Bertolucci : « Sinner est un peu Rafa, un peu Nole. Il a les traits des quatre fantastiques »


Dans le tennis de Jannik, la froideur de Nadal, le revers de Djokovic, le forçage de Murray et le charme de Federer

peut-être que dans vingt ans, avec sa carrière terminée et, espérons-le, avec de nombreux trophées du Grand Chelem à son actif, en parlant de Jannik Sinner, nous l’appellerons le Fab Five, soulignant sa proximité, sa technique et ses valeurs avec Federer, Nadal, Djokovic et Murray, phénomène d’une génération dorée et à certains égards irremplaçable. Cela peut sembler une comparaison risquée, mais à bien des égards, les traits des Quatre Fantastiques qui ont dominé le tennis au cours des vingt dernières années peuvent être reconnus chez le champion de Sesto Pusteria. Il est indéniable, par exemple, que le langage corporel toujours proactif dans les phases les plus délicates du match, la détermination féroce à ne pas céder le moindre point, la froideur presque inhumaine avec laquelle il parvient à tirer le meilleur parti de son jeu lorsque le point compte d’ailleurs, ils le rapprochent du meilleur Rafael Nadal. Tous deux, bien qu’ils s’expriment différemment, sont des combattants exceptionnels qui savent s’énerver lorsque la situation sur le terrain semble présenter des énigmes insolubles, tout en gardant un sang-froid qui leur permet de ne pas gaspiller d’énergie nerveuse inutile. Si l’on concentre cependant notre attention sur un aspect plus purement technique, il n’est pas difficile d’identifier un lancer de Novak Djokovic dans la glissade vers la gauche pour frapper le revers à deux mains avec une extension maximale. De plus, le Serbe a la capacité de lire à l’avance le service adverse, de manière à préparer dans la plupart des cas une réponse qui mettra le serveur en difficulté : ce sont sans aucun doute les meilleurs interprètes de ce fondamental sur le circuit. Lorsque Jannik a fait ses premiers pas, beaucoup ont identifié une ressemblance avec Murray dans sa propension constante à pousser depuis la ligne de fond, le ballon accélérant et allant plus vite à chaque échange. Sinner, cependant, tire plus fort que l’Écossais et fait preuve d’une attitude plus agressive dans les rebonds. Au contraire, comme cela est arrivé à Sir Andy, il faut apprécier le choix de casser occasionnellement le rythme en utilisant le ballon court, une arme que Jannik perfectionne et pour laquelle il montre une confiance accrue à chaque tournoi. Mais Sinner n’est pas qu’un concentré de qualités techniques : avec son attitude toujours mesurée, ses déclarations jamais déplacées, son empathie envers les autres, il a acquis une sorte de passeport émotionnel universel qui le rend apprécié sous toutes les latitudes. Il est le champion du peuple, et en ce sens, nous pouvons voir en lui un peu de Roger Federer et de son charme exceptionnel sur et en dehors du terrain. La finale de l’US Open l’a d’ailleurs démontré : on s’attendait à ce que les plus de 23 000 spectateurs d’Arthur Ashe lui réservent un accueil plutôt froid, étant donné qu’il affrontait un joueur local, et au lieu de cela, elle s’est jouée pratiquement sur un terrain neutre. Parce que le public, quel que soit le pays, respecte Jannik pour son statut de numéro un, mais surtout parce qu’il voit en lui l’incarnation des valeurs positives qu’un champion doit toujours véhiculer.



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