Aimer l’art avec Vittorio Sgarbi. Matteo Ciardini et la Forte, à la mi-saison


ET utile de voir le travail de Matteo Ciardini en un montrer qui donne l’ordre, par rapport à une pratique libre et instinctive de la peinture qui est liée aux humeurs, aux heures de la journée, aux nuages, comme je l’ai compris en le rencontrant par hasard, le long d’une plage, à Forte dei Marmi, il y a quelque temps. Et cela m’a semblé le témoignage d’une personne très sensible. Il ne fait aucun doute que sa quête discrète est la suite naturelle du monde des Macchiaioli, dans leurs visions plus intimement liées à la nature toscane stérile et raréfiée. Et aussi, en regardant de près ce tableau légèrement défait, qui pourtant ne perd pas sa forme et son rapport à la nature contaminée, on retrouve le souvenir de la personnalité lyrique de Mario Marcucci, un artiste peu connu aujourd’hui mais qui mérite d’être rappelé.

Biennale Arte d'Adriano Pedrosa :

La sensibilité de Ciardini est réactive aux lieux de vie comme le Forte, où l’on se trouve sur une plage sans fin et où le paysage se rejoint, se mêle au sable et au ciel. De différentes manières, nous retrouvons cet espace intérieur dans la peinture laconique de Piero Guccione qui brouille les frontières. Mais Guccione a une vision plus philosophique, conceptuelle, avertissant que la peinture de paysage et la peinture abstraite peuvent presque coïncider, nous transférant du monde des émotions à celui des idées, tandis que chez Ciardini, rigoureux et émotionnel, il y a un sentiment météorologique. Les jours que j’imagine merveilleux, voire sombres, de brouillard ou de pluie, dans des lieux qui ne sont connus que dans les mois d’été, sont enregistrés dans les peintures. Ici, nous trouvons un automne stable, ou un printemps tardif qui, au fil des saisons, traverse les cieux sous lesquels vit Ciardini.

Matteo Ciardini est paysagiste lyrique émotif, sa vision est mélancolique et pure, d’une simplicité désarmante. Capable d’exprimer une sensibilité troublée face au lagon ou à la mer. Solitude et méditation des jours gris contre un ciel opaque, dans une attente qui ne s’use pas. Ciardini peint avec une simplicité étudiée, indifférente aux proclamations ou aux idéologies. Ce sont de véritables idylles négatives.

« Pinède », aquarelle (2019). L’exposition « Matteo Ciardini-Intimi passé » est à la Villa Bertelli, Forte dei Marmi, jusqu’au 27 juillet

La pensée que Fernando Mazzocca en a écrite, distante et sensible, nous réconforte en reconnaissant chez Ciardini une formidable conscience de la tradition qui part de Corot et atteint le paysage symboliste d’Odilon Redondans une dimension qui descend dans les paysages et les cieux de Forte dei Marmi et Versilia ou sur le lac Massaciuccoli qui est un autre lieu préféré de Ciardini, tous les lieux de l’âme où ce que vous voyez à l’extérieur descend à l’intérieur. Et c’est la sensibilité d’un poète avant celle d’un peintre qui exprime ces saisons de déclin des beaux jourscomme si le monde entier était sous ces nuages ​​gris dans ce paysage ombragé.

Ainsi même dans les quelques portraits ou autoportraits il y a une désintégration qui ne définit pas leur beauté mais leur intériorité. Ce sont des portraits de la psyché plutôt que des visages. L’impression que j’avais la première fois se confirme en regardant attentivement aujourd’hui les différentes peintures, des fragments de paysage aux fragments d’arbres, aux feuilles, aux paysages industriels qui ne sont pas déformés par le souvenir de ce qu’ils étaient, mais montrent ce qui est devenu . Ils sont défaits, ils sont entrés dans une décomposition de fin de saison après l’éclat du plein jour.

Dans Cabanes à Cinqualela composition particulièrement construite est traversée par cette douce lumière ou plutôt cette ombre qui se mêle à la lumière, qui est la particularité de Ciardini. C’est le parcours d’un peintre qui, tout en peignant principalement des paysages, prend soin d’enregistrer ses humeurs, comme dans un journal. C’est ce que Mario Marcucci avait fait avant lui, et même avant Giorgio Morandi. Chez Morandi, il y a une conscience intérieure qui est projetée sur le paysage, miroir de sa propre condition psychologique.

sinon, dans l’éternelle attente d’une lumière qui doit revenir, Les œuvres de Ciardini se tiennent dans une pénombre éternelle. Il n’est pas donné de connaître le bonheur. Montale l’avait dit : « Bonheur atteint, nous marchons / pour vous à la pointe. / Aux yeux tu es une lueur qui vacille, / au pied, une glace tendue qui craque ; / et donc celui qui t’aime le plus ne te touche pas. / Si tu rejoins les âmes envahies par la tristesse et les purifies, ta matinée / est douce et inquiétante comme les nids des toits. / Mais rien ne paie les pleurs de l’enfant / dont la balle fuit entre les maisons ». De cet état d’esprit Ciardini repart, et le traduit dans le temps incertain de ses paysages. C’est un temps, par nature variable, incertain et instable. Pour comprendre sa mélancolie, il faut avoir l’humeur, avoir vécu à la Cinquale ou à la Forte à la mi-saison.

INFO: L’exposition Matteo Ciardini – Passé intime sera à la Villa Bertelli, Forte dei Marmi, jusqu’au 25 juillet.
villabertelli.it

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