Des responsables politiques de l’AfD auraient participé en novembre à une réunion avec le plus célèbre représentant du mouvement identitaire d’extrême droite, Martin Sellner.
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Bernhard Weidinger : C’est encore plus le cas aujourd’hui car le FPÖ a beaucoup changé depuis. En 2019, le parti a été exclu du gouvernement fédéral autrichien à cause de l’affaire d’Ibiza et l’expérience le montre : dès que le FPÖ est dans l’opposition, les inhibitions tombent.
La proximité avec des groupes d’extrême droite devient de plus en plus évidente. En outre, il y a eu un changement au Secrétariat général en 2020 et à la tête du parti en 2021 : le chef du parti Herbert Kickl décrit simplement l’IB comme une « ONG patriotique ».
Le chercheur en extrémisme de droite Bernhard Weidinger du Centre de documentation de la Résistance autrichienne étudie comment le parti frère de l’AfD, le FPÖ, se rapproche toujours plus du « mouvement identitaire ». Selon Weidinger, leur objectif : transformer l’indicible en dicible puis en réalisable.
ZDFheute : Le FPÖ occupe la première place des sondages depuis un an. Elle a pour objectif de participer au gouvernement, voire de le diriger. Alors va-t-elle encore prendre ses distances, ou au contraire : va-t-elle même participer à la campagne électorale ?
Weidinger : Il y a une nette différence aujourd’hui. En 2017, Heinz-Christian Strache, alors président du club, a tenté, au moins rhétoriquement, de s’éloigner de la frange de droite.
Il s’est montré plus favorable à l’État et plus constructif afin de rendre le FPÖ socialement acceptable. En tant que partenaire de coalition du Parti populaire autrichien (ÖVP). Mais Herbert Kickl reste fidèle à son orientation fondamentalement oppositionnelle.
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ZDFheute : Quel rôle joue dans ce contexte la normalisation des termes d’extrême droite ? Comme la remigration, par exemple ?
Weidinger : En Autriche, nous sommes bien plus avancés qu’en Allemagne dans le processus de normalisation du discours d’extrême droite. Le FPÖ existe depuis les années 1950 et jouit d’une force considérable depuis les années 1990. Cela a grandement encouragé la normalisation. On l’a vu dans les années 1990 avec le terme « infiltration étrangère ». Il a maintenant été modernisé.
Aujourd’hui, on parle simplement de « grand échange » ou d’« échange de population ». Et c’est ce qui se passe avec le terme « remigration ». Le leader de l’IB, Martin Sellner, le dit très ouvertement. Son point de vue est que certains termes doivent d’abord être rendus exprimables afin que les idées qui les sous-tendent puissent également être mises en œuvre.
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Weidinger : Oui. Il existe néanmoins des contacts entre les Identitaires et le FPÖ ici en Autriche. Ceci est également admis à diverses occasions.
ZDFheute : Dans quelle mesure le FPÖ et les Identitaires sont-ils proches en termes de personnel ?
Weidinger : Une distinction est encore possible au niveau du personnel. Mais sur le plan du contenu, il n’y a en fait plus de différence à faire, notamment entre les identitaires et la jeunesse du parti libéral. Et le FPÖ lui-même s’y joint de plus en plus en utilisant spécifiquement les termes des identitaires afin de les normaliser.
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ZDFheute : Dans une interview, Kickl a défendu le terme « remigration ». Selon la devise : Pourquoi ne pas simplement renvoyer chez nous les gens qui ne sont pas d’accord avec notre société ? Et enlevez vos passeports. Est-ce quelque chose qui entre dans le cadre légal ?
Weidinger : Ces dernières années, nous avons observé une grande nonchalance au sein de l’extrême droite et du FPÖ en ce qui concerne la validité des réglementations légales. Si, par exemple, la Convention de Genève relative aux réfugiés ou la Convention européenne des droits de l’homme empêchent des mesures politiques, ils sont également prêts à mettre fin à ces accords. Cela est dit ouvertement.
ZDFheute : Faites-vous vraiment confiance au FPÖ pour prendre de telles mesures s’il était au gouvernement ?
Weidinger : La question cruciale me semble être moins de savoir s’il y a une intention de le faire, mais s’il existe une majorité pour de tels projets.
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ZDFheute : La proximité avec le Mouvement Identitaire est-elle plus néfaste ou bénéfique pour le FPÖ ? En vue des électeurs et aussi des éventuels partenaires de coalition.
Weidinger : Il existe un noyau dur d’électeurs qui n’y voient aucun problème. Et puis il y en a d’autres qui le tolèrent et qui votent quand même pour le FPÖ.
En ce qui concerne les partenaires potentiels de la coalition, la proximité de l’IB n’est certainement pas utile. Le seul partenaire de coalition réaliste à l’heure actuelle est l’ÖVP. Et cette relation étroite a toujours été un problème.
ZDFheute : Dans quelle mesure le FPÖ en Autriche est-il un modèle pour l’AfD en Allemagne ?
Weidinger : Depuis sa création, l’AfD suit de près les activités du FPÖ.
ZDFheute : Merci pour l’interview.
L’entretien a été réalisé par Britta Hilpert, directrice du studio étranger de ZDF à Vienne, et Lale Ohlrogge.