Alors que la capitulation de l’Allemagne nazie est commémorée dans de nombreux pays le 8 mai, elle reste ici muette. Qui pèse de plus en plus inconfortable

Aussi lundi prochain, le 8 mai ne sera pas un jour férié. Alors que dans de nombreux pays européens ce jour-là (aux Pays-Bas le 5 mai) la capitulation de l’Allemagne nazie et donc la fin effective de la Seconde Guerre mondiale est commémorée, elle reste ici silencieuse. Ce silence pèse de plus en plus mal à l’aise.

La bonne nouvelle est qu’il existe une initiative parlementaire prometteuse visant à faire du V-Day du 8 mai un jour férié également en Belgique. L’importance historique de cette journée est indéniable, même si ce pays lui-même avait déjà été libéré du joug nazi en septembre 1944. L’impact va plus loin. La fin de la guerre marque également le début de l’ère de l’État de droit libéral et de l’État-providence tel que nous le connaissons aujourd’hui. Cela devrait être rappelé et célébré.

La Belgique a quelque chose à se rattraper. La Flandre et la Wallonie avec son traumatisme Degrelle ont adopté une attitude difficile et oublieuse envers le rôle du mouvement de résistance sous l’occupation au cours des dernières décennies. Ma génération a souvent acquis un aperçu des leçons d’histoire sur les motifs de la collaboration, souvent avec une certaine empathie, mais pas sur ceux de la résistance. Dans l’art et la littérature aussi, la fascination pour la banalité du mal fut longtemps plus grande que pour le contre-mouvement.

Si des recherches très médiatisées de Luc Huyse dans les années 1990 à Aline Sax, Lieven Saerens ou Koen Aerts aujourd’hui ont habilement déboulonné le mythe de la collaboration, la réhabilitation publique de la résistance n’est que maintenant bien engagée. Un large mouvement d’organisations de la société civile soutient l’appel à faire du 8 mai une journée officielle de commémoration des victimes de la Seconde Guerre mondiale. Les recteurs d’université réunis prônent la création d’un musée de la résistance.

Pourtant, il y a encore des obstacles. Le premier est le conservatisme. Au Conseil national du travail, qui donne son avis sur l’attribution des jours fériés, les patrons menacent de traîner les pieds. Une attitude déplorable. En ce qui concerne la peur de la perte de productivité, les accords sont faciles à conclure. Le lundi de Pentecôte tombe dans le même mois et est parfaitement interchangeable.

Plus difficile est la politisation menaçante du 8 mai. Le rôle du Mouvement du 8 mai est peut-être très louable, mais c’est un mouvement progressiste assez unilatéral. D’autre part, le chef du groupe parlementaire N-VA, Peter De Roover, a récemment présenté l’idée Le standard avec condescendance comme « amendement sympathique ». La journée commémorative n’a de chance que si elle est soutenue de manière pluraliste. Une fête est célébrée pour, et non contre, quelque chose. Faites donc du 8 mai une commémoration des victimes de la violence de guerre, pas une journée contre l’extrême droite.

Enfin, des historiennes telles que Michèle Corthals et Babette Weyns pointent le risque que le nouvel élan de mémoire n’encourage également de nouvelles mythifications. Cette crainte est légitime. Le mouvement de résistance est multiforme, la motivation changeante. Tout comme le noir, le blanc se déploie également dans de nombreuses nuances de gris en temps de guerre. Pourtant, même la vérité historique complexe sera mieux servie par la commémoration que par un oubli stratégique durable.



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