Berlin devrait-il également perdre l’autel de Pergame et Néfertiti ?


Par Gunnar Schupelius

Une opinion radicale prévaut, selon laquelle les trésors d’art des musées de Berlin devraient être restitués à leur pays d’origine. Mais ce n’est pas si simple, car beaucoup d’entre eux ont été acquis légalement et font partie de la culture berlinoise depuis plus de 100 ans, explique Gunnar Schupelius.

Un vieux débat reprend un nouvel élan : peu avant la fin de l’année, la secrétaire d’État berlinoise à la Diversité et à la Lutte contre les discriminations, Saraya Gomis, a demandé que le buste de Néfertiti et l’autel de Pergame soient retirés des musées de la capitale. Les trésors d’art devraient être donnés immédiatement à l’Egypte et à la Turquie.

De telles demandes existent depuis longtemps, mais après le voyage effectif du ministre des Affaires étrangères Baerbock (les Verts) au Nigeria en décembre, elles ont pris beaucoup plus de poids.

Baerbock a personnellement remis les soi-disant « Bronzes du Bénin », qui étaient exposés à Berlin depuis plus de 100 ans. D’un grand geste, elle a qualifié la remise de « compensation pour les crimes coloniaux ».

Les trésors d’art des musées de Berlin sont désormais tous sous le soupçon du gouvernement général, pour ainsi dire, d’avoir été acquis illégalement. De là découle la demande qu’ils doivent être rendus. La secrétaire d’État Saraya Gomis saute dans ce train en marche.

Dans le cas de Néfertiti (Nouveau Musée) et de l’Autel de Pergame (Musée de Pergame), la question est en fait claire. Ils ont été fouillés par des ingénieurs allemands et amenés en Allemagne en accord avec le gouvernement de l’Empire ottoman et les autorités égyptiennes.

Les visiteurs se tiennent devant le buste de Néfertiti dans le nouveau musée Photo : picture alliance/dpa/dpa-Zentral

Il y avait des contrats pour cela, dit la Fondation du patrimoine culturel prussien. Incidemment, le mécène berlinois Henri James Simon (1851-1932) acquit le buste de Néfertiti et en fit don à la ville de Berlin en 1920. La « James-Simon-Galerie » du Neues Museum porte donc son nom.

Mais bien sûr, on peut aussi remettre en question les traités de l’époque avec les souverains de l’Empire ottoman ou avec l’Égypte, qui était sous domination britannique.

On peut dire que les trésors d’art appartiennent essentiellement là où ils ont été créés et trouvés. Le secrétaire d’État Gomis, qui est d’avis que tous les objets des musées berlinois devraient être restitués à leur pays d’origine, le revendique également.

Cette vision radicale des choses prévaut. A-t-elle la bonne vue ? Peut-être, mais que deviendra alors le Musée de Pergame, par exemple ? Ce musée le plus célèbre de Berlin a été rénové, reconstruit et agrandi depuis 2013. Les travaux de construction dureront jusqu’en 2031 et coûteront au moins 800 millions d’euros.

A quoi ça sert tout ça ? Peut-il y avoir un musée de Pergame sans autel de Pergame ? L’île aux musées de Berlin peut-elle exister sans le musée de Pergame ? Et que serait Berlin sans l’île aux musées ?

On dit que les trésors d’art doivent revenir afin que les pays d’origine puissent conserver leur identité et leur tradition. Mais les musées de Berlin et l’Île aux Musées ne font-ils pas aussi partie de l’identité et de la tradition de cette ville et de ses habitants ?

Ces questions vont beaucoup plus loin que Mme Gomis aurait pu le penser dans son zèle.

Gunnar Schupelius a-t-il raison ? Appelez le : 030/2591 73153 ou envoyez un e-mail à : gunnar.schupelius@axelspringer.de



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