Aides d’État de l’UE, quelle est la proposition européenne et quelles sont les positions de l’Italie, de la France et de l’Allemagne

La ligne italienne

En attendant, cependant, il y a un risque de confrontation. La ligne italienne, exprimée par le Premier ministre, notamment à l’occasion de l’accord bilatéral à Berlin avec le chancelier allemand Olaf Scholz, voit le gouvernement Meloni s’abstenir de la proposition von der Leyen de « fragmenter » le marché intérieur. Une solution qui risquerait de se retourner contre tous ces pays, dont l’Italie, qui se retrouvent avec un espace d’action budgétaire fortement limité par la dette publique élevée. La solution indiquée par la Commission mettrait également en péril l’unité des pays de l’UE en plein soutien à l’Ukraine, engagée dans l’affrontement avec la Russie. Entrer dans une course aux subventions serait donc source de division. Et, sans nouveaux fonds communs de placement, le nouveau fonds souverain en cours d’examen par l’exécutif européen – et encore à négocier – ou cet argent « pont » encore disponible du Fonds de relance et du programme RePowerEU (250 milliards d’euros) ou de la cohésion ( 100 milliards), à utiliser immédiatement. Le ministre des Affaires européennes, Raffaele Fitto, a rappelé que l’Italie demande « une flexibilité immédiate dans l’utilisation des fonds européens existants, notamment le Pnrr et la cohésion et, rapidement, la création de nouveaux instruments comme celui d’un Fonds commun pour la souveraineté européenne », un nouveau « fonds souverain » pour soutenir les entreprises du Vieux Continent. Et c’est une position que le ministre de l’Entreprise et du Made in Italy Adolfo Urso réitérera le mardi 7 février lors du Conseil informel Compétitivité à Stockholm. Le « dossier des aides d’État », ainsi que celui des migrants, a fait l’objet d’une conversation téléphonique entre Meloni et le président français Emmanuel Macron organisée précisément en vue du sommet de jeudi.

L’axe France-Allemagne

Mais la France de Macron semble se lever et soutenir l’Allemagne en demandant un IRA européen qui inclut une nouvelle flexibilité dans le régime des aides d’État. Le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire et son homologue allemand Robert Habeck sont aux Etats-Unis pour demander de la « transparence » à l’administration de Joe Biden, afin d’éviter une guerre commerciale transatlantique. Mais tous deux sont également conscients qu’ils disposent d’une base solide pour ouvrir les cordons de la bourse et entraîner leurs industries dans la concurrence internationale. Une fois de plus, une Europe franco-allemande se dessine. Lors de réunions en tête-à-tête avec les secrétaires américaines au Commerce et au Trésor Gina Raimondo et Janet Yellen, Le Maire et Habeck demanderont « un mécanisme de transparence » qui oblige à rendre compte du montant des subventions et des crédits d’impôt qui seront accordés sur le sol américain . Afin de permettre aux gouvernements de l’UE de réagir de manière spéculaire.

Le risque d’une course (inégale) aux aides d’État

En fait, s’ouvrirait une course aux aides d’État qui, comme l’a souligné l’Italie, pourrait difficilement être contestée à armes égales : selon la Commission européenne, en effet, près de 80 % des aides approuvées jusqu’à présent depuis le début de la guerre en Ukraine, elle a été notifiée par l’Allemagne (52,92%) et la France (24,04%). Et compte tenu du montant des subventions par rapport au PIB en 2022, la situation n’est pas très différente : Berlin se confirme en tête avec 9,24% de son PIB, suivi du Danemark et de la Finlande (avec respectivement 6,75% et 6,5%) puis de France (6,14%). L’Italie est loin, à 2,7 %.

Rome cherche des rivages

C’est pourquoi Rome, par l’intermédiaire du ministre de l’Entreprise et du Made in Italy Adolfo Urso (mais pas seulement), cherchera des banques dans d’autres pays. Il peut compter sur celui de la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager au sein de l’exécutif européen et des pays dits « frugaux » parmi les 27. Outre Macron, Meloni a eu ces dernières heures des appels téléphoniques avec le Premier ministre néerlandais, Rutte, le chancelier fédéral autrichien Nehammer, et avec le Premier ministre grec Mitsotakis. « Nous ne voulons pas d’une flexibilité excessive dans les règles en matière d’aides d’État qui conduisent à la fin des règles du jeu équitables », a scandé la Finlande lors de la réunion des ministres des affaires européennes qui prépare traditionnellement les Conseils européens. Du côté d’Helsinki, il y a 9 autres capitales nordiques, dont La Haye. L’objectif de l’Italie n’est pas de se retrouver coincé sur une question, celle des aides d’État et de la concurrence, qui peut faire la différence en termes de compétitivité d’un pays.

Projet de sommet européen : « les aides d’Etat sont proportionnées »

En attendant, bien qu’avec l’ajout d’un seul mot, le point sur les aides d’État change dans le dernier projet de conclusions du Conseil européen qui sera sur la table de la réunion des ambassadeurs des 27 le mercredi 8 février. chapitre sur l’économie, le texte fait référence au plan industriel Green Deal présenté par la Commission et, dans la partie relative au régime d’aides d’État, on lit que « les procédures doivent être rendues plus simples, plus rapides et plus prévisibles, et doivent permettre de fournir rapidement un soutien ciblé, temporaire et proportionné, également par le biais de crédits d’impôt, dans les secteurs stratégiques pour la transition verte et qui subissent l’impact négatif des subventions étrangères ou des prix élevés de l’énergie ». Dans le projet daté du 2 février, les conclusions parlaient plutôt d’un soutien « ciblé et temporaire ». L’ajout du terme « proportionné » semblerait donc répondre aux exigences des pays qui craignent que la nouvelle flexibilité des aides d’Etat ne conduise à une course aux subventions avec le risque d’une fragmentation du marché unique.



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