Afin de contenir les prix élevés du gaz, le marché européen de l’énergie subit une refonte encore plus radicale et l’intervention directe de l’État sur le prix commercial se rapproche de plus en plus. Mardi, la Commission européenne a présenté un nouveau paquet de propositions visant à apaiser les inquiétudes croissantes concernant la crise énergétique dans l’UE. Les plans ont été mis en place à grande vitesse et, selon Bruxelles, devraient avoir un effet cet hiver.

Ce sont des mesures sans précédent qui vont restructurer en permanence le marché de l’énergie – avec des effets inconnus et peut-être indésirables, selon les critiques. Dans le même temps, les plans pourraient ne pas aller assez loin pour un groupe d’États membres, qui réclament des interventions sur les prix depuis des mois et semblent s’impatienter de jour en jour. Ce jeudi, les chefs de gouvernement se rendront à Bruxelles pour un sommet qui portera sur la crise énergétique.

« Mécanisme de correction des prix »

La partie la plus chaude du paquet se concentre sur le Title Transfer Facility, la bourse du gaz qui opère depuis les Pays-Bas. Ces derniers mois, les critiques se sont multipliées contre ce forum commercial virtuel et influent. Le TTF est conçu pour la fourniture de gaz de canalisation et ne serait plus représentatif du marché maintenant que la part du gaz GNL liquéfié a considérablement augmenté ces derniers temps.

La Commission souhaite désormais accélérer les travaux visant à compléter le TTF par une autre plate-forme de tarification. Mais dans l’attente d’un tel nouveau benchmark, Bruxelles veut aussi pouvoir intervenir directement sur la bourse existante dans les mois à venir. À cette fin, elle développe ce que l’on appelle par euphémisme un «mécanisme de correction des prix», mais qui revient en fait à maximiser le prix auquel le gaz peut être échangé.

Lors d’une conférence de presse mardi, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen l’a qualifié de « plafond de prix dynamique ». Bruxelles souligne qu’une telle intervention ne peut avoir lieu qu’à des moments strictement définis, en « dernier recours » et lorsqu’il y a « une volatilité et des hausses de prix extrêmes ». Mais elle laisse délibérément ouverte la question de savoir à quel point le prix est élevé à de tels moments et à quel niveau il devrait être réduit.

Jusqu’à récemment, la Commission européenne déconseillait l’intervention de l’État sur le prix du gaz

Par exemple, sous la forte pression des États membres de l’UE, la Commission s’oriente à nouveau un peu vers une intervention gouvernementale sur le prix d’échange du gaz, ce qu’elle déconseillait fortement jusqu’à récemment. Une des raisons de cette réticence : les conséquences négatives que pourrait avoir une telle intervention sur la sécurité d’approvisionnement. Si l’Europe commence à pousser le prix du gaz, il y a un risque que les méthaniers changent de cap, vers, par exemple, l’Asie. Une autre crainte est qu’un prix artificiellement bas fasse grimper la consommation de gaz, alors que des économies sont en réalité nécessaires pour mieux équilibrer l’offre et la demande.

Selon von der Leyen, le plafond sera « suffisamment flexible pour garantir la sécurité d’approvisionnement et le contrôle de la consommation de gaz et suffisamment élevé pour permettre au marché de fonctionner ». Il n’est pas certain que cela suffise à convaincre des pays sceptiques comme les Pays-Bas et l’Allemagne. Le président de la Commission a souligné que la réflexion sur le plafonnement des prix avait évolué et que de plus en plus de pays étaient convaincus de son importance. Si sa propre Commission est arrivée aussi loin, c’est parce que suffisamment de « conditions préalables » ont été créées pour que la mesure puisse encore être utile.

Achats groupés

Après tout, les propositions de la Commission vont plus loin et forment ensemble un « cadre ». Le durcissement du plan existant d’achat en commun de gaz au niveau européen est également crucial. Jusqu’à présent, cette intention a peu donné, principalement parce que la participation à la « plateforme d’achat » est volontaire. La Commission propose maintenant d’ajouter un élément obligatoire, selon lequel 15 % du stockage européen de gaz doivent être mis en concurrence en commun. Cela signifie que les fournisseurs d’énergie concurrents doivent travailler ensemble dans un consortium gazier.

L’espoir est qu’en unissant ses forces, l’UE puisse imposer de meilleurs prix sur le marché mondial du gaz. En outre, la proposition devrait empêcher les États membres de faire des offres les uns contre les autres lors du remplissage de leurs surtaxes et de pousser ainsi le prix plus loin dans les airs – comme cela s’est produit en août de cette année. Ce risque sera au moins aussi grand l’année prochaine, car Bruxelles prédit déjà qu’il sera beaucoup plus difficile en 2023 d’amener les stockages de gaz européens au niveau de remplissage souhaité.

Epargne et entraide

Une autre condition pour une nouvelle intervention sur le marché est que la consommation de gaz diminue. Si l’accord volontaire existant d’utiliser 15 % de gaz en moins n’est pas respecté, il doit rapidement devenir obligatoire – et peut-être même renforcé. Jusqu’à présent, selon les règles de l’UE, les ménages devaient être exemptés des obligations d’épargne. À présent, la Commission suggère que la « consommation non essentielle » des consommateurs ordinaires puisse être limitée. Elle donne un exemple de restriction du chauffage des terrasses et des piscines extérieures.

Enfin, la Commission européenne a présenté mardi des lignes directrices sur la manière dont les États membres devraient s’entraider en cas de pénurie aiguë de gaz. Le principe de solidarité s’applique au sein de l’UE : lorsqu’un pays ne peut plus approvisionner ses propres « consommateurs protégés » – ménages privés et hôpitaux, entre autres – les pays voisins doivent intervenir. Mais parce que de nombreux pays de l’UE ont hésité jusqu’à présent à conclure des accords concrets sur l’entraide, Bruxelles propose maintenant un ensemble standard d’accords.

Avec le paquet total, Bruxelles renforce son emprise sur le marché libéralisé de l’énergie, dans l’espoir de faire baisser les prix et de garantir davantage la sécurité d’approvisionnement. Que ce soit suffisant pour convaincre les États membres de l’UE reste incertain. Par exemple, les États membres d’Europe du Sud en particulier exigent toujours un découplage des prix du gaz et de l’électricité, et La Haye et Berlin restent sceptiques quant aux interventions sur les prix pour le moment.



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