Bruxelles redynamisée pour les batailles Big Tech


Après quelques défaites amères, Margrethe Vestager, chef de la concurrence de l’UE, a récemment remporté une grande victoire après que les juges luxembourgeois aient en grande partie confirmé une amende record à Google pour avoir abusé de sa domination sur le système d’exploitation pour téléphones mobiles Android du géant de la recherche.

Plus tôt ce mois-ci, le Tribunal général européen s’est prononcé principalement en faveur de la décision de Vestager d’infliger à Google la plus lourde amende antitrust jamais imposée pour les “restrictions illégales imposées aux fabricants d’appareils mobiles Android et aux opérateurs de réseaux mobiles” afin de renforcer sa position dominante.

Vestager a célébré cette victoire en affirmant qu’elle met Bruxelles en position de “ouvrir la voie” aux nouvelles règles numériques, conçues pour ouvrir les marchés et favoriser la concurrence.

Même si Google est susceptible de faire appel de la décision de la Cour de justice européenne, la victoire de l’UE a marqué une étape importante dans une décennie d’application des lois antitrust contre les géants de la technologie. Cela a également donné un coup de pouce aux nouvelles règles visant à limiter le pouvoir de la Silicon Valley dans le bloc.

“C’est une victoire sur le principe que les régulateurs de l’UE peuvent poursuivre les grandes entreprises technologiques, dont la plupart sont basées aux États-Unis, et imposer des amendes importantes”, déclare Annamaria Mangiaracina, associée de Linklaters basée à Bruxelles.

Après des pertes judiciaires importantes contre Intel et Qualcomm, les hauts responsables de la réglementation craignaient que si la décision de Google avait été prise dans l’autre sens, leurs enquêtes en cours sur les comportements anticoncurrentiels présumés ralentiraient considérablement ou s’arrêteraient à un moment où elles sont déjà soumises à d’immenses pression pour agir rapidement.

“C’est un motif de célébration”, a déclaré un responsable soulagé, pointant du doigt les enquêtes existantes contre Apple, Amazon, le propriétaire de Facebook Meta et Google.

Il précède la loi sur les marchés numériques qui vise, entre autres, à clarifier dans la loi ce qui est considéré comme un comportement anticoncurrentiel par les Big Tech, facilitant ainsi l’action de Bruxelles. Il cible les soi-disant gardiens – une entreprise avec au moins 45 millions d’utilisateurs actifs par mois ou au moins 10 000 utilisateurs professionnels par an. Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft répondent tous à cette norme, tout comme d’autres groupes tels que le site d’hébergement Booking.com et le groupe de commerce électronique Alibaba.

Inévitablement, il y aura des défis juridiques à la mise en œuvre de la DMA. Les grandes plateformes technologiques sont susceptibles de déployer leurs grandes armées d’avocats très agressifs pour lutter contre la capture par les nouvelles règles ou limiter les charges juridiques.
Nick Clegg, l’ancien vice-Premier ministre britannique et maintenant président des affaires mondiales de Meta, a déclaré lors de la rédaction du DMA qu’il “risquait de fossiliser le fonctionnement des produits et d’empêcher l’itération et l’expérimentation constantes qui stimulent le progrès technologique”.

Une partie cruciale de la législation comprend une interdiction pure et simple pour les entreprises de classer leurs services avant leurs concurrents et limite l’utilisation des données qu’elles ont recueillies auprès de leurs concurrents. C’est une mauvaise nouvelle pour les modèles commerciaux qui se sont appuyés sur la capacité de tirer parti de leur position dominante pour prendre une place forte sur les marchés numériques. La lutte sera donc féroce.

“Ce ne sera pas une promenade dans le parc”, a déclaré un avocat d’entreprise qui travaille pour le compte de grandes technologies. “Nous allons offrir un combat difficile.”

En plus des longues batailles contre les grandes technologies, les régulateurs à Bruxelles craignent également de ne pas avoir suffisamment de fonctionnaires pour appliquer la nouvelle législation historique.

Les eurodéputés veulent au moins 150 nouvelles personnes dédiées à l’application de la DMA alors que la commission n’en prévoyait que 80 dans sa proposition initiale. Des experts juridiques seront utiles, mais la commission a également besoin d’experts techniques pour s’assurer que les grandes technologies respectent les règles.

Et les États membres veulent aussi une part de l’action. Les pays de l’UE cherchent à jouer un rôle plus important dans la lutte contre les grandes technologies en ouvrant des enquêtes et en leur infligeant de lourdes amendes. La tension monte sur le pouvoir dont Bruxelles et les autorités nationales de la concurrence devraient disposer pour limiter le pouvoir d’Amazon et d’Apple.

En vertu des nouvelles règles, qui doivent entrer en vigueur l’année prochaine, la Commission européenne dispose de pouvoirs centralisés en tant qu ‘”autorité unique” avec la capacité d’appliquer le règlement et de choisir quand ouvrir des enquêtes de concurrence et contre quelles entreprises. Pourtant, l’importance du rôle de Berlin et de Paris dans la lutte contre les grandes technologies a été la source de discussions récentes entre les régulateurs.

Alec Burnside, associé chez Dechert à Bruxelles, offre une certaine prudence. “Nous ne devons pas sous-estimer le défi de mettre en place et de faire fonctionner efficacement les règles”, dit-il, ajoutant qu’il ne s’agit pas seulement de la mise en œuvre des règles, mais qu’il faudra un certain temps avant que la nouvelle loi ne commence à “mordre”.

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