« Beaucoup de gens ne se rendent pas compte que le climat devient de plus en plus hostile aux homosexuels » : Pride attire plus de 100.000 personnes à Bruxelles


Sous la devise « protéger la manifestation », plus de 100 000 personnes ont traversé la capitale pour la Pride samedi. Bien que les tenues colorées et la bande originale de l’Eurovision puissent donner l’impression que le défilé est principalement une grande fête, selon les personnes présentes, il y a plus en jeu. « Cela reste une action de résistance. »

Paul Noteteirs

Les participants au défilé des fiertés se dirigent dans la même direction samedi après-midi, mais les motifs de leur présence fusent dans tous les sens. Sur le Mont des Arts bondé de Bruxelles, des hommes en crop top posent pour des photos avec les participants de la série télé-réalité Glisserles militants portent des pancartes de protestation critiquant la politique de Vladimir Poutine, et les romantiques, quant à eux, glissent en toute confiance sur les applications de rencontres pour rencontrer des personnes partageant les mêmes idées.

C’est un gâchis festif, même si pour Miguel Coucke (31 ans), c’est justement ce qui rend Pride si attrayant. Il vient au grand événement pour les minorités sexuelles et de genre depuis des années, mais c’est un peu gênant de lui poser des questions sur ses expériences passées. Comme il ne porte qu’un slip scintillant et une grande couronne, il est constamment approché par des passants qui veulent le complimenter sur sa tenue. « Nous nous approprions l’espace et montrons qui nous sommes », dit-il. « Je tire beaucoup d’espoir de la connexion qui prévaut ici. »

Fierté belgeFigurine Dieter Nijs

« Protégez la manifestation »

Dans les festivités bruxelloises, les personnes queer dansent avec leurs alliés, même si beaucoup indiquent qu’il n’y a pas d’insouciance. Le thème de la Pride de cette année est « protéger la manifestation ». Les organisateurs veulent encourager le gouvernement à donner aux militants (internationaux) et à la société civile suffisamment de temps et de ressources pour manifester. Un rapport récent de l’organisation de défense des droits ILGA-Europe indique que la Belgique possède l’une des législations les plus progressistes sur les droits LGBTQ+ en Europe, mais cela ne signifie pas que les minorités peuvent se reposer sur leurs lauriers.

« Beaucoup de gens ne se rendent pas compte que le climat devient de plus en plus hostile aux personnes queer », déclare Katrijn Beelaert (42 ans) avant le début du défilé. Elle ne fonde pas cette déclaration sur l’intuition. Selon Ilga-Europe, 2022 a été l’année la plus violente pour les minorités sexuelles et de genre depuis plus d’une décennie. Le problème prend également de l’ampleur en Belgique. En 2022, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances Unia a traité 54 dossiers concernant des crimes de haine contre des personnes LGBTQ+, et près de la moitié (44 %) des cas concernaient des violences physiques. C’est le pourcentage le plus élevé depuis 2018.

Action de résistance

L’inquiétude suscitée par l’augmentation de la violence unit le groupe diversifié de participants à la Pride. « Cela reste une action de résistance », déclare Ellen Raspoet (40 ans) tandis que le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) prononce un discours sur l’inclusivité sur la scène du festival. Outre le risque d’agression physique, de nombreux participants souhaitent donc également prendre position contre la rhétorique anti-LGBTQ+ des politiciens réactionnaires. En Belgique, ces sentiments sont exprimés le plus fortement par le Vlaams Belang, où le président Tom Van Grieken veut s’opposer au soi-disant « endoctrinement transgenre ».

L’idée que le parti contribuerait à façonner la politique des minorités après les élections de l’année prochaine a effrayé plusieurs personnes présentes. C’est pourquoi l’étudiante Fiona Hindle (20 ans) ne pense pas que ce soit un problème que les partis gouvernementaux participent également à la marche de protestation festive. « Une déclaration publique de soutien est en effet précieuse », dit-elle. Elle a plus de mal avec la participation des sociétés commerciales. « Être soi-même a soudainement un prix avec de tels joueurs. Acheter personnellement des produits arc-en-ciel ne me donne pas un bon sentiment.

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), entre autres, était présent à la Pride.  Figurine Thomas Nolf

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), entre autres, était présent à la Pride.Figurine Thomas Nolf

Les avis sont partagés sur la manière de traiter avec les décideurs politiques ou les acteurs commerciaux, mais ces différences ne font pas obstacle au sentiment d’unité chez Pride. La discussion sur l’existence possible de la communauté LGBTQ+ que les faiseurs d’opinion ont eu ces derniers jours n’a pas encore atteint la capitale. Aucune des personnes présentes ne pense que les personnes queer forment ensemble un bloc uniforme dans lequel règne une pensée unique, mais s’approchent d’un passant et des déclarations s’ensuivent bientôt sur le fait qu’il est agréable de former une majorité de minorités pendant la Pride. Les personnes non binaires n’ont pas à expliquer l’utilisation de pronoms neutres, les drag queens peuvent être elles-mêmes sans limites.

En plus d’une marche de protestation, la Pride est donc un lieu pour beaucoup d’être reconnu et reconnu. « Si ta mère ne t’accepte pas, laisse-moi être ta mère », lit-on sur la pancarte de protestation du groupe d’amis auquel appartiennent Lucile (17 ans) et Phen (20 ans). Les jeunes ne se sont rencontrés qu’il y a quelques heures, mais se comprennent déjà très bien. Les deux sont asexués et aromantiques, ce que les autres personnes queer ne comprennent pas toujours. « Tout le monde dit que l’amour romantique rend humain, c’est pourquoi j’ai parfois l’impression de ne pas être humaine pour les autres », explique Lucile. « Quand j’ai fait mon coming-out à mes parents, ils ont dit que les personnes aromantiques et asexuées n’existaient pas », ajoute Phen. Pendant la Pride, ils veulent plaider pour la reconnaissance, mais sinon ils n’ont pas de grands projets pour le défilé. « Nous nous sommes déjà trouvés et nous nous sommes écoutés. En fait, la journée ne peut pas mal tourner maintenant. »

Figurine de fierté belge Dieter Nijs

Fierté belgeFigurine Dieter Nijs

Figurine de fierté Thomas Nolf

FiertéFigurine Thomas Nolf

Figurine de fierté belge Dieter Nijs

Fierté belgeFigurine Dieter Nijs



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