Berlin rend hommage aux éditeurs juifs


Par Oliver Ohmann

Lorsqu’Erich Reiss meurt à New York en 1951, tout lui est enlevé, à l’exception de son amour pour sa ville natale de Berlin et pour la littérature.

Depuis jeudi, une plaque commémorative située dans la Wichmannstrasse 9 (Tiergarten) rend hommage à un éditeur littéraire juif exceptionnel. “C’est un morceau de la mosaïque qui permet de garder une personne vivante dans la mémoire”, a souligné la secrétaire d’État à la Culture Sarah Wedl-Wilson lors de l’inauguration.

C’est ici que se trouvait autrefois la maison de ses parents, où Erich Caesar Reiss est né en 1887. L’éditeur berlinois Dieter Beuermann (85 ans) a décrit les étapes de la vie d’une âme sœur. «À l’âge de 21 ans, Reiss fonde sa maison d’édition littéraire au Kaiserdamm 26 et publie 26 titres la première année.»

Un peu plus tard, la maison d’édition déménage dans la maison de ses parents à Tiergarten. Reiss publie des classiques dans des éditions bon marché, des revues comme la Schaubühne et surtout des œuvres de jeunes écrivains modernes.

Le biographe de Reiss Peter Kröger, la secrétaire d’État Sarah Wedl-Wilson, l’éditeur Dieter Beuermann et le patron de Gasag Georg Friedrichs (de gauche à droite) ont dévoilé la plaque à Wichmannstraße 9. Photo : Ralf Günther

Parmi les auteurs d’Erich Reiss Verlag figuraient Egon Erwin Kisch et André Gide, Ernst Toller et Klabund. Reiss entretenait une relation privilégiée avec Gottfried Benn, dont il publia l’édition complète et qui entretenait une amitié malgré les déclarations antisémites de Benn.

Après l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes en 1933, Reiss ne publia que des ouvrages d’écrivains juifs ; nombre de ses livres finirent dans les flammes lorsqu’ils furent brûlés. La maison d’édition fut confisquée en 1937 et Reiss lui-même fut déporté au camp de concentration de Sachsenhausen le 10 novembre 1938. Grâce à la médiation du roi suédois Gustav V et de la lauréate du prix Nobel Selma Lagerlöff, il a été libéré après plusieurs semaines de prison et a pu émigrer vers un pays sûr à l’étranger.

«Reiss a épousé la photographe Lotte Jacobi, qui a émigré en 1935», rapporte Dieter Beuermann. « Ils vécurent dans des conditions très modestes à New York jusqu’à sa mort en 1951. Reiss n’a jamais été heureux en Amérique parce que son pays lui manquait, qu’il a dû quitter car sinon il aurait été assassiné. Alors que nous dévoilons sa plaque, nous ne devons pas oublier la situation actuelle dans laquelle Israël a besoin de notre entière solidarité.



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