APERÇU. Comment les alliés les plus proches de Poutine voient-ils la guerre en Ukraine ?


La condamnation de l’invasion russe de l’Ukraine retentit haut et fort du monde occidental. Mais que disent les pays qui soutiennent traditionnellement Moscou ? Poutine peut-il encore compter sur le soutien et la compréhension de, par exemple, la Chine, la Syrie et le Venezuela ? Un aperçu.

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CHINE

Pékin, en principe proche allié de la Russie, s’est engagé dans une équilibre délicat sur le front diplomatique† Vendredi dernier, le pays a refusé d’adopter une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais le pays n’a pas non plus voté contre. Au final, ce n’était qu’une abstention. Pékin dit avoir une « compréhension » des exigences de sécurité « raisonnables » de la Russie vis-à-vis de l’OTAN.

Le président chinois Xi Jinping a eu une conversation téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine à la fin de la semaine dernière au sujet de la guerre en Ukraine. Ensuite, il a semblé que la Chine soutenait une sortie diplomatique du conflit. Xi a évoqué les bouleversements dans l’est de l’Ukraine, qui préoccupent la communauté internationale. Cependant, il n’a pas parlé en termes de guerre ou d’invasion. Le président chinois n’a pas non plus fait mention d’un appel à Moscou pour qu’il dépose les armes.

La Chine doit compromis dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine† Pékin ne veut pas se retourner frontalement contre Moscou, avec qui il partage certaines positions. Par exemple, les deux sont opposés à l’élargissement de l’OTAN. En revanche, Pékin ne veut pas donner l’impression de soutenir une invasion de l’Ukraine.

La Chine accuse les États-Unis et ses alliés occidentaux d’avoir alimenté les tensions autour de l’Ukraine et de la Russie. Le pays s’oppose également aux sanctions imposées par l’Occident à la Russie, notamment l’exclusion de certaines banques russes du système de communication interbancaire SWIFT. Selon le ministère chinois des Affaires étrangères, les sanctions sont illégales et imposées unilatéralement.

Le président chinois Xi Jinping a appelé son homologue russe Vladimir Poutine à la fin de la semaine dernière et a déclaré que le conflit en Ukraine devrait être résolu par des négociations. ©AFP

SYRIE

L’invasion russe de l’Ukraine est une « correction de l’histoire », selon le président syrien Bachar al-Assad. Lors d’une conversation téléphonique avec Poutine, Assad a déclaré que le raid rétablirait l’équilibre mondial des pouvoirs après la chute de l’Union soviétique, selon son bureau.

Le régime d’Assad est un fidèle allié des Russes, qui apportent leur soutien au gouvernement de Damas dans la guerre civile en Syrie. Moscou en a bombardé un grand nombre et affirme y avoir stationné plus de 60 000 soldats.

Assad soutient la position de la Russie selon laquelle il est dans son droit de faire face à l’expansion de l’OTAN. †Les pays occidentaux portent la responsabilité pour le chaos et l’effusion de sang », a déclaré le chef de l’Etat, accusant l’Occident de « sales méthodes de soutien aux terroristes en Syrie et aux nazis en Ukraine ».

Photo d'archive d'une rencontre intime entre le président Poutine et son homologue syrien Bachar al-Assad à Sotchi en 2017.

Photo d’archive d’une rencontre intime entre le président Poutine et son homologue syrien Bachar al-Assad à Sotchi en 2017. © AP

KAZAKHSTAN

Le Kazakhstan, l’un des alliés les plus proches de la Russie, a refusé une demande de rejoindre des troupes dans l’offensive russe en Ukraine. L’ancien État soviétique a également annoncé qu’il ne reconnaissait pas les républiques populaires autoproclamées de Lougansk (LPR) et de Donetsk (DPR).

le Le refus du Kazakhstan est remarquable† Au début de cette année, l’alliance militaire dirigée par la Russie, l’OTSC, a envoyé plus de 2 000 « troupes de maintien de la paix » pour aider le pays d’Asie centrale à réprimer les manifestations qui ont fait plus de 200 morts. Environ 10 000 personnes ont ensuite été arrêtées. Les troupes de l’OTSC ont été retirées à la fin du mois dernier après le retour au calme.

Le président du Kazakhstan, Kassym-Yomart Takayev, a appelé la Russie et l’Ukraine à parvenir à un accord, a rapporté l’agence de presse russe Tass. Le Kazakhstan se dit prêt à agir en tant que médiateur

Président Kassym-Jomart Takayev du Kazakhstan.

Président Kassym-Jomart Takayev du Kazakhstan. ©AFP

SERBIE

La Russie considère les Serbes comme des frères de sang slaves, mais pour le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic, c’est actuellement difficile de naviguer entre Moscou et l’UE

La Serbie mène un délicat exercice d’équilibriste : d’une part, le pays nourrit des aspirations européennes, ce qui la met sous pression pour aligner sa politique étrangère sur celle de l’Union européenne. D’autre part, il y a ses liens religieux, ethniques et politiques séculaires avec la Russie. Pas non plus sans importance : l’État des Balkans importe la quasi-totalité de son gaz via le géant russe de l’énergie Gazprom.

Le leader nationaliste Vucic a mis un jour et demi pour répondre à l’agression russe. Selon l’agence de presse russe Tass, la Serbie soutient l’intégrité territoriale de l’Ukraine, mais « 85 % de la population sera toujours du côté de la Russie, quoi qu’il arrive ».

