Alors que le Liban est au bord du gouffre, le monde arabe attend Washington


Débloquez gratuitement la newsletter US Election Countdown

L’écrivain est directeur de la sécurité régionale à l’Institut international d’études stratégiques

La guerre qui couvait depuis octobre 2023 a véritablement commencé. La nouvelle phase de la campagne israélienne contre le Hezbollah, le groupe militant libanais soutenu par l’Iran, a été intense. Les responsables israéliens n’ont pas encore décidé de lancer une opération terrestre, mais certains plaident déjà pour une approche maximaliste qui « détruirait » une organisation qui semble affaiblie et désorientée, bien qu’elle ne soit pas encore brisée.

Malgré une certaine activité diplomatique, il existe un sentiment de futilité et de résignation parmi les États du Moyen-Orient, dont les efforts pour mettre fin à la guerre à Gaza ont été infructueux. Pour les dirigeants arabes, l’endiguement de cette guerre et maintenant du conflit au Liban relève de la responsabilité de l’Occident. Laissons Washington trouver une solution et déterminer ce qui suivra, disent-ils. Après avoir signalé une fois de plus qu’ils sont prêts à faire la paix avec Israël en échange d’un État palestinien, ils ne veulent pas reprendre l’initiative pour se retrouver aveuglés par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Ils sont également heureux de constater qu’un Iran assagi est réticent à l’escalade et rassuré par le ton conciliant adopté par son nouveau président, Masoud Pezeshkian, à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York cette semaine. Quant à savoir s’il sera capable de résister à la pression de ses concurrents radicaux à Téhéran, c’est une autre affaire.

Alors que la campagne d’influence de l’Iran et la crédibilité de sa dissuasion ont subi de réels revers au cours de l’année écoulée, Téhéran a réussi à maintenir des relations cordiales avec des pays qui étaient ses principaux antagonistes il n’y a pas si longtemps. Les responsables arabes observent l’Iran tenter de relancer la diplomatie nucléaire, se demandant si Téhéran proposera son aide à Gaza et au Liban en échange d’un allégement des sanctions et d’autres avantages. Ces responsables insultent également le Hezbollah autant que le Hamas. Les Saoudiens ont publiquement fustigé le groupe militant pour avoir déclenché la guerre de 2006 contre Israël et ont ensuite tenté, avec les Émirats arabes unis et d’autres, de l’isoler et de le punir, bien qu’avec peu de succès. Un Iran plus patient et plus habile les a surpassés.

Les États arabes ne sont pas soudainement devenus naïfs à l’égard de l’Iran. Mais étant donné l’incohérence de la politique occidentale, ils ont décidé qu’accommoder Téhéran était un prix qui valait la peine d’être payé si cela les tenait à l’écart d’un conflit régional. Cela ne sert à rien d’affronter l’Iran en l’absence de consensus, de stratégie ou de détermination collective, lorsque les coûts potentiels sont si élevés et lorsqu’Israël est considéré comme le méchant régional. À Riyad et à Abu Dhabi, la priorité est accordée aux programmes économiques et de connectivité respectifs des pays.

Les dirigeants arabes considèrent Israël comme stratégiquement aveugle, politiquement insensible et ingrat, luttant pour transformer ses succès opérationnels en résultats tangibles et incapable d’accepter des compromis. Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, qui a failli normaliser ses relations avec Israël l’année dernière, a souligné que « le royaume n’établira pas de relations diplomatiques avec Israël sans (…). . . la création d’un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale ». Sa légitimité nationale et sa réputation internationale comptent plus qu’un enchevêtrement risqué, du moins pour le moment.

Il existe une autre raison au sentiment de résignation régionale : la disgrâce du Liban. Le pays meurtri découvre à ses dépens qu’il ne lui reste plus beaucoup d’amis. C’est l’héritage de plusieurs décennies passées à prendre ses partenaires pour acquis, à accommoder le Hezbollah et à échouer à mettre en œuvre des réformes politiques et économiques cruciales.

Quelle différence avec la guerre de 2006. Le Liban était alors le chouchou de l’Occident et du monde arabe. Elle venait tout juste de sortir de trois décennies d’occupation syrienne et d’occupation israélienne six ans auparavant. Les pays occidentaux se sont blottis contre le Liban. Et les États arabes considéraient le Liban comme une arène cruciale pour la compétition arabo-iranienne. Après la guerre, l’argent et l’attention ont afflué, mais le dysfonctionnement du Liban n’a fait qu’empirer.

C’est désormais l’enfant à problème de la région. Les interventions régionales du Hezbollah, de la Syrie au Yémen, l’ineptie de la classe politique libanaise et l’effondrement économique depuis 2019 ont fait fuir les États du Golfe, l’aide étrangère et les touristes. L’indifférence régionale à l’égard du Liban est palpable. Sans cajoleries ni conseils extérieurs, les hommes politiques du pays sont à la dérive et ont passé les deux dernières années à se disputer sur l’identité du prochain président.

L’apathie régionale a contraint Washington, Paris et d’autres à s’engouffrer dans la brèche, liant le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah à l’aide financière, aux élections présidentielles et à l’intégration régionale pour le Liban. Paris se soucie du sort des nombreux binationaux franco-libanais et des liens profonds entre les deux pays. Washington a réussi à amener le Liban et Israël à délimiter leur frontière maritime en 2022, un véritable exploit étant donné qu’ils sont ennemis. La crise actuelle est cependant d’une toute autre ampleur et la diplomatie américaine semble à la dérive et impuissante.



ttn-fr-56