Après des années de ridicule, d’autres pays commencent désormais à s’intéresser à ce « modèle belge ».

Bart Eeckhout est le principal commentateur de Le matin.

Bart Eeckhout

Parfois, la partie la plus intéressante d’un rapport est ce qui n’y figure pas. Prenons, par exemple, l’analyse annuelle que le Fonds monétaire international (FMI) fait sur l’économie belge. Au cours des années précédentes, il n’était pas nécessaire d’être aveugle pour prédire ce que recommanderait le FMI. L’indexation automatique des salaires devait être « réformée », un mot managérial poli pour « mettre le couperet dessus ». Les autres stabilisateurs automatiques en temps de crise ont également toujours été abordés avec scepticisme.

Cette année, le ton est un peu différent. « Soutenue par des réponses politiques fortes et opportunes, l’économie belge s’est montrée capable de résister avec résilience à une série de chocs au cours des trois dernières années », admettent les rapporteurs du FMI. C’est aussi un langage de gestion poli, même s’il faut admettre que la politique détestée par les institutions internationales depuis des années semble en réalité efficace pour protéger la population contre un désastre économique.

Il y a beaucoup à critiquer à l’égard du travail du gouvernement fédéral, mais la conclusion selon laquelle aucun autre État n’a réussi à sauvegarder le pouvoir d’achat de ses citoyens aussi efficacement que le Belge n’est pas une mince affaire. L’indexation automatique des salaires a toujours été une mesure critiquée uniquement par les analystes bien payés, mais particulièrement appréciée par les salariés qui ont besoin d’argent supplémentaire. Après des années de ridicule, d’autres pays commencent désormais à s’intéresser à ce « modèle belge », sous la pression d’une rue bruyante et pauvre.

Et bien sûr, ce n’est que la moitié de l’histoire. Le FMI souligne à juste titre les risques futurs qui se rapprochent à grands pas : « Les finances publiques sont mises sous pression par le vieillissement de la population et la transition climatique, tandis que la faible productivité et la faible participation au marché du travail freinent la croissance potentielle. » L’analyse est connue et de plus en plus urgente : la Belgique ne peut pas continuer à accumuler des déficits et à accroître sa dette si elle veut continuer à payer certains coûts futurs dus au vieillissement et au changement climatique.

Il est indéniable que le gouvernement De Croo aurait dû ou aurait pu faire davantage pour que l’économie nationale soit mieux préparée à ces chocs. Ce n’est pas seulement la gestion des crises qui fait obstacle à l’accomplissement de cette obligation, mais aussi le manque de cohérence et de conviction quant à la gravité de la question. La responsabilité est partagée : le précédent gouvernement de centre-droit a laissé une bombe à retardement dans le budget avec une réduction d’impôts non financée, la coalition actuelle n’a même pas tenté de démanteler cette bombe.

Le prochain gouvernement n’aura pas ce luxe. Il est déjà clair que la tâche la plus importante sera d’assainir les finances de l’État. Il ne s’agit pas nécessairement d’une histoire d’épargne unilatérale. Les projets de réforme des retraites et de la fiscalité montrent que le changement peut aussi être juste et socialement responsable.

Qui plus est, il devrait même être possible d’obtenir le soutien des électeurs à l’avance avec un programme aussi honnête et simple, au milieu de toute la politique du spectacle. Qui ose?



ttn-fr-31