POUR A quel âge peut-on commencer à s’informer sur la Shoah, et surtout : comment le raconter aux enfants, avec quels outils et dans quels buts ? Si Matteo Corradini le demande dans son beau livre Vous êtes mémoire. Didactique de la mémoire : cours sur le judaïsme et la Shoah à l’école primaire (Erickson). « Souvent, nous oscillons entre ces deux extrêmes : soit le thème est carrément évité, car jugé choquant, trop adulte, soit on en parle sans autant de filtres» dit Corradini. « Mon livre est une réflexion sur la façon de se souvenir et propose 20 activités pratiques à faire en classe ».
La thèse de Corradini est qu’il est juste d’en parler, mais sans tout dire, sans entrer dans le détail des enfants qui se sont retrouvés dans les chambres à gaz, les crématoires. Il y a un âge pour tout, et il est plus important de partir de la connaissance du peuple juif – qui n’est pas une entité générique, mais composée de personnes – et de la façon dont le génocide s’est produit. «Il faut aborder le sujet progressivement, par petites étapes, en sachant s’arrêter et en essayant de « lire » les émotions qu’il provoque chez les enfants, qu’il ne faut jamais laisser seul. Différer certains dossiers comme l’extermination, les aborder deux ou trois ans après, vaut mieux que tout anticiper au risque de l’édulcorer». Selon Corradini, par exemple, un film comme la liste de Schindler devrait être vu en huitième année.
Chaque enseignant connaît sa classe et sait évaluer
Il est également important de raconter les histoires des Juifs survivants: «Ils permettent de prendre conscience de ce qui s’est passé mais en même temps gardent confiance en l’avenir. Et avec les enfants, un regard positif est fondamental». La mémoire est un devoir civique et contribue à contrer les nouvelles formes de racisme et d’antisémitisme. On ne peut pas s’en passer, au contraire, il faut la nourrir. Le livre donne des conseils pratiques, mais avec une prémisse : «Chaque enseignant connaît sa classe et pourra jauger les réactions de ses enfants. S’il voit qu’il y a un réel intérêt, il saura aussi s’ils sont prêts. Ces dernières années, nous sommes allés trop loin avec cette question et le risque est le détachement ou le rejet ». Difficile de récupérer les deux, d’ailleurs.
Le contenu doit être respecté, pas banalisé
Plutôt que des images choquantes de charniers, mieux vaut des photos liées à des personnes dans les ghettos, ou celles d’objets saisis par les nazis. Le contenu doit être respecté, jamais banalisé : « La Shoah est devenue un terme de comparaison, si on en parle il faut donner les paramètres de temps et de lieu pour comprendre son histoire. Alors, bien sûr, certains mécanismes fonctionnent malheureusement encore aujourd’hui, il suffit de penser à Poutine envahissant l’Ukraine comme Hitler avait envahi la Pologne, avec les mêmes motivations de propagande».
Jour du Souvenir : en silence pour se souvenir
De nombreuses activités sont proposées par Corradini et que l’enseignant peut mettre en pratique en suivant un parcours chronologique ou thématique. Quelques exemples: pour comprendre qui sont les Juifs, un théâtre d’ombres peut être créé à partir d’une fable d’Isaac Bashevis Singer, ou créez une kippa avec des feuilles de feutre et des marqueurs. En avançant sur les siècles de préjugés subis par les juifs, on peut ouvrir un « zoo des préjugés » ou réfléchir sur le langage de la haine à partir du journal d’un garçon juif, Dawid Rubonowicz.
N’oubliez pas les activités de sensibilisation au sens des lois raciales en Italie, et voici l’idée écrire un manifeste raciste contre ceux qui portent des lunettes à l’école, et voir les effets. On peut parler d’extermination en construisant un petit train en carton qui emmène les enfants en sécurité, ou en concrétisant l’image du ghetto de Terezìn. Mais aussi en faisant connaissance avec les Justes parmi les Nations à travers un livre. Enfin, le jour du Souvenir, à préparer avec soin, sera consacré au silence, interrompu seulement par la lecture des noms des filles et des garçons qui ont été déportés.
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