Au restaurant gantois KAROOT, vous déterminez le prix d’un plat du jour

Un repas chaud pour tout le monde, cela ressemble à un rêve. Mais grâce à KAROOT dans le Brugse Poort, tout le monde peut manger au restaurant. « Je veux rassembler les gens et leur montrer qu’une alimentation décente ne doit pas être un produit de luxe. »

Michel Martin23 avril 202203:00

Vous avez beaucoup d’endroits ici où les gens se réunissent, mais il y a peu d’endroits où tout le monde se réunit. Wiepke Boogaerts (29 ans) rend tout le quartier compréhensible avec une phrase simple et claire. De Brugse Poort est une tablette effervescente éblouissante pour les anciens et les nouveaux habitants, les doubles revenus aisés – souvent avec un petit jardin à l’avant – et les familles vivant dans le dénuement – ​​souvent issues de l’immigration. Un « quartier double » comme on l’appelle. Il est rare que les deux groupes bouillonnent à l’unisson lorsqu’il s’agit de vivre ensemble.

De la terrasse du KAROOT – vieux d’une bonne semaine – on vous sert cette dualité en face de vous sous la forme d’une artère de circulation qui coupe le quartier en deux, remplie de cyclomoteurs bruyants, de vélos cargo électriques et de toutes les langues du monde. Vous êtes également assuré d’un repas chaud ici. Assez de mauvaises herbes, vous pouvez penser, dans un restaurant. Mais, dit Boogaerts, l’un des fondateurs : « Vraiment, quiconque entre ici peut obtenir un repas chaud. »

Compte bricolage

Elle nous tend le papier plié rouge, un dossier contenant le cœur de son métier : le plat du jour et combien vous le payez. On y voit une ligne pointillée et un signe euro, à remplir soi-même en toute discrétion et à remettre au barreau sans aucune forme de justification. Une liste transparente est également incluse : à partir de 16 euros la solidarité démarre, 8 euros couvrent les frais fixes et 2 euros les ingrédients. 0 euros ? « Nourriture savoureuse et toujours bienvenue ! », lit-on dans le magazine.

« Beaucoup de gens dans ce quartier n’ont pas un accès structurel à un repas sain », explique Boogaerts. Lors du premier confinement, lorsqu’elle s’est retrouvée au chômage comme tant d’autres dans le secteur de la restauration, elle a commencé à préparer des repas gratuits pour la brocante locale et a vu ce qui se cache derrière les photos de boîtes à lunch vides dans les écoles de Gand. Des familles qui survivent aussi à la maison avec deux sandwichs par jour et ne mangent rien le soir, dit-elle. « Il y a des restaurants sociaux, mais il reste aussi une barrière financière. Manger à cinq coûte tout de même 15 euros. Tu ne peux pas faire ça sept fois par semaine. »

KAROOT essaie de déplacer une pierre. Ici, vous n’avez pas à prouver que vous avez droit à une allocation majorée, vous pouvez dîner comme quelqu’un d’autre et même votre propre groupe de restauration n’a pas à savoir combien vous payez finalement. C’est une forme de gentrification qui ne repousse pas la pauvreté, mais l’embrasse. « Je veux rassembler ces groupes de personnes », déclare Boogaerts. « Et montrez-leur que la nourriture décente ne doit pas être un produit de luxe. »

Je dois avouer que je suis un peu sceptique au préalable. KAROOT coche toutes les cases. Une offre à dominante végétale ? Chèque. Des ingrédients locaux et de saison ? Chèque. Des serviettes réutilisables ? Chèque. Un nom qui aurait pu sortir tout droit d’un mème Dansaertmatten ? Chèque. Il n’y a rien de mal à cela, bien au contraire. Mais quand je colorie intuitivement les chaises vides, je peins une nature morte de hipsters et de chaussettes en laine de chèvre.

Habituellement 16, parfois 0 euros

« La plupart des gens ont payé 16 euros ce soir », nous dit le serveur. « Une poignée de personnes ont aussi donné 2 ou 4 euros. » Ces derniers jours ont même parfois dépassé le 0 en bilan. Une partie de moi veut savoir qui sont ces personnes, essayant d’allouer un montant en fonction de l’apparence, de la langue ou des manières à table. Mais cela n’a pas d’importance.

Benoit, un habitant du quartier qui vient de terminer la lasagne poireaux-épinards, déclare : « Je trouve que c’est très audacieux et beau, mais je me demande : et si tout à coup un grand groupe décide soudainement de ne donner qu’1 euro ? A travers des plats à la carte et une carte des boissons – des prix fixes – on essaie naturellement d’instaurer une certaine sécurité, mais Ayman, le fils de Benoit, paye aussi la note : « Si vous gagnez trop peu, ce sera vite fait.

Nyira, leur compagne de table, est plus confiante : « Je crois que les gens sont naturellement peu abusés quand on leur laisse autant de liberté. » Le temps nous le dira. Mais j’espère que Nyira a raison.



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