Adieu à Gianni Toniolo : grand historien de l’économie, attentif à la société et à ses déséquilibres


Gianni Toniolo n’était pas seulement un grand historien, l’un des plus appréciés au niveau international, mais c’était aussi un homme d’une sensibilité et d’une courtoisie rares. C’est pourquoi nous l’aimions tous et qu’aujourd’hui nous nous sentons perdus car nous avons le sentiment d’avoir perdu une référence importante dans notre vie, pas seulement professionnelle.

Sa formation d’historien est rigoureuse et il se tourne immédiatement vers les faits économiques, car il s’intéresse avant tout à la société, aux institutions qui la constituent, aux problèmes sociaux qui la caractérisent. Dans ses recherches, même celles consacrées à des sujets apparemment infimes, il nous a toujours offert une vision globale d’une institution, d’une histoire. Une compétence que seuls les grands historiens possèdent et qui fut la grande leçon de l’école des Annales, qui produisit également en Italie des études aussi importantes par leurs résultats qu’originales par leur méthode.

Son expérience professionnelle a été étroitement liée à la Banque d’Italie, depuis son amitié de jeunesse avec Pierluigi Ciocca, qui s’est ensuite consolidée grâce à l’attention que notre banque centrale a accordée à la reconstruction de l’histoire de l’Italie et de l’institution. D’abord avec l’ouvrage monumental publié à l’occasion du centenaire et maintenant avec les volumes dédiés spécifiquement à la Banque d’Italie, le premier dont Toniolo venait de terminer, consacré aux années 1893 à 1943. C’est bien plus que l’histoire d’une institution : c’est une fresque fascinante de la société et de la politique italiennes dans un demi-siècle au cours duquel l’Italie est devenue une puissance industrielle, a mené une guerre sanglante et subi une dictature qui l’a conduite à une nouvelle guerre.

Le charme du livre est d’utiliser le point de vue de la banque centrale (la plupart du temps dominée par la figure charismatique de Bonaldo Stringher) pour analyser la société de l’époque et ses principaux acteurs. Un travail extraordinaire est né parce que, précisément en raison de l’ampleur de l’analyse, c’est l’un des travaux indispensables pour comprendre non seulement ce que sont les banques centrales et comment elles sont nées, non seulement pour situer l’évolution de la Banque d’Italie dans le sillage de l’évolution des théories de la banque centrale, mais aussi pour comprendre l’histoire de l’Italie de ces cinquante années et les problèmes de sa société et de sa politique.

Le fait est que Toniolo a toujours accordé une grande attention à la société et aux déséquilibres et inégalités qui se sont accentués au cours des dernières décennies. Sans surprise, il avait étudié en profondeur le rapport Beveridge, l’une des pierres angulaires de l’État-providence moderne, écrit alors que la Grande-Bretagne était encore en guerre, qui a marqué les réformes non seulement dans ce pays, mais dans toute l’Europe, y compris l’Italie.



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