La Serbie elle-même a été la cible de sanctions pendant les guerres yougoslaves des années 1990 et du début des années 2000. Le pays n’est donc pas favorable aux sanctions internationales actuelles contre Moscou.

Le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic.

Le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic. ©REUTERS

LA TURQUIE

La Turquie est un cas particulier. En tant que membre de l’OTAN, Ankara est proche de l’Ukraine, mais entretient en même temps de nombreuses relations commerciales avec la Russie. Par exemple, la Turquie est très dépendante de la Russie pour son approvisionnement énergétique. Après l’invasion russe jeudi, la Turquie avait appelé la Russie à mettre fin au plus vite à l’intervention « injuste et illégale » en Ukraine. Ankara a décrit le raid comme « une menace pour la sécurité mondiale et régionale ».

Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a également appelé samedi son homologue russe Sergueï Lavrov lors d’une conversation téléphonique à mettre fin à l’opération militaire, a indiqué une source diplomatique turque, qui a souhaité rester anonyme. Cavusoglu aurait dit à Lavrov qu’une nouvelle escalade des tensions militaires ne profiterait à personne.

Le ministre turc a également réitéré que son pays est disponible pour d’éventuelles négociations entre la Fédération de Russie et l’Ukraine. Ankara a précédemment proposé à médiat afin d’éviter un conflit entre Moscou et Kiev.

Le Conseil de l’Europe a décidé vendredi dernier d’exclure la Russie de ses principaux organes. La Turquie s’est à nouveau abstenue pour le dialogue avec Moscou pour rester ouvert.

Ankara a maintenant décidé de ne pas autoriser les navires militaires à Bosphore et les Dardanelles, deux détroits reliant la Méditerranée à la mer Noire. La décision fermera l’accès à la mer Noire aux navires de guerre russes. La mesure est basée sur un traité international sur l’accès à la mer Noire. En vertu du traité de Montreux de 1936, la Turquie contrôle le Bosphore. En temps de guerre ou si la Turquie elle-même est menacée, elle peut refuser le passage des navires de guerre.

Il reste à voir si la décision turque affectera la guerre en Ukraine, car de nombreux navires de guerre russes étaient déjà entrés dans la mer Noire avant que Poutine n’ordonne l’invasion.

Le président russe Poutine et son homologue turc Erdogan se serrent la main.  (Photo d'archive)

Le président russe Poutine et son homologue turc Erdogan se serrent la main. (Photo d’archive) © epa

AUTRES PAYS

L’Iran et la Russie ne sont pas des alliés, mais ensemble, ils maintiennent le régime syrien à flot et partagent un ennemi commun: les États Unis. Lors d’une conversation avec Poutine, le président iranien Ebrahim Raisi s’est montré compréhensif pour les actions de la Russie. Raisi a déclaré à Poutine que l’élargissement de l’OTAN est une « menace sérieuse » et a exprimé son espoir que les développements actuels profiteront « aux nations et à la région ».

En Amérique du Sud, le président vénézuélien Nicolas Maduro a ouvertement exprimé son soutien à Poutine dans le conflit avec l’Ukraine. †Venezuela c’est avec Poutine, c’est avec la Russie », a-t-il déclaré lors d’un discours télévisé lors de la réunion du cabinet mardi. Maduro a rappelé que son prédécesseur et mentor Hugo Chavez avait soutenu la Russie lors de la reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie du Sud en 2008 lors du conflit avec la Géorgie. Il a également dénoncé les actions de l’Otan et des Etats-Unis « tentant d’en finir avec la Russie par des moyens militaires ».

Moscou est l’un des principaux alliés de Maduro, dont la réélection en 2018 n’a pas été reconnue par une partie de la communauté internationale. Les États-Unis ont même voulu le chasser du pouvoir.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro. ©REUTERS

BÉLARUS

La Russie a passé les dernières semaines en Biélorussie des milliers de soldats stationnés, qui ont également envahi l’Ukraine. Il y a aussi missiles russes tiré sur l’Ukraine depuis le pays. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko nie formellement que les troupes biélorusses combattent aux côtés des Russes en Ukraine. En d’autres termes, Poutine obtient plus qu’un soutien franc de la Biélorussie. Le pays a également approuvé une nouvelle constitution lors d’un référendum dimanche qui abolit le statut non nucléaire du pays. Cette décision signifie que la Russie peut placer des armes nucléaires dans le pays.

Dans le même temps, des pourparlers de paix se sont tenus lundi entre des délégations de Moscou et de Kiev sur le territoire biélorusse pour mettre fin au conflit en Ukraine. Ces conversations ont duré environ cinq heures. De nouvelles consultations auront lieu prochainement.

INDE

L’Inde n’a pas encore condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie ni imposé de sanctions, au grand désarroi des États-Unis et d’autres pays occidentaux. L’Inde et la Russie entretiennent des liens étroits depuis l’ère soviétique. Le pays est également étroitement lié à la Russie sur le plan stratégique, car une grande partie de son matériel militaire provient de Russie. Selon le Premier ministre Modi, la priorité du gouvernement est de mettre en sécurité les milliers d’Indiens d’Ukraine, en particulier les étudiants.

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