« Avec certains de ces magasins, il faut se demander s’ils peuvent encore être sauvés » : quel avenir pour les nouveaux Delhaizes indépendants ?


Environ 9.000 collaborateurs de Delhaize travailleront bientôt pour de nouveaux opérateurs indépendants. Qu’est-ce que cela signifiera pour eux? Ils risquent d’être confrontés à de nouveaux collègues qui travaillent plus longtemps, travaillent plus souvent le week-end et coûtent moins cher au patron.

Jean Lelong

Quelle est la situation chez Delhaize aujourd’hui ?

Mercredi, environ 100 des 128 supermarchés Delhaize en gestion propre restaient fermés. La plupart des magasins Delhaize ont spontanément fermé leurs portes après que la direction eut annoncé à un comité d’entreprise qu’elle souhaitait convertir tous les magasins Delhaize encore sous gestion propre en magasins indépendants. Maintenant que des dizaines de magasins sont fermés, la chaîne de magasins rend temporairement la livraison à domicile gratuite.

Un nouveau comité d’entreprise est prévu la semaine prochaine pour répondre aux questions des partenaires sociaux. Et il y en a pas mal. « Nous ne nous arrêterons pas là », déclare Kristel Van Damme, coordinatrice de la vente au détail chez ACV Puls. « Nous voulons savoir de la direction si elle a des alternatives disponibles. »

Pourquoi Delhaize va-t-il faire gérer ses magasins de manière indépendante ?

Comme d’autres chaînes de supermarchés, Delhaize souffre de prix d’achat élevés et d’une hausse des coûts salariaux. Delhaize était agité depuis des semaines, notamment parce que la maison mère Ahold Delhaize avait annoncé en février qu’elle voulait économiser un milliard d’euros cette année.

En outre, la chaîne de supermarchés a établi depuis un certain temps que les 636 magasins indépendants affiliés (AD Delhaize, Proxy Delhaize et Shop & Go) ont gagné des parts de marché, tandis que les 128 supermarchés en gestion propre ont diminué. C’est pourquoi le siège social a décidé de laisser également ces magasins à des opérateurs indépendants. « En choisissant ce modèle, nous voulons nous assurer que les magasins peuvent travailler de manière plus flexible et mieux répondre aux besoins locaux », déclare Roel Dekelver, porte-parole de Delhaize.

Qu’est-ce que cela signifie pour le personnel ?

Delhaize ne parle que d’une « réduction progressive du nombre de postes » au siège. Selon la chaîne de magasins, les employés des magasins conserveront leur emploi et leurs conditions de travail et salariales actuelles. Il est donc légalement établi qu’un nouvel acquéreur doit respecter les contrats existants des salariés. Cependant, les syndicats craignent que cela ne se produise différemment dans la pratique.

« Nous l’avons vu récemment avec la reprise d’une succursale Metro par le grossiste en restauration Van Zon », explique Kristel Van Damme. «La semaine dernière, les employés là-bas ont été soudainement invités à signer un nouvel accord à des conditions moins bonnes. Et puis vous devez soudainement négocier avec la direction en tant qu’employé individuel.

Et selon Van Damme, il y a encore beaucoup de différences. « Si les salariés demandent un crédit-temps, leur indemnité est remboursée par la caisse sectorielle. Que ces personnes reçoivent la même allocation si elles se retrouvent dans un autre comité paritaire, j’ai des doutes là-dessus.

La question est principalement de savoir comment la situation va évoluer pour le personnel des magasins qui font de mauvais chiffres. « S’il s’avère que ces magasins ont des coûts salariaux élevés parce qu’ils ont de nombreux employés qui sont avec eux depuis 30 ans, il y a de fortes chances que des licenciements suivent », déclare l’expert du commerce de détail Gino Van Ossel (Vlerick).

Aujourd’hui encore, il existe de nettes différences entre les Delhaizes indépendants et les magasins sous sa propre direction. Dans les commerces indépendants, la semaine de travail est de 36,5 heures (contre 35) et les gens travaillent souvent le dimanche et les jours fériés. Le personnel est moins bien payé, mais peut travailler de manière plus flexible. Alors que les conditions d’emploi devraient en principe rester les mêmes pour les salariés actuels, les magasins indépendants peuvent désormais recruter de nouveaux travailleurs avec des conditions d’emploi différentes, réduisant ainsi leurs coûts salariaux.

Avenue Anspach à Bruxelles.Image Eric de Mildt

Cela donnera-t-il des idées à d’autres enseignes ?

Selon la fédération professionnelle Comeos, la décision de Delhaize n’est que logique. « Il faut faire quelque chose pour concurrencer des plateformes comme Hello Fresh et l’arrivée de supermarchés étrangers », estime le PDG Dominique Michel. « Travailler avec des employés plus flexibles, qui peuvent remplir plusieurs rôles, comme tenir la caisse et remplir les rayons, n’est toujours pas possible dans les supermarchés gérés en propre. Si nous voulons que les emplois soient sécurisés, il faut que quelque chose change.

D’autres chaînes ont déjà fait cette analyse. Carrefour externalise à la fois la distribution et la gestion de nombreux magasins.Chez Colruyt Group, les magasins indépendants prennent également une part croissante dans l’assortiment. « Ce n’est que chez les discounters Lidl et Aldi que je ne vois pas cela se produire tout de suite. Ils ont vraiment besoin d’une approche standardisée », déclare Van Ossel.

Est-il possible de trouver 128 nouveaux opérateurs ?

« Nous sommes convaincus que nous trouverons un nouvel acheteur pour chaque succursale », déclare Dekelver. Les experts du commerce de détail en sont moins convaincus, surtout compte tenu du paysage très concurrentiel des supermarchés dans notre pays. Pour certains commerces, les mauvais chiffres sont dus au contexte économique actuel, mais il y a aussi des commerces en déclin depuis des années.

« Dans certains de ces magasins, vous devez vous demander s’ils peuvent encore être sauvés », explique Van Ossel. « Je pense donc qu’il y a de fortes chances que certaines boutiques disparaissent. Nous avons tout simplement trop de supermarchés dans notre pays.



ttn-fr-31