Que sait-on déjà du taux de participation ?
« Avant midi, la participation était légèrement inférieure à celle des élections précédentes, il y a cinq ans. Dans les zones urbaines, quelque 63% des électeurs éligibles avaient voté à 17 heures, soit près de 2 points de pourcentage de moins qu’à midi au second tour en 2017 (28,23%). Même alors, Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont affrontés. Cette participation plus faible était également attendue et correspond à la participation au premier tour, qui a également montré un creux.
« On pourrait dire que la faible participation est un fait politique en soi. Une grande partie des Français s’est détournée de la politique. Cette tendance s’est intensifiée sous la présidence de Macron. Cela se traduit par un vote plus large pour les candidats radicaux, comme Le Pen, mais aussi au premier tour pour le populiste de gauche Jean-Luc Mélenchon, qui a terminé juste derrière Le Pen. Mais elle se manifeste aussi par une plus grande absence. Le Monde a calculé que dans certains départements français, 75 à 80 % des électeurs se détournaient d’une manière ou d’une autre de la politique « classique ». Celui qui gagnera doit garder à l’esprit qu’il ne détiendra un mandat que d’environ un tiers des électeurs français.
Comment se portent les deux candidats en ce début de journée électorale ?
Le président sortant Macron est entré dans la journée cruciale avec une petite mais significative avance dans les sondages : 56 à 44 %. Cette avance avait quelque peu augmenté la semaine dernière, même après le débat télévisé très discuté entre les deux candidats. L’écart semble rassurant, mais il vaut mieux croiser les doigts. La comparaison avec la course présidentielle américaine entre Hillary Clinton et Donald Trump se profile. Clinton est également entrée le jour des élections avec des sondages encourageants et une appréciation pour sa bonne performance dans les débats télévisés. Pourtant, les choses allaient toujours mal pour elle. En France aussi il y a encore des inconnues. Combien pèse le dégoût pour le président sortant ? L’aversion ou la peur pour l’alternative de droite radicale est-elle plus ou moins grande ? Que font les électeurs de Mélenchon ?
« Donc Le Pen est l’outsider, mais elle regarde toujours les résultats des urnes avec une certaine tranquillité d’esprit. À l’heure actuelle, elle améliorera considérablement son score de 2017. En 2002, le ratio entre le vainqueur Jacques Chirac et le challenger Jean-Marie Le Pen (père de Marine) était encore de 82-18, en 2017 Macron a gagné 66 à 34 pour Marine Le Pen. Elle améliorera donc ce résultat. Même si elle perd ce soir, Le Pen fera de son parti un élément important et durable de la politique française. Cela pourrait également être important pour les élections législatives qui suivront le 12 juin. Cette «troisième tournée» détermine si Macron remporte également la majorité à la Chambre ou s’il doit coopérer avec un concurrent dans la «cohabitation». Mélenchon a déjà dit qu’il briguait le poste de premier ministre.
Quand en saurons-nous plus ?
«Les sondages à la sortie des urnes ne sont émis qu’à 20 heures, lorsque les derniers bureaux de vote dans les grandes villes ferment. Avant, c’était illégal en France. Les médias francophones en Belgique ne sont pas tenus d’adhérer à ce code. Ils publieront des estimations plus tôt. Attention : au premier tour, ces premiers sondages « belges » prévoyaient une course au coude à coude entre Macron et Le Pen, alors qu’au final il y avait encore un écart entre eux.
« Il y a déjà des premiers résultats, des DOM-TOM et des Français de l’étranger. Il y a encore peu de choses à faire. Ce qui est remarquable, c’est que Le Pen semble s’être bien mieux comporté dans ces régions d’outre-mer qu’il y a cinq ans, du moins selon les premiers résultats incomplets. Remarquez que ces votes représentent peu dans le grand total. Macron a gagné de manière convaincante parmi les expatriés, ce qui n’est pas si surprenant compte tenu de leur profil.
Et si Marine Le Pen gagnait ?
« Ce serait un choc, il faut dire les choses telles qu’elles sont. Non pas tant parce que personne ne s’y attend, mais parce que les choix politiques qu’elle véhicule sont en totale contradiction avec la politique française et européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui. En fin de compte, vous vous retrouvez avec un deuxième type de Trump au centre de la politique mondiale, et cette fois aussi au cœur de la politique européenne. Pour la France elle-même, l’impact serait immense. Le Pen prône, entre autres, une politique prioritaire pour les Français sur le marché du travail, une sortie du marché européen de l’énergie, une politique économique patriotique qui approvisionne en priorité le marché intérieur et l’interdiction du foulard dans l’espace public.
« Mais le choc serait aussi grand pour la politique européenne. L’axe classique France-Allemagne s’arrêterait. Au contraire, il y aurait une voix eurosceptique dans le cockpit européen, qui bloquerait probablement autant de politiques que possible. Cela pourrait créer un axe France-Hongrie sceptique qui bloque tout. Cela pourrait rapidement affecter la politique russe de l’UE. Le Pen a peut-être exprimé sa sympathie pour les Ukrainiens assiégés, mais jusqu’à avant la guerre, elle était une alliée très franche de Vladimir Poutine, qui veut retirer l’armée française du commandement central de l’OTAN. Vous pouvez vous attendre à ce que Le Pen oppose son veto à toute sanction supplémentaire contre la Russie.
Les élections auront-elles un impact sur notre pays ?
« Si Le Pen gagne, les relations entre la France et la Belgique deviendront également beaucoup plus difficiles. Cela pourrait être un coup de pouce pour un parti comme le VB, si Le Pen prouve qu’il est possible que la droite radicale arrive au pouvoir. Mais nous ne sommes pas si loin. Si Macron gagne, l’impact sur notre pays sera limité.
« Vous voyez des escarmouches entre les partis francophones. Le président du MR Georges-Louis Bouchez est accusé par ses adversaires d’avoir débattu de Terzake avec le chef du parti VB Tom Van Grieken, ce qui contredit le « cordon médiatique » contre l’extrême droite scrupuleusement suivi en Belgique francophone. Le chef du PTB, Raoul Hedebouw, a également été critiqué pour avoir refusé de dire que les Français devraient voter pour Macron au second tour. Cette sensibilité francophone à ce qui se passe à Paris est un phénomène culturel particulier. La Wallonie est culturellement très tournée vers ses voisins du sud. Qu’un programme de TF1 soit en tête des audiences n’est pas rare en Belgique francophone. En Flandre, nous ne connaissons pas cet attachement aux Pays-Bas, par exemple.»