alors que la France se dirige vers des élections anticipées les 30 juin et 7 juillet. Le Rassemblement national d’extrême droite devrait gagner, selon les sondages d’opinion, l’alliance de gauche arrivant en deuxième position. Le RN et le Nouveau Front populaire, parti de gauche, ont tous deux promis des dépenses considérables, même si les engagements exacts du RN restent vagues.

La Commission suivra les réprimandes de mercredi avec des instructions à l’automne pour réduire les dépenses une fois que les pays de l’UE auront soumis leurs plans de dépenses pluriannuels pour révision, dans le cadre d’un processus de réforme de l’UE.

Les économistes du groupe de réflexion Bruegel estiment que la France devra réduire ses dépenses d’environ 0,54 pour cent du PIB par an au cours des sept prochaines années, soit environ 15,7 milliards d’euros en 2024.

Même si ces réductions équivaudraient cette année à environ un tiers du budget de la défense de la France, les mesures seraient moins exigeantes que ce qu’auraient exigé les anciennes règles de l’UE.

Les responsables de l’UE doutent qu’un nouveau gouvernement français s’en tienne à l’ordre de l’UE de réduire les dépenses. Le RN et le NFP promettent une rupture radicale avec la politique économique pro-business d’Emmanuel Macron et tous deux ont dénoncé les règles budgétaires de l’UE.

« C’est un sujet de préoccupation car ils ont besoin d’économies, et le programme des partis qui semblent prêts à gagner est davantage axé sur les dépenses », a déclaré un responsable européen.

Marine Le Pen s’est présentée à l’élection présidentielle de 2022 en promettant une augmentation des dépenses et des réductions d’impôts d’un montant de 100 milliards d’euros par an, selon le groupe de réflexion de l’Institut Montaigne. Le RN s’est montré beaucoup plus vague ces derniers jours sur ses projets, mais a déclaré qu’il procéderait à une réduction de la taxe sur la valeur de l’énergie et des carburants, ce qui, selon les estimations du gouvernement, coûterait 17 milliards d’euros par an.

Le NFP, réuni à la hâte la semaine dernière pour tenter d’empêcher une victoire de l’extrême droite, a promis d’abandonner les réformes des retraites de Macron, d’augmenter les salaires du secteur public, d’augmenter les allocations de logement et de jeunesse et de réduire les impôts sur le revenu et les cotisations de sécurité sociale pour les moins aisés.

Les programmes du RN et du NFP étaient « diamétralement opposés » à la demande de réduction des dépenses de Bruxelles, a déclaré Lucio Pench, chercheur non-résident à Bruegel et ancien responsable de la commission chargée des questions fiscales.

« Il existe un risque de rencontrer quelque chose que nous avons toujours voulu éviter : une collision frontale avec un pays qui mettrait la commission dans une situation difficile. »

Silvia Ardagna, économiste en chef pour l’Europe chez Barclays, a déclaré que les capitales européennes avaient appris qu’il valait « mieux faire des compromis avec la Commission que d’être fous ». Même si Paris ne respectait pas les réductions de dépenses requises, les deux parties pourraient alors « étendre et faire semblant ».

« Évidemment, cela nécessite que quiconque accède au gouvernement en France comprenne également cela », a-t-elle déclaré.

Les investisseurs inquiets de la perspective d’un gouvernement dirigé par le RN et d’une opposition populiste de gauche ont déjà vendu des obligations et des actions françaises.

La différence entre les rendements des obligations d’État françaises et allemandes, une mesure de la confiance relative dans la dette française, a atteint des niveaux jamais vus depuis l’élection présidentielle de 2017, lorsque Le Pen préconisait encore la suppression de l’euro.

Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a averti que les programmes de dépenses d’extrême gauche et d’extrême droite rendraient impossible le service de la dette française, ouvrant ainsi la voie à des troubles financiers.

Le taux d’endettement de la France, à 110,6 pour cent du PIB, est le troisième de la zone euro, après la Grèce et l’Italie. « Avec les projets de l’extrême gauche et de l’extrême droite, la dette ne peut pas être financée », a-t-il déclaré vendredi.



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