cest-ce un antidote aux mauvaises impressions ? Je pense que non. Mais chacun de nous a un moyen d’archiver ceux qui ont été faits et de les oublier. Presque. Oui, car de temps en temps le souvenir refait surface et nous fait rougir. Jusqu’à présent, ma méthode a été de parler de l’embarras au plus grand nombre de personnes possible, comme si le fardeau de l’embarras pouvait ainsi être réparti entre tous.
Pendant des années, par exemple, j’ai raconté (et raconte encore) une gaffe sensationnelle qui aurait pu anéantir mes grands espoirs de faire ce travail. J’étais jeune et en stage dans un journal.
Maintenant, être une fille dans un milieu de travail à prédominance masculine est un peu une épée à double tranchant. Ou du moins c’était il y a 30 ans, quand les femmes étaient vraiment peu nombreuses. Bref, il fallait faire attention à son comportement pour éviter les malentendussi vous ne les vouliez pas.
Et voilà, l’un des patrons dont dépendait mon destin futur, est tombé à la rédaction pour un discours d’adieu. Je l’écoute. Je suis silencieuse. J’acquiesce. S’en aller. Un collègue d’une autre équipe éditoriale, qui m’a taquiné parce qu’il pensait que j’avais un faible pour mon patronil me demande dans un mail interne comment ça s’est passé.
Je réponds en jouant le jeu et en faisant une appréciation virginale sur les yeux du patron. C’est un instant. Le doigt appuie sur « enter » et le message que vous comprenez par vous-même où il se trouve. Il a fallu ma longue carrière d’acteur amateur pour me calmer quand j’ai eu la réponse : une convocation immédiate du patron.
Et il m’a fallu tout le culot de mes jeunes années pour prétendre que c’était quelqu’un d’autre qui s’était emparé de mon clavier et avait envoyé ce message. J’ai été pardonné. Et à ce jour, je me demande ce qui se serait passé si j’avais reconnu ma culpabilité.
Aujourd’hui pour archiver la mauvaise impression je compte le faire en dormant dessus. Ce qui est incroyable, c’est que ça marche. Et je me demande si c’est l’âge qui, en raccourcissant la mémoire à court terme, nous aide. Ou si c’est la vitesse à laquelle nous vivons qui efface notre mémoire du jour au lendemain.
Et si tout cela, à terme, nous empêchait de sentir que la limite a été dépassée ? La honte est-elle un sentiment que nous cessons progressivement de ressentir ? Et à quel prix pour tout le monde ?
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